+ L'attirance pour l'argent, un esclavage :
Hachem parla à Moché en disant : "Ordonne (tsav) à Aharon et à ses fils et dis : ‘Ceci est la loi de la Olah’ " (Tsav 6,1-2)
-> Au début de la paracha Tsav, Hachem demande à Moché de prescrire aux Cohanim les différentes lois concernant le korban Olah (l’holocauste).
Nos Sages attirent l’attention sur l’utilisation du mot "tsav". La Torah aurait pu utiliser la formule habituelle : "Parle à Aharon et à ses fils". Pourquoi emploie-t-elle un terme plus fort, "Ordonne"?
Rachi rapporte le midrach qui note que "tsav" laisse sous-entendre un zèle, un empressement supplémentaire, particulièrement nécessaire pour le korban de Olah.
Rabbi Chimon explique que ce sacrifice implique une certaine perte financière [étant entièrement brûlé, le Cohen ne peut donc en profiter] ; les Cohanim risquent de se montrer hésitants à accomplir cette mitsva. Il fallait donc employer un terme plus fort pour les éveiller à ce zèle additionnel requis pour la Olah.
-> Le rav Yé’hezkel Levinstein zatsal tire une importante leçon de ce midrach.
Le Cohen Gadol était, dans la plupart des cas, l’homme le plus vertueux et le plus saint de la génération. [à l’exception des Cohanim de l’époque du 2e Temple qui obtenaient souvent ce titre par corruption ou grâce à des affiliations politiques.]
La guémara (Yoma 18a) nous informe par ailleurs que pour devenir Cohen Gadol, ce dernier devait obligatoirement être très riche.
=> Compte tenu de la vertu et de l’aisance du Cohen Gadol, pourquoi faut-il se soucier d’un éventuel manque d’empressement à cause d’une perte financière relativement minime!
On déduit de cette remarque que même le Cohen Gadol est enclin au yétser hara de l’argent!
-> A plusieurs reprises, nos Sages mettent l’accent sur la force de l’attrait pour l’argent.
L’un des exemples est la guemara (Baba Batra 165a) qui parle des fautes les plus communément transgressées. Rav Yéhouda dit au nom de Rav : "La plupart des gens [trébuchent] dans le vol ; la minorité, dans l’immoralité".
Selon Rachi, la guemara ne notifie pas que les gens volent de façon éhontée, mais qu’ils trouvent toutes sortes de justifications, dans leurs affaires, pour escroquer de l’argent que d’autres méritent. Elle nous indique que chacun risque d’être incité par le yétser ara de l’argent et tente de légitimer cette attitude malhonnête qui est, d’après la Torah, considérée comme du vol.
-> Les plus grands tsadikim ressentaient la force du yétser ara pour l’argent.
Le rav Israël Salanter rendit un jour visite à un homme très riche. L’hôte dut quitter la pièce quelques instants, et laissa le rav Salanter seul. Quand il revint, le rav Salanter n’était plus là. Il le trouva debout, à l’extérieur de la maison.
Le rav Salanter déclara qu’il y avait dans la salle une grosse somme d’argent qui n’avait pas été comptée et il ne voulait pas rester seul avec ces espèces.
Il s’expliqua en énonçant la guemara précitée. Nous connaissons l’interdit de yi’houd (le fait, pour un homme, de s’isoler avec une femme) de peur qu’il ne parvienne pas à se contrôler et qu’il se livre à la débauche. Le rav Salanter conclut que s’il existe un interdit de yi’houd à cause de l’immoralité, infraction que seule une minorité de gens commet, il devrait y avoir, à plus forte raison, une interdiction de s’isoler avec de l’argent, étant donné qu’une majorité de personnes trébuche dans ce domaine.
Il ne voulut donc pas rester seul, dans la même pièce que cet argent non compté.
[le rav Yérou’ham Leibowitz (Daat ‘Hokhma ouMoussar,) raconte que le rav Salanter ne restait jamais seul avec de l’argent qui n’avait pas été compté. Le rav Leibowitz ajoute qu’il ne voulait même pas être seul avec de l’argent compté, malgré les grands risques d’être pris sur le fait].
-> Rabbi Yéhonathan Gefen enseigne :
Si un homme comme le rav Israël Salanter ressentit un besoin de se surprotéger de l’attrait pour l’argent, chacun doit être très vigilant quant à ce puissant yétser ara.
Cette attention est nécessaire dans plusieurs cas. Tout d’abord, nous apprenons de la paracha Tsav que la crainte de perdre de l’argent ne doit pas affecter l’accomplissement des mitsvot. De nombreux commandements impliquent des dépenses significatives et il faut tenter de garder la même diligence pour exécuter ces mitsvot que celles qui sont moins coûteuses.
Il faut également faire attention à ne pas dépenser beaucoup plus d’argent pour notre confort matériel que pour l’accomplissement des mitsvot. Si l’on débourse de grosses sommes pour les vacances, la maison, la voiture, ..., nous devons manifester le même désir et le même zèle pour les dépenses nécessaires aux mitsvot, de façon générale et à la tsedaka en particulier.
L’attirance pour l’argent peut aussi inciter la personne à "arrondir" les lois de la Torah, et ainsi, entraver sa avodat Hachem. Un homme qui craint D. peut ainsi être tenté de ne pas poser des questions de halakha concernant des affaires d’argent.
Il semble que l’origine de cette tentation pour l’argent soit liée à l’esclavage que nous tentons d’éradiquer à Pessa’h. Les commentateurs soulignent que la liberté ne se limite pas à la capacité de faire ce que bon nous semble. La liberté, selon la Torah, c’est de ne pas être trop attaché au monde matériel. L’attrait pour l’argent est l’une des manifestations principales de cette forme d’ "esclavage", cette quête nuit à notre capacité d’accomplir les mitsvot, parce que l’on a du mal à s’en défaire, même quand la Torah nous y enjoint.
Pessa’h est le moment où l’on met l’accent sur notre liberté, notre indépendance quant à la matérialité. Ceci est symbolisé par la mitsva de manger de la matsa, le soir du Séder.
La matsa est plate et sans ajouts. À Pessa’h, nous revenons à notre essence pure, sans "ajouts" [accessoires], les biens matériels qui nous empêchent de servir Hachem correctement.