+ Questions/Réponses - paracha Vayakél & Pékoudé :
1°/ Sur la paracha Vayakel :
Rachi (Vayakél 35,27) rapporte que le mot : "princes" (nési'im - נְּשִׂאִם) est écrit sans les 2 "youd" qui devraient normalement y figurer (נשיאים).
Cette anomalie constitue un reproche implicite pour ces illustres personnalités, qui n'ont apporté leurs dons qu'une fois que tous les autres matériaux aient été fournis, en comblant alors la totalité du manquant à donner.
En effet, la réponse du peuple a été si généreuse qu'il ne restait presque plus rien à offrir.
C'est donc pour sanctionner leur "paresse" à apporter immédiatement leurs dons que la Torah orthographie incomplètement leur nom.
[lors de l'inauguration du Michkan, ils n'ont pas reproduit cette erreur en apportant immédiatement leur offrande]
=> Pourquoi est-ce particulièrement la disparition de la lettre "youd"?
-> Le Kli Yakar explique que les Nési'im ont fait preuve d'arrogance en se déclarant capables de fournir quoique la nation entière n'aurait pas réussie à donner.
Hachem dit : "Des yeux hautains et un cœur enflé d’orgueil, je ne puis les supporter" (Téhilim 101,5), et c'est pour cela qu'Il a retiré la lettre youd, qui est la seule lettre de Son Nom qui est présente dans leur titre de : "Prince" (Néssi'im), faisant allusion qu'Il ne réside pas avec les orgueilleux.
[de même : "L’orgueilleux repousse les pieds de la présence divine. Hachem dit à son sujet : Moi et lui, nous ne pouvons demeurer ensemble!" - guémara Sotah 4b]
-> Le 'Hidouché haRim enseigne que la 1ere faute des Nési'im était de s'être séparés de la communauté, en acceptant de donner qu'une fois que tout le monde aura déjà contribué.
=> En raison du fait qu'ils se sont séparés de la communauté juive, la lettre youd, qui symbolise : Israël (ישראל - Bné Israël = les juifs = yidden), s'est également séparé de leur titre.
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-> Le rav Zev Leff répond que les Nési'im ont mal compris tout l'objectif de donner au Michkan.
Ils pensaient à tord que Hachem avait besoin de ces contributions, et qu'ils viendraient ensuite offrir ce qu'il manquait.
Mais en réalité Hachem n'avait [personnellement] absolument pas besoin de ces objets, qui n'étaient que des opportunités offertes aux donateurs de se purifier et de s'élever.
[Hachem n'a besoin de rien. Lorsqu'Il nous demande un petit quelque chose, c'est en réalité une façon de nous donner le maximum en nous retirant la honte de tout recevoir gratuitement (le "pain de la honte"!).]
Ecrit avec un youd, le titre : נשיאים connote : "ceux qui portent".
Ecrit sans le youd, les voyelles peuvent être réarrangées et former : "ceux qui sont portés".
=> Le retrait du youd met en avant le fait que bien qu'ils pensaient porter le Michkan en comblant les manques, en réalité c'étaient eux qui étaient portés par le biais du mérite de la mitsva.
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-> Le Gaon de Vilna donne la réponse suivante :
Sans aucun doute, de manière consciente les nési'im avaient l'intention de faire la meilleure chose, et ils s'engageaient même à apporter une éventuelle donation très importante (on donnera le montant qu'il manquera, quelqu'il soit!).
Cependant, profondément en eux, dans leur inconscient, leur motivation était moins pure et ils espéraient que le peuple donnerait la totalité de la somme requise, les laissant alors libres de toute obligation pratique, tout en ayant fait une proposition théorique très généreuse.
Pour prouver cela la Torah a retiré un "youd" de leur nom, car le "youd" est la seule lettre qui lorsqu'elle en est absente, passe inaperçue, puisque le mot est prononcé exactement de la même façon (avec et sans).
=> De la même façon, cela indique que leur défaut était d'une nature telle que, eux-mêmes n'en avait pas conscience, bien que présent dans leurs calculs.
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-> Rachi : les chefs de tribu (néssi'im) ont dit : que la communauté apporte d’abord et donne ce qu’elle veut, et ce qui manquera nous le compléterons ... or comme ils avaient montré de la paresse au début, il manque une lettre au mot nessi'im.
-> Rabbi Soloveitchik s’étonne : le fait qu’ils n’aient pas apporté était dû à un calcul et était totalement désintéressé, c’était pour pouvoir apporter ce qui manquerait.
Et il répond : la Torah nous enseigne que quand nous devons faire une mitsva, tous les calculs du monde passent en second lieu. Comme les dons pour le Michkan étaient une mitsva, ils n’avaient aucune justification à tergiverser et à ne pas amener tout de suite.
-> Rabbi Réouven Grozowski propose une autre explication : Certes, les chefs de tribu avaient bien apprécié ce qu’il fallait pour le Michkan, mais ce n’était pas cela leur tâche.
Le rôle de quelqu’un n’est pas de réparer le monde et de compléter ce qui lui manque. L’homme doit s’améliorer lui-même, et dans ce travail-là, ce qui vient en tête est le zèle dans l’exécution.
"Une mitsva qui se présente à toi, ne la laisse pas passer" = Même quand les bnei Israël ont reçu l’ordre de donner pour la construction du Michkan, le but pour chaque personne n’était pas la construction elle-même, car Hachem n’a pas besoin d’aide pour construire le Michkan. C’était seulement un moyen pour l’individu de s’améliorer en donnant sa contribution. Et comme les chefs de tribu ont montré de la paresse envers cette mitsva, ils ont échoué.
-> Le ‘Hafets 'Haïm dit : S’il manque une lettre au nom des nessi'im, quand ils se sont mal conduits, il est certain que le côté positif va être encore plus grand quand ils se sont bien conduits.
