"Tout le pays d'Egypte commença à ressentir la famine, et le peuple mit à crier auprès de Pharaon pour du pain. Pharaon dit à tous les Egyptiens : "Allez à Yossef, ce qu'il vous dira, vous le ferez"." (Mikets 41,55)
-> Rachi commente : Yossef leur disait de se faire circoncire, [et c'est à cette condition qu'il leur donnerait de quoi manger].
=> Quel est l'intérêt d'un tel décret? Pourquoi imposer à des non-juifs de se circoncire?
-> Rabbi Yonatan Eibeschuetz apporte 2 réponses :
- 1°/ Dans le Yaarot Dvach, il enseigne que Yossef savait par inspiration Divine que sa famille était amenée à descendre en Egypte, et qu'au fil du temps, les juifs allaient s'installer et prendre leurs marques dans ce pays.
Ainsi, Yossef craignait que la génération suivante ne cherche à s'intégrer voire même à s'assimiler aux égyptiens, et que cela l'amène à arrêter de se circoncire pour ressembler aux égyptiens.
=> C'est pourquoi, pour éviter de telles fâcheuses conséquences, Yossef a anticipé les choses et a émis le décret que les égyptiens doivent se circoncire. De la sorte, même si dans l'avenir les juifs cherchent à ressembler aux égyptiens, au moins ils ne lâcheront pas la circoncision.
En effet puisque les égyptiens seront aussi circoncis, pour leur ressembler, les juifs ne se priveront pas de se circoncire.
De cette façon, ce décret de Yossef venait pour protéger la mitsva de la cironcision (mila) pour les juifs des générations suivantes.
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- 2°/ Dans son Tiféret Yonathan, il rapporte l'enseignement des commentateurs selon lequel la circoncision (mila) réduit le désir et les pulsions de l'homme.
Or, nos Sages disent que les égyptiens étaient embourbés dans la débauche, les mœurs étaient particulièrement dépravées/immorales en Egypte.
D'autre part, nos Sages rapportent que la débauche amène à la pauvreté : "Celui qui se laisse aller à la perversion finira par en venir à demander du pain et il n'en trouvera même pas".
[par exemple, dans le Séfer haMidot (partie sur l'argent, point n°66) de rabbi Na'hman de Breslev, il est écrit : "L'immoralité sexuelle entraîne la pauvreté".]
Ainsi, Yossef craignait que malgré ses réserves, la pauvreté et la faim se renforcent en Egypte du fait de l'immoralité de ses habitants.
Pour tempérer leurs pulsions et tenter de réduire la débauche dans ce pays, Yossef décréta que les égyptiens doivent se circoncire.
=> De cette façon, Yossef cherchait à préserver les réserves de blé, et d'éviter que la pauvreté et la famine se renforcent aussi en Egypte.
-> D'ailleurs, le Kli Yakar ajoute que c'est parce que Yossef a préservé son alliance de la circoncision (mila) et n'a pas succombé à la tentation de se débaucher avec la femme de Potifar, qu'il mérita que ce soit justement lui qui nourrisse l'Egypte et engrange de la récolte pendant les années d'abondance pour préparer les années de famine, sans que sa récolte ne pourrisse.
=> En effet, car si la débauche entraîne la pauvreté, le fait de résister à cette faute amène la bénédiction au niveau de la récolte (subsistance/parnassa).
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-> Le Alchikh haKadoch explique que la famine qui devait sévir dans le monde provenait des influences astrales. C'est ainsi que cette famine était annoncée à travers les 7 vaches maigres du rêve de Pharaon.
Le chiffre 7 évoque la marche naturelle du monde basée sur les 7 astres dont l'influence se succède pendant les 7 jours de la semaine.
Pour dépasser cette famine émanant des astres, Yossef imposa aux égyptiens de se circoncire, car la circoncision permet d'élever l'homme au-dessus des astres et des étoiles.
En effet, le prépuce fige l'individu sous le règne naturel du monde et la circoncision le libère des influences astrales. D'ailleurs, cela est une des raisons pour laquelle un juif doit se circoncire le 8e jour de sa vie, car le chiffre 8, qui est au-dessus du 7, représente justement la dimension qui dépasse la nature et les astres.
=> En imposant que les égyptiens se circoncissent, Yossef cherchait à élever l'Egypte à une dimension surnaturelle, en vue de la libérer du décret astral concernant la famine.
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-> Le Maskil léDavid rapporte le commentaire de Rachi qui dit que quand les frères ont vendu Yossef, ils ont conclu entre eux un vœu pour interdire à quiconque de révéler cette vente, et d'ailleurs Hachem Lui-même s'est associé à eux pour s'engager à garder ce secret.
