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"Et tu ne prendras pas de don corrupteur (cho'had - שוחד)" (Choftim 16,19)

-> Dans la guémara (Kétouvot 105b), nos Sages demandent : "Qu'est-ce que le שוחד (cho'had)?
Chéou 'had (שהוא חד) : il est un ( = "seul")."

Le Ba'h nous rappelle que la guémara (Shabbath 10a), nous enseigne également, qu'un juge ayant une décision impartiale/neutre est considéré comme un associé de D. dans la Création du monde, car celui-ci repose sur la justice.
Si en revanche, il accepte des dons corrupteurs et ne juge pas équitablement, il n'a pas d'associé : "il est seul" (chéhou 'had)

-> Le 'Hida nous signale que les lettres qui suivent celles du mot : שחד (cho'had) sont : תטה (taté).
Si tu acceptes du שחד ("don corrupteur"), il s'ensuit que תטה ("tu feras pencher" [le jugement]).
[toute acceptation de don corrupteur sera suivie par un détournement inconscient de la justice et de la vérité]

Quant aux lettres qui précèdent שחד (cho'had), elles peuvent former : רגז (la colère - roguèz), ainsi que : גזר (décret - guézar).
=> Quand un juge accepte des dons corrupteurs, D. se met en "colère" et "décrète" une punition.

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+ Rava dit : Pourquoi le "cho'had" est-il interdit?
C'est parce que dès qu'un juge accepte un présent (même le plus minime, même s'il n'en a pas besoin, même s'il n'en a pas conscience, ...), il se sent proche du donateur et fait corps avec lui ; or, un homme n'arrive pas à déceler ses propres torts (ou défauts).
Que signifie le mot "cho'had" (שחד)?
Il ne fait qu'un avec lui (chéou 'had - שהוא חד).
Rav Pappa dit : Un homme n'a pas le droit de juger ni la cause d'un plaideur qu'il aime ni la cause d'un plaideur qu'il hait, car on ne voit ni les torts de ceux qu'on aime ni les mérites de ceux que l'on hait.
[guémara Kétouvot 105a-105b]

-> L'interdiction d'accepter des cadeaux corrupteurs existe même si le juge a l'intention de juger équitablement, et selon les lois de la Torah, les 2 plaideurs. Pourquoi?
C'est parce qu'il est impossible de ne pas se laisser influencer par le plaideur dont on a reçu un présent, en penchant en sa faveur.
[Rachi - Dévarim 16,19]

-> Pourquoi un don corrupteur aveugle-t-il le juge qui l'accepte?
C'est parce que quiconque accepte un cadeau corrupteur, serait-ce un érudit/Sage dans la Torah, son esprit finira par sombrer dans la confusion et il oubliera les Lois qu'il a apprises : la "lumière" de ses yeux s'obscurcira ; cette confusion et cette "obscurité" le détournent de la Vérité et faussent donc son jugement.
[Rachi - Chémot 23,8]

-> Les "pots-de-vin" détruisent le pouvoir spirituel de celui qui les reçoit, c'est-à-dire la clarté d'esprit et la juste compréhension des faits rapportés par les plaideurs.
Ainsi, les dons corrupteurs brouillent la vision claire du cas à juger et altèrent l'objectivité des juges, sans qu'ils ne le ressentent.
[rav Chimchon Raphaël Hirsch]

-> Le pot-de-vin aveugle véritablement le juge qui traite l'affaire à juger, comme s'il ne voyait pas les faits, jusqu'à condamner l'innocent même sur témoignage des témoins dont il déformera les paroles à cause du don corrupteur qu'il a reçu.
[Maharcha]

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-> La principale raison de l'interdit de recevoir du cho'had est le risque d'incliner le jugement en faveur du donateur.
Même le juge accepte ce don avec l'intention sincère de culpabiliser le coupable et d'innocenter l'innocent, de même qu'il ne voit pas ses propres défauts et torts, il ne les verra pas chez son donateur.
Même si le juge est un Sage animé d'une volonté de justice, il ne doit pas compter sur ses bonnes intentions et sa raison, car inconsciemment le cho'had reçu l'aveugle et le verdict sera certainement altéré : les lois (halakhot) seront modifiées à ses yeux et il croira que son verdict erroné est conforme à la halakha.
[Méïri]

-> Après qu'un juge ait dévié son verdict de la vérité, même une seule fois, à cause du don corrupteur qu'il a accepté, il aura perdu définitivement le sens de la vérité et demeurera "aveugle" toute sa vie.
En effet, tout son système de pensée est déformé et tous ses verdicts ultérieurs seront entachés d'erreur, même s'il cesse d'accepter du cho'had.
Plus que cela, lorsque se multiplient les juges qui acceptent un don corrupteur, ils auront une influence même sur les juges honnêtes et droits de leur génération.

[rav Dessler - Mikhtav méEliyahou - tome.1,p.54]

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-> Même si un juge ne porte pas de considération ou d'amitié à un plaideur plus qu'à l'autre, cependant il n'aura pas à les juger s'il lui semble que l'un d'entre eux l'aime davantage que le second.
Cette disqualification de juger un conflit entre ces 2 plaideurs est une conséquence de ce verset : "Comme dans l'eau (miroir) le visage répond au visage, ainsi les cœurs des hommes se répondent" (Michlé 27,19).
En effet, si le juge ressent qu'un des plaideurs l'aime plus que l'autre, il lui portera à son tour inconsciemment plus d'attention, d'après le verset cité, et il ne verra pas en lui de culpabilité, et ainsi le verdict prononcé ne sera pas conforme à la Vérité.
[Haflaa]

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"N'accepte pas de présents corrupteurs" (Michpatim 23,8)
Ce verset concerne non seulement l'interdiction pour un juge de recevoir des dons corrupteur en argent, mais également l'interdiction de recevoir des présents corrupteurs en paroles ou actes ("cho'had dévarim") ...
Par exemple, un jour, Chmouel montait sur un bac (pour traverser un fleuve) ; un homme vint lui tendre sa main (pour l'aider).
Chmouel lui demanda : "Pourquoi (te montres-tu si avenant)?"
L'homme répondit : "J'ai un procès en cours".
Chmouel lui dit : "Je suis disqualifié (passoul) pour te juger!" ...