Et effectivement, dans le passage de l’inauguration de l’autel dans la parachat Nasso, la Torah parle très longuement de l’offrande de chacun des chefs, et consacre même à chacun un paragraphe différent, sans les regrouper dans le récit, bien que leurs offrandes aient été identiques.
Cela nous enseigne combien est importante et chère devant Hachem une mitsva faite avec empressement avec toute la communauté, sans que personne se sente supérieur à l’autre et sans jalousie ni compétition.
Quand les chefs de tribu n’ont pas eu l’empressement de se joindre à la communauté dans leur offrande, il a manqué une lettre à leur nom, alors que quand ils ont tous apporté leur offrande avec empressement, la Torah leur a consacré une place particulière. Non seulement il n’a rien manqué à leur nom, mais chacun d’entre eux a même eu droit à un passage entier séparé.
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2°/ Sur la paracha Pékoudé :
Le midrach (Tan'houma 7) enseigne que Moché a tenu une comptabilité précise de l'utilisation de tous les matériaux qui avaient été donnés pour le Michkan, car certains juifs ont demandé où est-ce que l'ensemble de leurs biens ont pu partir, et si Moché n'en avait pas pris une partie pour lui.
=> Pourquoi une comptabilité similaire n'a-elle pas été réalisée par Aharon, qui a également pu collecter un montant important d'or pour ne réaliser qu'un petit Veau d'or?
[d'ailleurs la quantité d'or donnée pour le Michkan venait en réparation de celle investie pour la faute du Veau d'or]
-> Le rav Méïr Shapiro suggère ironiquement que la nature humaine est telle, que c'est uniquement lorsque l'on donne de l'argent pour des causes charitables et dans le but de réaliser une mitsva, que l'on va être très pointilleux, suspectant ceux qui s'en occupent et leur demandant des comptes précis.
-> Le rav Zalman Sorotzkin explique qu'au fond dans le cœur de tout juif, il y a un désir ardent de toujours faire la volonté de Hachem, de faire le bien.
Ainsi, lorsque l'on donne à une cause élevée comme l'était le Michkan, nous voulons que le moindre centime de notre contribution soit utilisé pour cet objectif (j'ai envie de réaliser la mitsva au maximum!), et c'est pourquoi ils ont demandé des comptes pour s'assurer à eux-mêmes que c'était bien le cas.
[il n'y avait aucune remise en cause de l'intégrité de Moché, mais plutôt un besoin d'entendre verbalement que leurs fonds étaient tous utilisés au mieux!]
Lorsque le yétser ara parvient à tromper quelqu'un en lui faisant donner à des causes pas très cachères, comme le Veau d'or, en réalité son être intérieur pleure son erreur, et c'est pour cela qu'il ne demande aucune preuve concernant l'utilisation de son argent.
D'ailleurs secrètement, il espère que celui qui a pris son argent va en garder pour lui-même, car cela va permettre de diminuer l'ampleur de la faute.
-> Suite à son explication, le rav Méïr Shapiro Meir offre une défense à au peuple juif.
Nos Sages disent : "Israël est saint. Lorsqu'on leur a demandé de faire un don pour le Veau d'or, ils l'ont fait. Lorsqu'on leur a demandé de faire un don pour le Michkan, ils ont donné".
Le rav Shapiro dit que cela peut être lu comme une question : "Lorsqu'on leur a demandé de donner pour le Veau d'or, ont-ils donné?"
En d'autres termes, les juifs n'ont pas réalisé qu'ils donnaient pour quelque chose d'interdit. On leur a dit que l'argent était nécessaire pour une bonne cause, pour créer un moyen d'adorer Hachem, et ils ont donc donné, comme s'ils pensaient qu'ils donnaient pour un Michkan.
-> Le yétser ara a trompé le peuple juif et lui a fait croire qu'il donnait pour le Michkan alors qu'il donnait en réalité pour le Veau d'or.
Cela nous enseigne qu'il ne faut pas écouter le yétser ara, même s'il semble nous dire de faire quelque chose de bien.
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3°/ Sur la paracha Pékoudé :
En ce qui concerne le Tsist (la Plaque frontale?) du Cohen Gadol, la Torah déclare : "ils y écrieront dessus : Kodéch l'Hachem (קֹדֶשׁ לַיהוָה)" (Pékoudé 39,30).
Pourquoi était-il nécessaire d'avoir plusieurs personnes pour y inscrire seulement 2 mots?
-> Selon les Mochav Zékénim, c'est parce qu'un des 2 mots inscrits était le Nom Saint de Hachem, et qu'il était nécessaire de l'écrire en présence de 10 hommes.
D'ailleurs ces commentateurs ajoutent qu'à chaque fois qu'un scribe écrivait le Nom Divin, comme pour les téfilin, mézouzot et Séfer Torah, il devait d'abord se tremper au mikvé et ensuite l'écrire avec la présence d'un minyan.
Cependant, le rav Moché Sternbuch note que cet avis est plutôt original, dans le sens où il n'est rapporté dans aucune autre source, ou par une autorité de la loi juive.
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+ Bonus :
-> "Tout l’or employé à cette œuvre, aux diverses parties de l’œuvre sainte" (38,24)
Le ‘Hida (‘Homat Anakh) rapporte au nom de rabénou Vidal haTsarfati : "Nos maîtres ont dit que le monde n’était pas apte à utiliser de l’or, et que celui-ci a donc été créé uniquement parce qu’il était nécessaire à l’œuvre du Michkan (Sanctuaire)."
C’est à cela que le verset fait allusion : "Tout l’or employé (créé)", dans le monde, ne l’a été que pour "l’œuvre", pour l’œuvre du Michkan.