Pâtisserie spirituelle depuis 5771 - b'h
 

La paracha de Noa'h est lue habituellement au début du mois de ‘Hechvan, mois où commença le Déluge (voir Rachi sur Noa'h 7,11).
Le mois de ‘Hechvan présente la particularité de ne comporter aucune solennité, laissant ainsi apparaitre un certain de vide de lumière en comparaison avec le mois de Tichri qui le précède, un mois "rassasié de fêtes joyeuses".
Le "Déluge" allégorique (les préoccupations de la vie quotidienne) commence donc lui aussi en ‘Hechvan. Au cours du mois de Tichri, nous passons la plupart de notre temps dans «l’arche» des fêtes solennelles (Roch HaChana et Yom Kippour) et des fêtes joyeuses (Souccot et Sim’hat Thora). C’est seulement le mois suivant, ‘Hechvan, que nous retournons à la vie ordinaire.
Bien que cette transition apparaisse comme une régression spirituelle, la vie ordinaire que nous reprenons en 'Hechvan comporte en fait un avantage en ce que nous répandons toutes les lumières de Tichri dans les différentes composantes du monde profane, bâtissant ainsi une Demeure au divin.
C’est ainsi que nous pouvons comprendre l’enseignement du midrache (Yalkout Chimoni Méla'him 184) selon lequel, le 3e Temple (la résidence de D. sur terre) sera inauguré au mois de 'Hechvan.

[issu d'un dvar Torah du Collel de Sarcelles (Noa'h 5783)]

"Haran, père de Milka et père de Yiska" (Noa'h 11,29)

Rachi explique que Yiska, c'est un autre nom que portait Sarah. En effet, Yiska signifie "voir", on l'appelait ainsi, car elle avait un regard inspiré par l'esprit prophétique. La seule fois que la Torah appelle Sarah par ce nom de Yiska c'est dans ce verset. C'est que c'était par ce nom qu'on l'appelait dans sa maison paternelle, avant de partir pour Canaan.
Ainsi pourquoi la Torah a-t-elle autant tenu à mentionner ce nom?

-> Le rav Zeidel Epstein explique que la Torah veut nous montrer une différence notoire entre la vision de la Torah et la vision profane, celle des autres nations. Dans la maison de son père, Sarah était appelée Yiska, celle qui a un regard prophétique et inspiré. Car c'est cela qui les a impressionné. Un non-Juif est souvent impressionné par les forces surnaturelles qu'un homme peut avoir. S'il connaît le futur ou réalise des miracles, les gens le considéreront d'emblée comme un être supérieur, impressionnant, qu'il convient d'aduler.
Mais en réalité, cela n'impressionne absolument pas la Torah, qui préfère appeler notre matriarche par le nom de Sarah, "celle qui règne", qui domine son penchant, qui maîtrise ses envies, et sait être reine sur elle-même. La seule chose qui compte pour la Torah, c'est combien un homme est maître de lui-même pour diriger sa vie en conformité avec la Volonté Divine, même s'il doit pour cela maîtriser son coeur et aller à l'encontre de ses tendances naturelles.
En revanche, le fait qu'une personne ait des dons particuliers, hors du commun et surnaturels, cela n'a pas en soi de la valeur d'après la Torah, qui a un regard profond et authentique sur les choses. Seules les personnes plutôt superficielles en sont subjuguées.

"Noa'h était un homme Juste intègre dans ses générations" (Noa'h 6,9)

Rachi rapporte 2 explications. La première fait l'éloge de Noa'h qui a su rester Juste (tsadik) parmi des hommes
impies (réchaïm). Encore plus aurait-il été grand parmi des hommes Justes. La seconde explication dit au contraire que toute sa grandeur n'est que relative à sa génération qui étaie impie. Mais, s'il avait vécu dans la génération d'Avraham, il n'aurait eu aucune valeur.
=> Comment comprendre que le même verset appelle des commentaires aussi opposés? Et surtout, puisqu'il est possible de voir les choses positivement, pourquoi chercher à interpréter négativement?