C'est d'ailleurs pourquoi Hachem n'a pas révélé à Yaakov que son fils se trouve en Egypte [malgré le fait qu'il avait l'inspiration Divine!].
Puisque Yossef connaissait ce vœu, il ne pouvait pas informer sa famille et leur donner des nouvelles.
D'un autre côté, il s'imaginait bien dans quelle peine se trouvait son père pour penser avoir perdu son fils bien-aimé. Et Yossef se sentait avoir le devoir de le rassurer pour calmer son angoisse.
=> Il trouva la solution de décréter que les égyptiens se circoncisent. Yossef comptait sur le fait que très probablement, une telle chose se diffuserait dans les alentours.
Un tel décret [aussi incroyable] selon lequel tous les égyptiens doivent se circoncire devra forcément se répandre.
Ainsi, Yossef comptait sur le fait qu'en Canaan aussi, on apprenne cela et que Yaakov en entende parler. Et certainement, s'il entend qu'en Egypte, un homme a décrété que tout le monde doive se circoncire, il saura qu'une telle loi ne peut venir que d'un juif, et il se doutera alors que certainement cela vient de Yossef.
Et cela rassurera son père Yaakov, car il en conclura que Yossef est toujours vivant
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-> Yossef désirait suivre l'exemple d'Avraham, Its'hak et Yaakov, qui avaient converti des non-juifs par la manière douce et en utilisant la logique afin de les amener au judaïsme.
=> Yossef espérait amener les égyptiens par la circoncision à reconnaître le D. vrai et à se soumettre à Sa loi universelle.
[le Yéfé Toar rapporté dans le Méam Loez - Mikets 41,53-54]
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-> "Tout le pays d’Egypte était affligé par la famine, le peuple demanda à grands cris à Pharaon du pain. Pharaon répondit à tous les Égyptiens : "Allez chez Yossef ; ce qu’il vous dira, vous le ferez"." (Mikets 41,55)
Rachi explique sur les mots "Ce qu’il vous dira, vous le ferez" : "Parce que Yossef leur avait dit qu’ils devaient se circoncire".
En tant que vice-roi, Yossef gérait toute la nourriture engrangée en Égypte. En échange des bienfaits qu’il avait prodigués aux Égyptiens en subvenant à leurs besoins, Yossef leur demanda de se circoncire.
=> Les commentateurs se demandent pourquoi il fit une telle requête alors que les non-juifs n’ont pas l’obligation de faire la brit mila.
-> Le rav Yérou’ham Leibovitz (Daat Torah - Béréchit - Biourim) propose une réponse intéressante.
Il rapporte un verset de la paracha Vayigach (la paracha suivant Mikets) dans laquelle les égyptiens reconnaissent tout ce que Yossef a fait en leur faveur : "Ils dirent : "Tu nous as fait vivre"" (Vayigach 47,25).
Le midrach (Béréchit rabba Mikets 90,6) raconte qu’ils reconnurent ensuite qu’il leur avait sauvé la vie dans le Olam Hazé (ce monde-ci) et dans le Olam Haba (le monde à Venir) = cela signifie qu’il les a aidés dans le domaine spirituel et matériel.
Les commentateurs de ce midrach (Ets Yossef - Matnot Kéhouna) expliquent comment Yossef les a préservés spirituellement : il les força à pratiquer la brit mila (circoncision).
Cela leur fut d’une grande aide, bien qu’ils restèrent non-juifs. En effet, la Orla (l’excroissance) que l’on retire est source d’une grande impureté et le fait de l’enlever est bénéfique aux non-juifs également.
Le rav Yérou’ham Leibovitz explique ensuite pourquoi Yossef leur imposa la circoncision : il les avait tant aidés matériellement, en leur sauvant littéralement la vie durant la famine qu’il se sentait responsable de les aider aussi spirituellement.
En effet, la meilleure façon d’aider son prochain est de le soutenir au niveau spirituel.
C’est un concept discuté par les commentateurs concernant la mitsva d’aimer son prochain comme soi-même.
-> Le Ben Ich ’Haï affirme que malgré la place prépondérante qu’elle occupe dans la Torah, une grande partie de cette mitsva (’aimer son prochain comme soi-même) est négligée par plusieurs personnes. Selon lui, bien que beaucoup de gens aient conscience qu’elle exige une sollicitude vis-à-vis du bien-être physique du prochain, ils réalisent moins l’obligation qu’elle impose sur le plan spirituel.
Il ajoute que lorsque l’on aide son ami dans la spiritualité, on accomplit la mitsva de façon bien plus parfaite que quand on lui prodigue un bienfait dans la matérialité.
