+ Les deux jugements de Roch Hachana :
-> Le Netsiv de Volozhin, nous révèle qu'en réalité, il y 2 jugements qui ont lieu à Roch Hachana.
1°/ Un premier jugement est celui à un niveau individuel. Chaque personne est jugée pour sa vie et pour ses moyens de subsistance.
Hachem juge de la même manière les juifs et les non-juifs à Roch Hachana, et chaque personne est évaluée en tant qu'individu. Les mitsvot et les bonnes actions sont comptées et comparées aux fautes (avérot) d'un individu. Hachem détermine ensuite la santé, les moyens de subsistance et la réussite d'une personne. Chaque détail de sa vie personnelle, pour cette année-là, est décidé à Roch Hachana.
2°/ Le deuxième jugement concerne l'ensemble des Bné Israël, car nous sommes jugés face aux nations du monde. Une guerre a lieu dans les Cieux entre les anges des nations du monde et le peuple juif.
Hachem fait reposer Son Honneur (kavod), Sa Gloire, sur les Bné Israël, alors que nous Le proclamons Roi. Les autres peuples s'efforcent d'entraver cet effort, et d'empêcher Hachem d'apposer son Kavod sur le peuple juif.
En proclamant que le monde entier reconnaîtra la Royauté d'Hachem, nous sommes vainqueurs du koa'h hadin (force du jugement), dans le jugement global du peuple juif.
-> Le Nétsiv dit qu'en parallèle aux 2 jugements de Roch Hachana, le shofar qu'on y sonne, revêt deux dimensions.
1°/ Le shofar fonctionne comme un signal d'alarme, comme l'affirme le Rambam (séfer Yad ha'Hazaka) : "Réveillez-vous, vous qui dormez, de votre sommeil (spirituel)".
Tel est le rôle du chofar au niveau individuel, pour chaque personne séparément.
2°/ Au niveau du peuple, le shofar fonctionne comme un clairon qui appelle au combat, puisque nous sommes en guerre contre les anges des nations du monde à Roch Hachana. Hachem fait reposer Sa Chékhina sur nous, et ces anges s'efforcent de s'opposer à nous. Nous nous battons contre eux, et nous parvenons à remporter la victoire en proclamant Hachem Roi de l'univers.
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+ Le peuple juif contre les nations du monde :
-> "Les délices qui sont dans Ta main droite pour l'éternité" (néimot biminé'ha nétsa'h - Téhilim 16,11).
C'est l'une des phrases que nous récitons entre les paragraphes des Hochanot à Hochana Rabba.
Le midrach (Vayikra rabba 30,2) enseigne que ce verset peut être compris grâce à une parabole au sujet de deux personnes entrant dans un tribunal pour se présenter devant le juge. Nous ne savons pas en faveur de qui le juge tranchera et qui sera victorieux. A leur sortie, celui qui hisse le drapeau est celui qui a obtenu gain de cause, qui en est sorti vainqueur.
De même, le peuple juif et les nations du monde se présentent devant Hachem à Roch Hachana, où ils sont jugés. Là aussi, le vainqueur n'est pas clairement défini. Lorsque le peuple juif sort du tribunal après les jours de jugement en hissant le drapeau, soit le loulav, l'étrog, les hadassim et les aravot, alors il est clair pour tous que nous avons obtenu la victoire. Tenir les 4 espèces (arba minim) entre nos mains démontre notre statut de vainqueurs triomphants.
=> Quel procès se déroule-t-il entre les Bné Israël et les autres peuples? En quel sens Roch Hachana constitue-t-il un jugement entre les juifs et les nations du monde?
On comprend facilement que nous avons chacun un jugement personnel, où tous nos actes, pensées cachées, ... sont passés au peigne fin. On sait ce qu'il y a à faire pour s'en sortir au mieux.
Mais que signifie le fait qu'il y a une guerre au Ciel et comment pouvons-nous la mener?
-> "Quand le Suprême donna leurs lots aux nations, quand Il sépara les enfants de l'homme, Il fixa les frontières des peuples, basé sur le nombre des Bné Israël. Car ce peuple est la part de Hachem ; Yaakov est la mesure de Son héritage" (Haazinou 32,8-9).