-> Le rav Its'hak Blazer explique qu'en réalité les 2 explications se complètent et n'en forment qu'une seule. En effet, Hachem ne considère pas la valeur des bonnes actions en fonction de leur quantité, mais en fonction des efforts et de la difficulté pour les réaliser.
Ainsi, un homme qui accomplit peu de mitsvot mais en surmontant de grandes difficultés, pourra surpasser un autre qui en accomplit énormément, mais sans difficultés. Certes, dans l'absolu, Noa'h n'était pas si grand que cela et effectivement, il faisait bien moins de bonnes actions qu'Avraham. Il était insignifiant devant lui.
Comme il était freiné par une génération de fauteurs, aussi il est clair que s'il avait vécu parmi des hommes Justes, qui l'auraient encouragé, il aurait été encore plus grand et aurait accompli bien plus de bonnes actions. Mais à présent, où il ne vivait pas dans la génération d'Avraham, mais avec des impies, dans ces conditions, sa grandeur fut extraordinaire, et même par comparaison à Avraham. En effet, le fait que Noa'h fut entouré d'impies, il lui fut donc extrêmement difficile de ne pas se laisser influencer, au point que même le niveau limité qu'il a atteint avait une valeur extraordinaire. Car il a dû lutter et résister à sa génération pour rester Juste.
Et cela a une valeur inimaginable, même par comparaison avec Avraham. Mais s'il avait vécu avec Avraham qui l'aurait encouragé et aurait eu une grande influence sur lui, alors cela aurait rendu son travail bien plus facile et alors sa grandeur aurait était insignifiante.

Le niveau spirituel de notre génération est certes insignifiant par rapport aux premières générations. Malgré tout, nous ne devons pas nous en attrister, car le petit niveau que nous atteignons est obtenu par des efforts, du fait de l'environnement profane, empli de tentations et d'obscurité. Aussi, nos petites mitsvot et nos faibles mérites sont considérés par Hachem comme grandioses.
Comme le disait le Arizal, une toute petite Mitsva que nous accomplissons dans de telles générations d'obscurité, valent largement de très grandes mitsvot réalisées par les Justes des anciennes générations, quand la lumière spirituelle était bien plus claire et que le Service d'Hachem était plus simple.

-> b'h, voir à ce sujet : L'incroyable grandeur de chaque juif à notre génération : http://todahm.com/2022/02/08/la-grandeur-de-chaque-juif-a-notre-generation

"Leur face était retournée et la nudité de leur père, ils n'ont pas vu" (Noa'h 9,23)

=> Apparemment, il semble y avoir là une certaine redondance. Quand la Torah dit que Chem et Yafet s'approchèrent de leur père en tournant leur face, cela implique donc déjà qu'ils ne virent pas sa nudité!

-> Le rabbi de Loubavitch explique qu'en fait, la Torah ne vient pas seulement dire qu'ils n'ont pas vu la nudité de Noa'h, physiquement parlant. Car cela est effectivement suggéré par le fait qu'ils tournèrent leur visage. Mais la Torah vient ajouter par là que même dans leur coeur et en leur for intérieur, ils n'ont pas vu sa nudité.
Cela signifie qu'ils n'ont eu aucun jugement négatif ni aucune pensée de mépris ou de manque de respect vis-à-vis de leur père qui s'était dénudé. A l'intérieur de leur coeur non plus ils n'ont pas vu sa nudité. Et c'est pourquoi, ils étaient à même de corriger la situation et couvrir leur père, rétablissant de cette façon son honneur.