Le Ben Ich ’Haï explique (Péniné Ben Ich ’Haï - Parachat Kédochim) :
"Lorsque l’on soutient l’autre physiquement, on exprime notre préoccupation pour son corps. Mais l’essence de la personne provient du côté divin qui est en elle, de son âme, qui ne tire aucun profit de la matérialité.
Par contre, si l’on réprimande son ami et qu’on l’empêche par là de transgresser les mitsvot d’Hachem, on manifeste un souci pour son âme et l’on montre que notre amour pour son bien-être spirituel est bien plus grand que celui porté sur son aise matérielle."
=> Le Ben Ich ‘Haï nous enseigne donc que pour accomplir au mieux la mitsva d’aimer son prochain, on ne peut pas limiter sa gentillesse à la matérialité, mais il faut s’efforcer de l’aider encore plus dans la spiritualité.
-> Dans le même ordre d’idées, le Or’hot Tsadikim (Chaar Nédivout) nous précise qu’il y a 3 sortes de dons : l’apport d’argent, l’assistance physique (don de soi) et la transmission du savoir.
Il détaille ces 3 formes, puis termine le chapitre en se focalisant sur le fait d’enseigner la Torah aux autres.
Il écrit : "Il faut être particulièrement généreux en ce qui concerne les connaissances en Torah ; instruire autrui et rapprocher son cœur du Ciel. C’est le meilleur don : lui permettre l’accès au Monde Futur."
=> Rav Yérou’ham nous informe que Yossef était d’un tel niveau qu’il sentait que sa bonté envers les égyptiens était incomplète s’il ne sauvait pas aussi leurs âmes.
Cet enseignement est très pertinent dans notre quotidien.
-> Il existe plusieurs façons d’aider les autres dans ce domaine. Le Ben Ich ’Haï évoque la réprimande, mais dans la génération présente, il est très difficile de faire un reproche correctement, sans causer de tort.
On peut, en prenant moins de risques, partager sa Torah avec les autres. D’ailleurs, nos Sages affirment à diverses reprises que l’enseignement de la Torah est un objectif prioritaire ; la guémara (Roch Hachana 23b) fait savoir que celui qui apprend et qui n’enseigne pas ressemble à un myrte dans le désert.
Le Maharal (Hidouché Haggadot 23b) explique que le myrte est l’arbre le plus parfumé ; il fut créé pour que les gens profitent de son odeur agréable. Un myrte dans le désert ne réalise pas son objectif puisque personne ne jouit de lui. De même, la Torah est là pour être transmise et celui qui y renonce ne réalise pas son but sur terre.
La michna dans Pirké Avot (2,9) déclare : "Si tu as appris beaucoup de Torah, ne t’enorgueillis pas (Al Ta’hzik Tova Léastmékha), parce que c’est pour cela que tu as été créé."
D’après son sens simple, on comprend de cette michna qu’il ne faut pas se sentir fier de ses réalisations dans l’étude de la Torah parce que c’est le but de la vie.
Cependant, plusieurs commentateurs proposent une interprétation différente et comprennent les mots de la michna au sens littéral. Ils pensent que si quelqu’un a appris beaucoup de Torah, il ne doit pas garder ce bien pour lui-même, mais en faire profiter les autres et l’enseigner. Pourquoi?
Parce que son objectif sur terre est d’apprendre et d’enseigner.
[Rav Yehonathan Gefen]
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-> Yossef veillait scrupuleusement à préserver sa sainteté au point qu’il fut appelé "tsaddik yéssod olam" (Juste fondement du Monde - qui garde l’Alliance de la Mila). Cette qualité lui faisait répugner les hommes incirconcis.
Malgré cela, disent nos Sages dans le midrach, le fait d’avoir marqué les égyptiens du sceau de la Sainteté lui fut compté comme une faute. En effet, le tsaddik doit être tolérant même envers ceux qui sont le contraire de son caractère.
[Sfat Emet]
-> L’imposition de la Mila aux Egyptiens est à mettre en rapport avec le phénomène de moisissure de blé qui se produisait chez eux, mais non chez Yossef. Aussi, ce dernier attribuait-il cette différence aux bienfaits de la brit mila. Celle-ci a, en effet, le pouvoir de conférer la pérennité de vie et de biens à ses adhérents, comme le prouve l’histoire du peuple juif.
Yossef considérait donc l’accomplissement de la Brit Mila comme un antidote de la déchéance et comme une garantie de durée et de persistance (à noter que le mot ברית – Brit (alliance de la Mila) est traduit en araméen, dans le commentaire de Onkelos (Lé'ha Lé'ha 17,11), par le mot קימא – Kima qui signifie "survie"). [voir Rabbénou Bé’hayé].