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"Je suis Yossef ; mon père vit-il encore?
Ses frères ne purent lui répondre, car ils avaient été frappés de stupeur devant lui" (Vayigach 45,3)

-> "Si déjà les remontrances d'un être humain (Yossef, leur jeune frère) ont eu un tel effet de stupeur, à plus forte raison les remontrances d'Hachem sur nos actions terrestres (auront un tel effet)"
[guémara 'Haguiga 4b]

Le Maharcha ajoute : notre jugement individuel dans le Ciel ne portera pas seulement sur nos paroles et nos actes, mais aussi sur ce que chacun aurait pu faire avec ses qualités et ses potentialités, et qu'il n'a pas réalisé.

-> "Rabbi Chimon ben El'azar dit : 'Malheur à nous au jour du jugement, malheur à nous au jour des remontrances ... Si déjà les grands frères n'ont pas su répondre à leur frère cadet, tant ils étaient éberlués devant lui, à plus forte raison quand D. viendra réprimander chacun de nous selon ses actions."
[midrach Yalkout Chimoni Béréchit 152]

-> Rabbi 'Haïm Chmoulévitch (Si'ha 23) enseigne :
Les frères de Yossef, qui jusqu'à ce jour ont toujours considéré être dans leur bon droit en agissant ainsi envers leur jeune frère, prennent brusquement conscience de leur erreur de jugement et d'évaluation, et pris de stupeur, ils ne peuvent plus répondre de leur acte.

Toutes les bonnes raisons qu'ils avaient pour justifier leur comportement envers Yossef ne résistent pas devant ces vérités.

La décision de tuer Yossef, transformée en une vente, avait pour but l'annulation de la réalisation de ses rêves, mais non seulement cela n'a pas pu empêcher son ascension à la royauté, mais de plus, c'est ce geste qui a permis l'accélération et la réalisation de ses rêves.

Les moyens mis oeuvre pour atteindre un résultat donné sont entre les mains de l'homme, mais le résultat de cette action ne dépend que de Hachem.

Nous serons jugés sur nos efforts et sur les moyens utilisés pour atteindre un but, et non sur le résultat.

Par ailleurs, même si une finalité nous semble noble, cela ne doit pas justifier l'utilisation de moyens "impropres" (ex: ici faire souffrir Yaakov pendant 22 ans!).

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-> Au moment où Yossef a dit : "Je suis Yossef", le plan de D. est apparu aux frères dans toute sa limpidité et aucune question ne s'est plus posée.
C'est ainsi qu'il en sera, plus tard, lorsque D. Se révélera et annoncera : "Je suis Hachem!"
Tous les yeux (juifs et non-juifs) s'ouvriront et l'on comprendra toutes les péripéties qui ont jalonné le cours de l'histoire.
[le 'Hafets 'Haïm]

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-> "Lorsque les frères rencontrèrent Yossef, ils reconnurent les traits de son visage, et ils comprirent que c'était le visage de leur frère Yossef. Toutefois, ils ne pouvaient admettre que Yossef était devenu roi.
Il était pour eux absolument impossible qu'un esclave atteigne le trône. Ainsi, ont-ils supposé qu'il s'agissait là d'un homme égyptien qui ressemblait à Yossef, mais il ne pouvait nullement s'agir de leur frère".
[midrach Ohr 'Hadach]

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-> "Une personne voit tous les défauts, à l'exception des siens" [Négaïm 2,5]

-> "Se trouve-t-il un seul individu, dans cette génération, qui soit apte à faire des remontrances? Il voit la paille dans l’œil du voisin, et ne voit pas la poutre dans le sien!" [le Sifri sur la guémara Arakhin 16b]

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+ Abba Kohen Bardela (midrach Béréchit Rabba 93,10), discerne un élément de réprimande dans l’annonce faite par Yossef :
"Malheur à nous au jour du Jugement! Malheur à nous au jour de la Réprimande!
Si les frères n’ont pas su supporter sa réprimande, lui qui était le plus jeune, à plus forte raison quand D. viendra réprimander chacun selon ce qu’il est."

Selon le Beit haLévi, cela signifie que chacun d'entre nous devra faire face :
-> à un jour de jugement : nous serons tenus pour responsable des fautes que nous avons commises durant notre vie ;

-> et à un jour de remontrances : en plus du prix à payer pour nos fautes, on nous montrera l’hypocrisie de chacune des excuses que nous avons pu avoir.
Un remontrance (to'ha'ha) est le fait de rendre apparent la sottise d'agir d'une telle façon, et pourquoi il faut absolument changer.

D'abord on nous exposera nos fautes. Sur ce, nous voudrons nous expliquer et ramener plein de bonnes raisons pour les justifier.
C'est pour cela qu'immédiatement, suite à cela, il va y avoir des remontrances, où toutes nos justifications vont voler en éclat, et seul le 100% vérité va rester.