Parfois, il peut arriver que se présente à nous une situation où un juif commet une certaine faute. Et là, il peut nous arriver d'en ressentir une certaine colère ou encore un certain mépris en son encontre. En tout cas, on ne peut souvent s'empêcher de concevoir un quelconque jugement négatif. Et, rempli de cette émotion, on tente de rétablir la situation en réprimandant la personne en question ou encore en réagissant pour l'empêcher de continuer. On a alors le sentiment d'avoir fait son devoir.
La Torah nous apprend ici que lorsque l'on doit corriger quelqu'un, il ne faut pas "voir" sa faute. On doit avoir des sentiments d'amour et de peine pour ce juif qui est dans la faute et ressentir le besoin de l'écarter de ce mauvais comportement qui lui est néfaste, en vue de lui faire du bien.
L'essentiel de la démarche doit être de l'aider à réparer, et non pas de le juger d'une quelconque façon que ce soit. C'est uniquement de cette façon que notre acte sera réellement valable et efficace.
Nos Sages nous apprennent que si on a un certain jugement négatif face à un juif qui commet une faute, cela indique que dans le fond, on a soi-même quelque part cette même faille. Hachem nous présente donc cette scène pour que l'on identifie cette faiblesse qui est en nous et que l'on tente de la corriger, plus que pour corriger son prochain.
Mais si on ne voit pas l'homme qui transgresse avec un regard négatif, mais que l'on ne voit que son bien et son intérêt, mû uniquement par le désir de l'aider à rectifier et s'améliorer, alors cela indique qu'effectivement, Hachem nous présente cette situation pour aider ce juif à réparer et à corriger.

L’importance de sanctifier le début d’une chose

+ "Tout va d'après le commencement" = l'importance de sanctifier le début d'une chose :

"Noa'h, homme de la terre, commença par planter une vigne" (Noa'h 9,20)

-> Le Sforno commente :
"Il commença par une action inconvenable, et c'est pour cela qu'il en découla des actes répréhensibles. Car une petite déviation au début en entraîne une grande à la fin, comme cela se produit dans les sciences lorsqu'elles partent d'une erreur au commencement."

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+ "Et Caïn travaillait la terre. Ce fut au terme des jours, Caïn apporta du produit de la terre en offrande à Hachem. Et Evel, lui aussi, apporta les premiers-nés de son menu bétail et de leurs graisses. Hachem se montra favorable à Evel et à son offrande, mais à Caïn et à son offrande, Il ne fut pas favorable.
Caïn en fut très affligé et son visage fut abattu. Hachem lui dit : "Pourquoi es-tu affligé et pourquoi ton visage est-il abattu? Si tu t'améliores, tu pourras te relever, sinon, le péché est tapi à ta porte ; il aspire à t'atteindre, mais toi, sache le dominer!"" (Béréchit 4,2-7)

-> Le Divré Chmouël enseigne :
Nos tsadikim expliquent allusivement le verset : "Sanctifie-Moi tout premier-né" (Bo 13,2), en disant que l'essentiel du travail de l'homme consiste à sanctifier les "prémices" [c'est en cela que réside d'ailleurs, tout le thème du premier-né qui constitue les prémices de toutes les naissances].
Et cela inclut également les prémices de la journée, car selon la manière dont celle-ci débute, elle se poursuivra. C'est pour cette raison que nos Sages ont institué de réciter la louange "Modé Ani", dès le moment où l'on se réveille, avant même de poser le pied par terre, afin que la première occupation de l'homme au début de la journée, soit la sainteté.
[autre exemple : en ce sens, certains sages actuels disent qu'une ségoula pour avoir une bonne journée est de ne pas regarder son téléphone avant notre prière du matin à Hachem (même si naturellement nous avons très envie de le faire). (grâce à cela nous ancrons pour le restant de la journée que l'essentiel de notre vie est de servir Hachem (et pas les pulsions de notre égo (c'est bon Hachem, moi je gère tout seul ma vie!), la curiosité de voir les derniers messages, dernières nouvelles, ... ]
C'est pour cela qu'il est écrit : "Le péché est tapi à ta porte", car ce que le yétser ara recherche est "la porte", à savoir faire trébucher l'homme au seuil de sa journée, de même qu’au début de toute chose sainte, car grâce à cela, il a son emprise sur tout le reste de la journée.
C'est donc précisément à ce niveau que : "toi, sache le dominer!", car si tu t'efforces de bien commencer, tu seras en mesure de dominer ton yétser ara.