Le Targoum Yonatan ben Ouziel (Haazinou 32,8-9) et les Pirké DéRabbi Eliézer (chap.24) en donnent l'explication suivante :
A l'époque de la Tour de Babel, Hachem fut mécontent de l'humanité en tant qu'unité et Il décida de diviser les peuples du monde en nations individuelles. Puisqu'il y aurait finalement 70 personnes [juives] qui descendraient en Egypte avec Yaakov, Hachem choisit de créer 70 nations différentes. [c'est le sens de : "Il fixa les frontières des peuples, basé sur le nombre des Bné Israël"]
Hachem rassembla ensuite tous les anges de service et lança une sorte de loterie. Chaque ange choisirait une nation dont il serait responsable et qu'il superviserait. Hachem inscrivit 71 noms pour la loterie (peuple juif et les 70 autres), et chaque ange en tira un au sort.
Quand vint le moment pour Hachem de désigner Sa nation, il choisit Avraham et ses descendants : "Hachem sélectionna le peuple juif" (ki 'hélék Hachem amo Yaakov 'hévél na'halato).
Et Hachem fut ravi du choix qu'Il fit à la loterie, comme il est dit : "Ma part est une part agréable" ('havalim naflou li banéimim - Téhilim 16,6).
L'ange Mikhaël félicita ensuite Hachem pour Son choix. Une fois les 70 nations sélectionnées, Hachem conféra à chacune d'elles une langue différente. Chaque nation avait son ange gardien, et le peuple juif devint la part d'Hachem.
-> Le rav Chlomo Kluger ('Hokhmat Shlomo) explique qu'en fait, deux processus distincts se produisent simultanément à Roch Hachana.
Le premier concerne le jugement de chaque individu par Hachem, dont personne ne peut anticiper le résultat. Roch Hachana est qualifié de "bakéssé léyom 'haguénou" (Téhilim 81,4), renvoyant au fait que c'est un jour caché (késsé). Que renferme-t-il de dissimulé?
A la différence des autres fêtes où la lune est bien visible, à Roch Hachana, la lune est cachée, puisque c'est le tout début du mois lunaire.
Le rav Shlomo Heiman ajoute un autre élément caché de ce jour si particulier. À chaque Roch Hachana, tout juif reçoit un verdict non divulgué d'Hachem, comme dans une boîte scellée dont le contenu lui est inconnu. Nous n'avons, de même, aucune idée de l'issue de ce jugement et de ce que l'année nous réserve.
Tel est le premier aspect du jugement de Roch Hachana : le jugement personnel de chacun, qui est totalement caché. Concernant celui-ci, il ne peut y avoir aucune confiance dans le jugement, aucune assurance que quelqu'un passera une bonne année. Sans exception, nous tremblons tous d'inquiétude à l'occasion de Roch Hachana (la rigueur divine peut être totale).
Que veut donc dire le Tour lorsqu'il nous enseigne que nous revêtons avec assurance nos beaux vêtements, que nous prenons part à des repas de fête et que nous dégustons du bon vin parce que nous savons que Hachem accomplira un miracle en notre faveur?
Le rav Shlomo Kluger explique que cela fait référence au 2e processus de jugement ayant lieu à Roch Hachana.
Chaque année à Roch Hachana, les anges crient devant Hachem, L'implorant de relancer la loterie Céleste. Ils veulent changer la répartition des nations dont ils sont responsables.
Chaque ange désire avoir une chance de se voir attribuer le peuple juif. Hachem acquiesce chaque année et réunit Sa cour pour redistribuer les nations du monde parmi les anges.
Chaque année, un jugement a lieu, et Hachem décide alors si le peuple juif continuera à être Son peuple, ou si nous serons attribués à l'un des anges Tutélaires (gardiens).
Ce jugement à Roch Hachana détermine chaque année si nous continuerons ou non à être la part Hachem.
La bonne nouvelle est qu'en ce qui concerne ce jugement, nous savons que Hachem fera un miracle pour nous et qu'Il veillera à ce que nous restions Sa nation. Nous sommes assurés que l'issue de ce jugement nous sera favorable. Nous sommes convaincus que nous continuerons à être "Sa nation et les moutons de Son pâturage" (amo vétson mar'ito - Téhilim 100,3).
=> Pourquoi alors portons-nous nos plus beaux vêtements à Roch Hachana? Si la vie personnelle d'un individu est en jeu (vais-je mourir cette année), en quoi la confiance dans le jugement collectif rend approprié d'avoir des signes extérieurs festifs (ex: beaux vêtements, repas de fête, on prend un bon bain)?
Le rav Shlomo Kluger compare notre situation à Roch Hachana à celui qui reçoit un cadeau phénoménal, un produit inestimable, tout en recevant simultanément un petit inconvénient.