C'est alors que le jugement peut se tenir, sans interruption, jusqu'à ce que justice soit faite.

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-> "D. viendra réprimander chacun selon ce qu’il est" (midrach Béréchit Rabba 93,10)

Nous serons jugés en fonction du vrai nous-même.

Nous ferons face à toutes nos contradictions internes sur nos valeurs.
Par exemple, nous justifierons le fait de n'avoir pas pu aller à la synagogue le matin. On nous montrera alors la vidéo de toutes les fois où nous avons pu nous lever tôt lorsqu'il s'agissait de nos occupations personnelles.

Nous affirmerons ne pas avoir pu donner davantage à la tsédaka car nous ne le pouvions pas, mais est-ce que nous tenions le même langage pour nos dépenses personnelles non vitales?

Le jugement ne portera pas sur ce que nous ne pouvions pas faire, mais sur ce qui était dans nos possibilités, et que nous n'avons pas fait, préférant le justifier par des excuses malhonnêtes.

Nous verrons alors ce que nous aurions pu devenir, ce que nous aurions pu obtenir par nos prières, et nous verrons de façon apparente à quel point nos excuses étaient vides de vérité, donc inexistantes.

Nos Sages affirment d'ailleurs que le plus douloureux n'est pas la punition pour nos fautes, mais ce choc face à la vérité, ce sentiment horrible d'être plein de regrets : "Comment ai-je pu croire à ces justifications si minables, et avoir aussi peu fait de ma vie!"

[nous risquons d'être des criminels, car nous avons tué la personne magnifique que nous pouvions être!]

=> Essayons d'être honnête et sincère avec nous même, et ne pas hésiter à bénéficier du regard d'autrui, afin d'avoir une remontrance finale qui soit la moins amère possible.

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-> Le Beit haLévi explique que Yossef savait que s'il faisait directement une remontrance à ses frères pour l'avoir vendu, ils pouvaient facilement se justifier en disant : "Yossef, nous avons fait exactement ce qu'il fallait faire. Nous avons réuni un beit din et jugé que tu devais mourir".

Puisqu'ils considéraient que Yossef méritait son sort, une approche frontale n'aurait pas fonctionné.

Ainsi, Yossef a élaboré un plan pour Binyamin, le rendant coupable d'un crime entraînant son emprisonnement.
Au début de la paracha, dans son plaidoyer pour Binyamin, Yéhouda, qui représentait ses autres frères, fait appel à de la compassion pour Yaakov, leur vieux père, qui risque d'en mourir en apprenant cela (cf.Vayigach 44,31).

Yaakov s'est alors tourné vers ses frères, et a demandé : "Je suis Yossef ; mon père vit-il encore?"
Cela était un message clair : "Vous affirmez que la perte de son fils chéri va tuer votre père, mais alors comment avez-vous pu me vendre en esclavage? N'avez-vous pas réalisé que cela aussi pouvez 'tuer' notre père?"

Face à leur contradiction interne : "Ses frères ne purent lui répondre, car ils avaient été frappés de stupeur devant lui".

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+ On a pu voir, b"h, 2 midarchim ayant un contenu similaire, mais se terminant de façon légèrement différente :

-> "A plus forte raison quand D. viendra réprimander chacun de nous selon ses actions" (léfi maasaï)"
[midrach Yalkout Chimoni Béréchit 152]

-> "A plus forte raison quand D. viendra réprimander chacun de nous selon ce qu’il est (léfi ma chéou)"
[midrach Béréchit Rabba 93,10]

Selon le rav Acher Weiss, on retrouve cette distinction dans notre paracha :
-> selon vos actions : "Je suis Yossef votre frère, que vous avez vendu en Egypte" (Vayigach 45,4)

C'est une remontrance sur les actions qu'ils ont pu faire : le jeter dans le puits, le vendre en tant qu'esclave, tremper sa tunique dans le sang et prétendre qu'il a été tué.

-> selon ce que vous êtes : "Je suis Yossef! Est-ce que mon père est toujours vivant?" (Vayigach 45,3)

C'est une remontrance sur ce qu'ils sont, sur leur trait de caractère.
Yossef utilise : "MON père", et non : "NOTRE père", comme une subtile allusion au fait qu'ils ont pu agir sans cœur, en oubliant ce qu'il pourrait ressentir pour la perte de son fils.

Ses frères l'ont vu pendant 22 ans dans un deuil inconsolable, est-ce qu'ils ont tout mis en oeuvre pour le retrouver et le rendre à leur père?

Cela a été la remontrance la plus douloureuse.

=> Nous nous devons de faire attention, non seulement à nos actions, mais également à notre attitude, notre état d'esprit, car nous aurons des comptes à rendre là-dessus.