C'est en cela que se distinguent Caïn et Evel :
- Evel apporta en offrande les prémices, ce qui suggère qu'il consacrait le début de sa journée et partant, la suite de sa journée, au service d'Hachem. Dès lors, sa prière était intègre, pure et la meilleure qui soit, et c'est pourquoi : "Hachem se montra favorable à Evel et à son offrande", et accepta son sacrifice.
- En revanche, Caïn travaillait la terre : sa première préoccupation de la journée était le travail de la terre, et seulement au terme des jours, à savoir à la fin de ses journées, il allait prier. Cependant, comme sa journée commençait par le produit de la terre, sa prière également était mêlée du "produit de la terre", et c'est pour cela qu'Hachem ne fut pas favorable à son offrande.

Le Divré Chmouël conclut :
"Il en est ainsi dans toutes les générations : il existe 2 perspectives de l'existence, celle de Caïn et celle de Evel. Si l'homme consacre les "prémices" de sa journée, c'est-à-dire le début du jour, aux choses matérielles, il en sera de même pour tout le reste de sa journée. Et même lorsqu'il ira ensuite prier, sa prière sera empreinte du "produit de la terre", et troublée par des pensées matérielles, comme l'expérience le prouve.
Mais, lorsqu'il réserve le meilleur et le début de sa journée au service d'Hachem, par l'étude de la Torah et par la prière
(chacun suivant ses possibilités), même lorsqu'il ira ensuite vaquer à ses affaires avec intégrité, il ne s'y plongera pas corps et âme, et elles seront aussi considérées comme de la Torah."

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+ "Chem et Yéfét prirent la couverture, la déployèrent sur leurs épaules, et, marchant à reculons, couvrirent la nudité de leur père, mais ne la virent point, leur visage étant retourné" (Noa'h 9,23)

-> Rachi commente : "Chem a accomplit la mitswa avec plus d’empressement que Yéfét. C’est pourquoi ses descendants mériteront un jour de porter [comme "couverture"] le talith avec ses tsitsit. Quant à ceux de Yéfét, ils mériteront de recevoir une sépulture digne."

-> Le rav Yéhochoua Alt commente :
Chem a donc reçu cela [la mitsva des tsitsit] parce que c’est l’une des 1ères mitsvot avec laquelle un père éduque son enfant. De plus, c’est aussi l’une des 1ères mitsvot faites le matin.
Cela contraste avec Yéfét, qui a attendu, recevant ainsi la mitsva de l’enterrement, la dernière mitsva.
Nous voyons à partir de là combien il est important de mettre l’accent sur le début d’une chose, que ce soit le début de la journée, le Séder, la téfila ou tout autre commencement.
De même, la 1ère bénédiction de la Amida exige la kavana.

"Voici les engendrements de Noa’h, Noa’h était un homme juste et droit dans sa génération" (Noa'h 6,9)

-> Le Ben Ich 'Haï a expliqué ce verset d’après le verset : "comme l’eau reflète le visage, ainsi le cœur de l’homme répond à l’homme" (Michlei 27,19).
De la même façon que l’homme se conduit envers le prochain, le prochain se conduit envers lui.
L’exemple de ce phénomène est l’eau. L’image de l’homme se reflète dans l’eau sans altération, avec une exactitude parfaite, ainsi exactement la conduite de l’homme se reflète dans le rapport de la société et de l’entourage envers lui.

C’est ce que dit le verset ici : "Voici les engendrements de Noa'h", la Torah nous dit en allusion que si l'homme est agréable (mot se disant en hébreu : noa’h) envers les autres, agréable (noa’h) dans ses attitudes et ses bonnes actions, dans son langage et sa conduite, les engendrements de ses actions seront également agréables (noa’h), l’entourage et la société seront également agréables envers lui.