Par exemple, quelqu'un gagne à la loterie plusieurs millions de dollars, ce qui l'oblige à entreprendre une longue marche jusqu'à la banque. Les désagréments qu'il doit subir sont si minimes et insignifiants comparés à l'aubaine exceptionnelle de ce qu'il reçoit que la célébration de sa victoire n'en est nullement atténuée.
Nos vies et circonstances personnelles sont en danger, et personne ne peut être certain d'obtenir une issue favorable. [même un tsadik sera jugé sur l'épaisseur d'un cheveu, alors nous! ]
Nous devons être très préoccupés (plein de crainte) par cette situation et devons faire tout notre possible pour accroître nos chances de sortir victorieux du jugement.
Cependant, la joie immense, le frisson phénoménal de savoir que nous sortirons à nouveau de la loterie Céleste en tant que nation d'Hachem dépasse cette préoccupation à un tel degré que nos préoccupations tombent tout naturellement de côté.
Nous sommes convaincus qu'Hachem nous sélectionnera une fois de plus pour Lui appartenir, et cela nous procure une joie et une allégresse si incroyables qu'elles annulent complètement tout désagrément de la vie que nous pourrions avoir en prévision de notre jugement personnel.
Se réjouir de cette victoire collective du peuple juif est donc célébré à juste titre, et nous nous habillons de nos plus beaux habits de Yom Tov et participons aux repas de fête.
Ainsi, nous sommes certains et joyeux concernant le jugement collectif et national, même si le jugement personnel est encore indécis.
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+ Etre la part ('hélek) d'Hachem :
-> Le Ramban (A'haré Mot 16,29) enseigne :
Hachem a tout créé et Il a placé le pouvoir de gouverner ce qui existe dans ce monde à travers les sphères supérieures. Chaque nation, sur son territoire, a une certaine constellation constituant l'intermédiaire entre D. en Haut et cette nation spécifique. Même si Hachem dirige et contrôle le monde, il existe néanmoins une certaine hiérarchie.
Hachem délègue ce qui arrive aux nations du monde à l'un de ses subordonnés : les kokhavim, les mazalot. Chaque nation possède sa propre constellation, un ange, un représentant lui étant assigné pour servir d'intermédiaire entre elle et Hachem.
Toutefois, le peuple juif est différent. La terre d'Israël n'a pas d'ange pour jouer le rôle d'intermédiaire.
Hachem fait référence au Klal Israël par "Tu seras pour Moi le trésor le plus aimé de tous les peuples" (Yitro 19,5) ou bien "Tu seras Mon peuple et le serai ton D." (Yirmiyahou 30,22).
L'implication est claire : [Hachem nous aime tellement, Il désire constamment nous avoir proche de Lui,] qu'Il ne fera pas passer ses relations avec le peuple juif par un représentant ; Il veillera sur nous et nous protégera personnellement, pour ainsi dire.
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Après les jours de jugement (Roch Hachana et Kippour) vient ceux de réjouissance (Souccot).
-> Nous portons nos 4 espèces (arba minim) à Souccot, et nous affichons ouvertement notre victoire, nous proclamons publiquement avoir gagné. Nous ne célébrons pas le fait que chaque individu ait eu une issue favorable dans son jugement personnel, car, comme nous l'avons précisé, personne ne connaît le verdict qu'il a reçu. Au contraire, nous célébrons notre victoire d'avoir à nouveau été choisis comme nation d'Hachem.
Telle est la signification du fait d'agiter triomphalement le loulav et l'étrog. Nous l'avons emporté sur les nations du monde dans la mesure où nous avons une fois de plus mérité la plus grande bénédiction possible au monde : être considéré comme le peuple Hachem. [avec toute la relation de proximité que cela implique]
-> De même, selon la Gaon de Vilna, nous ne fêtons pas Souccot (en Tichri) en souvenir des Nuées de Gloire (qui sont arrivées initialement le 15 Nissan), mais leur retour après nous avoir quittées suite à la faute du Veau d'or. En effet, après cette faute du Veau d'or, un ange fut envoyé pour diriger le peuple juif.
Après l'intervention de Moché et le pardon pour la faute, les Nuées de Gloire revinrent, symbolisant le fait que la relation proche et personnelle que nous entretenions avec Hachem avant le Veau d'or avait été complètement rétablie.
Ainsi, en nous asseyant dans la Soucca, nous reconnaissons et célébrons que nous, et seulement nous (les juifs), sommes une part ('helek) d'Hachem.
Profitant de l'ombre divine de la soucca, nous nous réjouissons de notre relation directe avec Hachem en tant que protecteur personnel.