Rabbi Ichmaël fils de rabbi Yossi avait un métayer (exploitant en louage de son verger) qui lui apportait un panier de fruits chaque vendredi, veille de Shabbath.
Une fois, il lui apporta les fruits un jeudi.
Rabbi Ichmaël lui demanda : "Pourquoi ce changement?"
Son métayer répondit : "J'ai un procès en cours et je me suis dit : je profite de devoir venir auprès de toi pour être jugé, pour t'apporter tes fruits".
Rabbi Ichmaël n'accepta pas de recevoir les fruits et s'estima disqualifié (passoul) pour juger ce procès.
Il confia ce jugement à 2 rabbanim.
Pendant le procès, rabbi Ichmaël allait et venait et se disait : pourvu que mon métayer pense à dire ceci et cela (comme arguments de défense)!
Il s'écria alors : Maudit soit celui qui accepte des présents corrupteurs! Si moi qui n'ai pas accepté ces fruits, et quand bien même je les aurais acceptés, j'aurais pris des fruits qui m'appartiennent, j'ai réagi de cette façon impartiale en faveur de mon métayer, à plus forte raison ceux qui acceptent effectivement des dons corrupteurs!
[guémara Kétouvot 105b]

-> Dans ce récit, rabbi Ichmaël fils de rabbi Yossi, qui a ressenti qu'il désirait dans son cœur que le métayer gagne ce procès, a compris que l'unique cause de ce parti-pris était la légère satisfaction d'avoir reçu ses fruits à l'avance.
Il apprit ainsi le secret des forces cachées dans l'âme : la moindre gratification, la plus petite séduction devient un élément corrupteur capable de déformer la perspicacité et d'entraîner le chaos dans tous les détours de la pensée, même chez un gadol (grand).
Pourtant, le tana rabbi Ichmaël fils de rabbi Yossi connaissait la subtilité du préjugé, et c'est pourquoi il refusa d'accepter ses propres fruits un jour plus tôt, et il se dessaisit de ce procès.
Malgré ses efforts, rabbi Ichamël constata que de nombreux arguments en faveur du métayer s'agitaient dans sa tête.
Il comprit alors le danger de toute gratification, si minime soit-elle, même pour un gadol (un grand un Torah), et donc à fortiori pour chacun de nous.
[rav Dessler - Mikhtav méEliyahou - tome.1,p.53]

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-> Dans la paracha de Pin'has, les filles de Tsélof'had ont demandé à Moché de bénéficier de l'héritage de leur père (son territoire en Israël), suite à sa mort.
Moché s'est retiré de cette décision pour demander à Hachem de décider.
Pourquoi cela alors que quotidiennement il donnait directement une réponse aux très nombreuses questions des juifs?

Le Avné Nézer répond que c'est parce que les demandes des femmes sont souvent accompagnées d'explosions émotionnelles et de larmes, et les larmes sont également une forme verbales de pot-de-vin.

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-> Le rav Yérou'ham de Mir explique :
"Le choh’ad est un grand secret dans la Torah. Il ne s’agit pas d’une notion banale mais d’une faute dont les racines sont l’essence même du Mal. Comme l’explique le Sforno, au début de la Torah en ce qui concerne la première faute : c’est l’ange du Mal lui-même qui chevauchait le serpent afin de faire fauter Adam et H’ava. Cet ange a entraîné la première faute en utilisant la force de l’intérêt personnel et l’amour de soi-même et le désir de profiter.
La Torah est appelée Tov (ki léka’h tov) et les Michpatim d’Hachem sont droites et bonnes (Michpeté Hachem emet tsadekou yah’dav). Le but du dayan (juge) est de permettre au Tov (à ce qui est droit et bon) de régner et de s’installer au milieu des bné Israël même lorsqu’il y a des dissensions.
Le choh’ad : c’est faire rentrer la présence du Mal dont l’essence est la recherche de l’intérêt, ou la réception d’un profit personnel, dans le Tov que sont : les lois de la Torah.

C’est ce que dit la guémara (Sota 47b) : "depuis que ce sont multipliés les baalé anaa (les profiteurs) il n’y a plus de justice, il n’y a plus de bonnes actions, il n’y a plus de na'hat pour Hachem dans ce monde."
Qu’ont fait ces gens? Ils veulent seulement profiter de ce monde-ci!
Mais en réalité, cette ambition qui semble banale est la raison de la première faute de Adam et H’ava, c’est là la force essentielle du yetser ara, et c’est aussi le secret du Mal dans les racines de sa création.

La guémara (Kétouvot 103) raconte qu’à la fin de sa vie, rabbi Yéhouda haNassi a levé ses 10 doigts vers le ciel et a dit : "Hachem, Tu sais que je n’ai pas profité même comme mon petit doigt, de ce monde-ci".
D’après nos paroles, il ne s’agissait pas seulement d’une des qualités spécifiques de Rabbi, mais plutôt avant de quitter ce monde, il a voulu exprimer à Hachem à quel point il s’était toujours efforcé de s’accrocher au Tov et d’être lui-même un Bon homme en s’éloignant le plus possible des racines du mal."

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b'h, sur ce même sujet :
- http://todahm.com/2018/02/19/6181
- http://todahm.com/2019/10/02/10740

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