Le Ben Ich 'Haï écrit que le mot noa'h (נח), est fait des mêmes lettres que 'hen (charme - חן), pour nous dire en allusion que de cette façon on plaira à tous ceux qui vous voient.

"Voici les engendrements de Noa’h, Noa’h était un homme juste" (Noa'h 6,9)

-> Rachi : les engendrements des tsadikim sont leurs bonnes actions.

-> Le Beit Yaakov enseigne :
Tout homme a l’habitude de dire qu’il ne se donne du mal que pour ses enfants, afin qu’ils grandissent et qu’ils soient de bons juifs et des bnei Torah.
Quand ces enfants deviennent adultes, de nouveau ils ne font pas attention à eux-mêmes et disent aux aussi qu’ils ne se donnent du mal que pour leurs enfants. Si bien qu’on aimerait bien voir un fils digne de ce nom ...

C’est pourquoi le verset dit : "Voici les engendrements de Noa’h, Noa’h" = Noa’h ne s’est pas négligé pour travailler uniquement pour ses enfants, mais il s’est considéré lui aussi comme un fils et s’est donné du mal pour s’élever lui aussi.
C’est lui-même qui était ce fils digne de ce nom, qui a compris qu’il avait le devoir de servir Hachem.
C’est la signification de l’explication : "les engendrements des tsadikim sont les bonnes actions", les tsadikim voient leurs bonnes actions comme s’ils étaient eux-mêmes des fils.

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-> Rabbi El'azar Azkari (auteur du Sefer 'Haredim, du chant Yédid Néfech, et élève du Arizal) avait l’habitude de dire :
Bien qu’un juif doive s’empresser d’engendrer des fils pour servir Hachem, il doit surtout s’empresser d’être lui-même une plante agréable aux yeux de Hachem, agréable par ses bonnes actions, car alors le Maître du jardin trouvera bon d’en faire sortir d’autres plantes qui lui ressemblent.

C’est pourquoi quand la Torah énumère les engendrements de Noa’h, elle raconte d’abord que c’était un homme juste qui marchait avec Hachem, et que c’est ainsi qu’il a donné des engendrements.

Surmonter son mauvais penchant = trouver grâce aux yeux d’Hachem

+ Celui qui surmonte son mauvais penchant mérite de trouver grâce aux yeux d’Hachem (paracha Noa'h) :

-> Un des moyen de mériter de trouver grâce aux yeux d’Hachem est : la guémara (Souca 49b) enseigne que "celui qui possède la grâce, cela prouve qu’il a la crainte du Ciel".

Le Sfat Emet (année 5656) écrit à ce sujet : "Lorsque l’âme se purifie et se nettoie, l’image Divine repose sur elle. Et une fois qu’elle est à l’image Divine, elle mérite d’office de trouver grâce aux yeux d’Hachem.
Grâce à quoi son âme se purifie-t-elle et se nettoie-t-elle?
Grâce au fait qu’il surmonte son mauvais penchant pour tout ce qui concerne la jalousie, les désirs matériels et la recherche des honneurs (les trois vices) qui font sortir l’homme du monde".