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-> Après une longue discussion avec Yéhouda, Yossef finit par se dévoiler à ses frères. Alors, il leur dit : "Je suis Yosseph". La Torah relate qu'en entendant ces mots, "ses frères ne purent lui répondre, car ils étaient perturbés devant lui".
En apparence, on aurait tendance à expliquer qu'ils furent perturbés de par la peur que Yossef ne se venge. Mais, nos Sages expliquent qu'en réalité, ils furent perturbés par la honte. Les frères reçurent les propos de Yossef comme une profonde réprimande et remise en cause, et en ressentirent une grande honte.
Et nos Sages de conclure que cette réprimande était à l'image de la réprimande qu'Hachem adressera à l'humanité dans les temps futurs.
=> Cependant, on peut s'interroger sur tout cela. D'une part, en quoi les mots : "Je suis Yossef" constituent-ils une réprimande, alors qu'en apparence, par ces termes Yossef ne fait que se dévoiler à ses frères? Et d'autre part, quel lien y a-t-il entre ce passage et la réprimande qu'Hachem adressera au monde dans les temps futurs?

En fait, il faut savoir au préalable que le comportement et le mode de vie de Yossef se distinguaient de ceux de ses frères.
- Les autres tribus s'isolaient pour servir Hachem. Pour eux, on ne peut s'élever spirituellement qu'en s'éloignant du monde matériel et profane. Il est nécessaire d'adopter un comportement visiblement pieux, en recul avec le monde.
- Mais Yossef voyait les choses différemment. Il optait plutôt quant à lui pour cacher sa piété sous une apparence de superficialité. Il adoptait des habitudes profanes, soignait sa coiffure et son vestimentaire, et dissimulait sa sainteté.
C'est d'ailleurs cette attitude qui suscita l'intérêt de la femme de Potifar, qui le trouvait beau et séduisant, jusqu'à vouloir l'attirer à elle. Et même quand il devint vice-roi de l'Egypte, Yossef poursuivit cette manière d'être. Il était mêlé aux affaires politiques et économiques du pays.
Extérieurement, on ne pouvait distinguer sa grandeur. Mais, au fond de lui, dans ses pensées et dans son cœur, il était pleinement attaché à Hachem.
Il utilisait un revêtement profane pour y envelopper une redoutable sainteté et une très grande proximité avec Hachem.
Si pour ses frères, le monde matériel était à éloigner, ne pouvant servir de moyen pour servir le Créateur. Pour Yossef, la matérialité est un vecteur de sainteté. Il se servait du profane pour l'emplir discrètement de sainteté.
Ce monde n'était pas à écarter.

Ainsi, ne remarquant que l'apparence superficielle et profane de Yossef, ses frères ne sont pas parvenus à saisir sa grandeur et sa sainteté.
Pour eux, Yossef s'était éloigné du droit chemin et menait une vie ancrée dans le matériel. Rien de bien ne sortirait de lui. Ils finirent aussi par s'en débarrasser.
La profonde sainteté que dissimulait Yossef, ils ne la remarquèrent pas ni ne la distinguèrent.
Mais quand Yossef finit par se dévoiler à ses frères, alors qu'auparavant sa sainteté était constamment cachée et il ne l'avait encore jamais mise à jour, mais à ce moment là, il la laissa se dévoiler. La lumière intense de sa sainteté éclata au grand jour.
C'est dans cet état de grande élévation qu'il formula les mots : "Je suis Yossef!"
Et enfin, pour la première fois, ses frères se trouvèrent face à la grandeur si puissante de Yossef. Enfin, ils comprirent qu'au delà de son apparence d'homme simple et profane, se cachait un être redoutable en sainteté.
Et là, ils furent perturbés "devant lui", ou littéralement : "de sa face" (mipanav - מפניו) = c'est qu'en voyant l'éclat qui rayonnait de son visage, ils en furent perturbés. A cet instant, ils comprirent qu'ils s'étaient grandement trompés à son sujet, et qu'ils avaient en réalité affaire à un homme saint. Ils ressentirent une grande honte de cette erreur. C'était pour eux une vraie réprimande.

=> Dans les temps futurs aussi, Hachem se dévoilera dans le monde matériel et proclamera : "Je suis Hachem".
Alors, on comprendra que ce monde, que l'on a utilisé pour son profit et parfois même pour se laisser aller à des fautes, qu'il était en réalité empli de la Lumière Divine qui s'y cachait.
Et alors, on ressentira aussi une grande honte, d'avoir utilisé un monde empli de Divinité, pour transgresser la Volonté Divine, ce qui constitue une offense au sacré.
Cette réprimande future sera bien à l'image de celle de Yossef.

[d'après le rav Mikaël Mouyal]

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