=> Le Sfat Emet poursuit en développant à quel point l’homme qui surmonte son yétser ara est apprécié aux yeux d’Hachem :
Il est écrit dans la paracha Noa'h (8,21) : "Hachem sentit l'agréable odeur et Il dit en Lui-même : ‘Désormais, Je ne maudirai plus la terre à cause de l’homme, car les conceptions du cœur de l’homme sont mauvaises dès son enfance'."
Le Baal haTourim rapporte que l’expression : "il sentit l'agréable odeur" (vayara'h ét réa'h - וַיָּרַח אֶת רֵיחַ) n'apparaît qu'à 2 reprises dans la Torah :
- dans ce verset ;
- et au sujet de Its’hak lorsqu’il bénit Yaakov : "Il respira l'agréable odeur de ses habits" (Toldot 27,27)
Le Kédouchat Lévi rapporte l’enseignement de mon père (le père du Sfat Emet) qui demande à propos de notre verset ("Hachem respira l'agréable odeur"), d’où provenait celle-ci.
Et de répondre : elle provenait de l’homme de chair et de sang, parce que, dans celui-ci, réside le mauvais penchant qui l’incite sans cesse à se détourner du service Divin et néanmoins, il le surmonte pour servir Hachem.
C’est à ce propos qu’il est écrit : "Hachem respira l'agréable odeur et Il dit en Lui-même : ‘Désormais, Je ne maudirai plus la terre à cause de l’homme, car les conceptions du cœur de l’homme sont mauvaises dès son enfance’", ce qui signifie : "Puisque l’homme répand une agréable odeur grâce à ce yétser ara qui est en lui depuis son enfance et qu’il combat pour le surmonter, c’est pour cette raison que Je ne maudirai plus la terre".

Le Kédouchat Lévi continue en rapportant les paroles du Maguid de Mézéritch : non seulement le travail spirituel des Bné Israël répand une odeur agréable devant Hachem, mais Hachem se confectionne (si l’on peut dire) un habit grâce à ce travail spirituel.
C’est le sens du verset : "Israël, c’est par toi que Je me couvre de gloire" (Yéchayahou 49,3).
"Se couvrir de gloire" a ici le sens de "se revêtir", comme il est dit : "Ils se couvrirent de feuilles de figuier" (Béréchit 3,7).

Le Maguid de Mézéritch ajoute : plus encore, Hachem ne s'habille que du travail des Bné Israël et non de celui des anges.
La raison en est que c’est ce service spirituel des Bné Israël qui Lui procure un immense plaisir, car c’est en eux que réside le yétser ara qui les pousse à se détourner du service d’Hachem et ils le surmontent. Ce qui n’est pas le cas des anges, comme cela est rapporté dans la guémara (Shabbat 89a) à propos de Moché Rabbénou qui répondit aux anges : "Vous n’avez aucun yétser ara en vous".
Dès lors, le service des anges ne représente pas une si grande innovation aux yeux d’Hachem.

Et c’est pourquoi le Baal haTourim (cité plus haut) rapporte les 2 seules occurrences de cette expression (il sentit l'agréable odeur) : dans notre verset "Hachem respira l'agréable odeur" et dans le verset : "Il (Its’hak) respira l'agréable odeur de ses habits", car l'agréable odeur dégagée par le travail de l’homme sur lui-même constitue (si l’on peut dire) les habits dont Hachem se revêt.

Noa’h – Trouver grâce aux yeux d’Hachem en étant agréable aux hommes

+ Noa'h - Trouver grâce aux yeux d’Hachem en étant agréable aux hommes :

-> Le Séfer ‘Harédim (66, 75) écrit :
"Si un homme veut trouver grâce aux yeux d’Hachem, il doit veiller à ne pas se mettre en colère, car il est dit : "Et Noa’h trouva grâce aux yeux d’Hachem" (Béréchit 6,8) sans en expliquer la raison.
C’est que l’explication est contenue dans le nom même de ce juste (tsadik). Car il était ‘Noa’h’ (agréable en hébreu) dans ses paroles, dans ses actes et dans sa conduite (comme cela est enseigné dans le Zohar).
C’est pour cela qu’il trouva grâce ('hén - חן en hébreu, qui est composé des mêmes lettres que le nom de Noa’h - נח) aux yeux d’Hachem".

-> Un enseignement similaire est rapporté dans la guémara (Pessa’him 113b) : "Trois sortes de personnes sont aimées d’Hachem : celui qui ne se met pas en colère, celui qui ne s’enivre pas, celui qui ne tient pas rigueur".

Le Yichma’h Israël (paracha Noa'h) rapporte au nom du Séfer haYachar de Rabbénou Tam que si, certes, le libre arbitre est donné à l’homme de choisir entre le bien et le mal, cependant, si celui-ci mérite de trouver grâce aux yeux d’Hachem, alors Hachem l’élève au-dessus du libre arbitre.
Et il sera obligé, de par sa nature et de par son essence, de n’accomplir que le bien. Et cela afin qu’il donne naissance plus tard à une descendance juste et vertueuse.

Le Yichma’h Israël explique que l’enseignement du Séfer ‘Harédim et celui du Séfer haYachar se rejoignent.
En effet, celui qui se préserve de la colère et est agréable (Noa’h) avec les autres dans ses paroles, dans ses actes et dans sa conduite, mérite de bâtir une descendance vertueuse et mérite par-là de trouver grâce aux yeux d’Hachem.
Cela nous permet de comprendre le verset : "Et Noa’h trouva grâce" (ונח מצא חן). Sa conduite était douce et sereine envers les créatures et il ne tenait pas rigueur aux gens, ainsi mérita-t-il d’engendrer une descendance vertueuse (notre Patriarche Avraham et tous les justes (tsadikim) du monde), de trouver grâce aux yeux d’Hachem et de mériter tous les bienfaits et les bénédictions du Ciel.

[combien nous devrions suivre cet exemple et aspirer à trouver grâce aux yeux d’Hachem en étant agréable aux hommes ... ]

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-> Le Midrach (Béréchit rabba 30,5) enseigne : "Noa'h (agréable) pour le Ciel, Noa'h (agréable) pour les créatures".

-> Le 'Hatam Sofer fait remarquer qu'en cela, Noa'h était l'antithèse des gens de sa génération. Ces derniers avaient en effet perverti entièrement leurs relations avec autrui (outre le fait qu'ils avaient perverti leurs voies vis à vis d'Hachem).
C'est à ce sujet qu'il est écrit : "D. vit que toute chair avait perverti sa voie sur la Terre" (Noa'h 6,12).
Le 'Hatam Sofer écrit : "Lorsque le verset dit qu'ils avaient perverti leur voie, le mot "voie" se réfère à D., pour dire qu'ils n'allaient pas dans les voies d'Hachem qui est miséricordieux et fait grâce à Ses créatures, ce que l'homme doit chercher à imiter dans ses rapports avec autrui. S'ils s'étaient comportés de la sorte, Hachem Lui-même aurait usé de miséricorde et de compassion à leur égard, même s'ils étaient des fauteurs envers Lui.
Mais à présent qu'ils agirent à l'opposé de cette conduite, leur sentence fut définitivement scellée."

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-> Le midrach (Tan'houma 5) enseigne que Noa'h est qualifié par la Torah d' "homme tsadik" (Noa'h 9,6) pour avoir nourri les créatures d'Hachem.
Seuls 2 hommes reçurent dans la Torah ce nom de tsadik et pour la même raison : Noa'h et Yossef. Il est en effet écrit au sujet de Yossef : "Pour avoir été vendu contre de l'argent, le tsadik" (Amos 2,6).
Combien est immense la récompense de ceux qui prodiguent la bonté. Ils sont considérés comme les bâtisseurs du monde, comme il est dit : "Le monde sera bâti par la bonté" (Téhilim 89,3).
Par ce biais, ils méritent eux-mêmes de bâtir leur propre monde en donnant naissance à des enfants vertueux, comme l'écrit le Sforno à propos du verset : "Noa'h engendra trois fils" (Noa'h 6,10).
[ainsi d'après le Sforno, la bienfaisance est un remède pour avoir des enfants vertueux! ]

-> Le 'Hatam Sofer rapporte à ce propos le verset : "Toute la journée, il prodigue, il prête, et sa descendance est bénie" (Téhilim 37,26), et explique que c'est grâce au fait de prodiguer et de prêter qu'un homme verra s'accomplir la fin du verset : "sa descendance est bénie" et qu'il méritera d'avoir des enfants bons et vertueux.
Il ajoute : "De plus, il méritera également la bénédiction, l'abondance et une longue vie, en étant bon avec autrui, à l'instar de Noa'h qui mérita de reconstruire le monde grâce à la bonté qu'il prodigua à tous les animaux."

"La colombe revint vers lui sur le soir, saisissant dans son bec une feuille d’olivier fraiche" (Noa'h 8,11)

-> Le midrach (Tan’houma Tetsavé 5) commente :
"Telle la colombe qui a apporté la lumière dans le monde, vous aussi qui êtes comparés à la colombe, apportez de l’huile d’olive et allumez une lumière!"

=> A priori, ce midrach demande une explication : en quoi la colombe a-t-elle apporté la lumière au monde en rapportant une feuille d’olivier?

Le Maharal Diskin explique (à la fin de paracha Pékoudé) que les feuilles d’olivier sont particulièrement résistantes, comme la
guémara (Ména’hot 53b) le rapporte : "Les feuilles d’olivier ne tombent ni en été ni en hiver". [il y a des feuilles sur l'arbre toute l'année]
De fait, elles ne se désagrégèrent pas au cours du déluge mais flottèrent à la surface des eaux.
Lorsque la colombe revint avec une feuille d’olivier, elle suggéra ainsi à Noa’h : "Regarde, le Créateur savait depuis la création du monde que viendrait un jour où un homme juste, appelé Noa’h, m’enverrait de l’arche afin de voler à la surface des eaux "pour voir si les eaux avaient baissé sur la face du sol" (Noa'h 8,8), et je ne m’aurais alors rien eu pour me nourrir. Il a donc créé les feuilles de l’olivier qui sont très résistantes afin qu’elles ne soient pas détruites dans les eaux du déluge, et grâce à elles, j’ai de quoi me sustenter!"

C’est pourquoi le midrach enseigne que la colombe a apporté la lumière au monde : en effet, elle éclaira le monde avec cette croyance dans le fait que le Créateur a préparé depuis le commencement du monde ce dont chaque être vivant aurait besoin.

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+ "La colombe revint vers lui sur le soir, saisissant dans son bec une feuille d’olivier fraiche" (Noa'h 8,11)

-> Rachi donne 2 explications du mot : "saisissant".
Il écrit : "Au sens littéral, c’est un langage signifiant "arracher", et d’après le midrach, c’est un langage signifiant "subsistance". La colombe dit à Hachem que ma subsistance soit amère comme la feuille d’olivier mais de la main d'Hachem et non pas douce comme le miel, mais de la main de l’homme".

=> Le Divré Israël pose une question : pourquoi Rachi n’explique t-il pas que le sens littéral du mot "saisissant" ("taraf" - טָרָף) est un langage de subsistance, comme on le voit dans le verset : "téréf natan liré'av" (Il donne leur subsistance à ceux qui le craignent - טֶרֶף נָתַן לִירֵאָיו - Téhilim 111,5).

Il répond qu'en réalité, il y a lieu de se demander en quoi la colombe a failli pour mériter de trouver une feuille d’olivier, amère de nature, à l’instar de nombreux d’entre nous qui se demandent en quoi ils ont fauté pour que leur subsistance leur parvienne avec autant de difficultés et d’épreuves.
C’est à cet effet que Rachi explique que le sens premier de ce terme dans ce verset est ‘arracher’, et d’après ce que nous enseignent nos Sages (guémara Brakhot 64a) : "Celui qui anticipe l’heure prévue, l’heure lui est défavorable".

En rapportant cette feuille d’olivier, la colombe fit preuve d’un manque de confiance en Hachem, qui était en mesure de lui apporter sa subsistance à l’heure voulue. C’est pourquoi c’est une feuille d’olivier amère (et non douce) qui se présenta à elle.
En revanche, celui qui place sa confiance en D. et s’arme de patience verra toutes ses entreprises réussir de la manière douce, qu’elles concernent sa subsistance ou tout autre besoin!