+ Méguilat Esther (suite) - Le saviez-vous?
6°/ Guéoula & rapporter l'auteur d'une parole :
-> "Celui qui rapporte une parole au nom de celui qui l'a dite apporte la rédemption au monde, comme il est dit : 'Et Esther dit au roi au nom de Mordé'haï'(Esther 2,22)." [guémara Méguila 15a]
=> Le système de la Providence Divine suit toujours un modèle de "mesure pour mesure". Si c'est le cas, quel est le lien qui fait d'une personne possédant cette qualité particulière un présage approprié pour la rédemption (guéoula)?
-> Le Maharal (cité dans Maayané ha'Haïm vol.3) explique que lorsque Hachem apporte la guéoula, il souhaite faire savoir qu'il est la source du salut.
Une personne qui s'attribue le mérite de la déclaration intelligente d'un autre n'aura aucune réserve à s'attribuer le mérite du miracle d'Hachem, et attribuera plutôt la délivrance à sa propre perspicacité et à son talent.
Une personne qui attribue le mérite à qui de droit dans ses relations avec ses semblables fera certainement de même pour Hachem et est donc digne de devenir un conduit pour la délivrance d'Hachem.
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7°/ Se revêtir de cilice et de cendres :
-> Lorsque Yaakov fut informé de la disparition de Yossef, il se revêtit d'un cilice et de cendres.
Le midrach (Béréchit 84,20) raconte que, puisque Yaakov portait un cilice à ce moment-là, il fut décrété que ses descendants porteraient un cilice à l'époque de Mordé'haï, comme il est écrit : "Et [Mordekhaï] se revêtit d'un cilice et de cendres" (Esther 4,1).
=> Qu'est-ce que Yaakov a fait de mal pour que ses descendants soient punis de la sorte?
-> Le 'Hasam Sofer (drachot 'Hatam Sofer p.185a-b) répond que Yaakov a accepté avec joie toutes les nombreuses tragédies qui lui sont arrivées dans sa vie.
Ce n'est que lorsqu'il a cru que Yossef avait été tué, ce qu'il a pris comme un présage qu'il avait perdu sa part dans le monde à venir, qu'il a finalement succombé au chagrin et au désespoir.
Le manque de foi momentané de Yaakov a été transmis à ses descendants, qui ont eux aussi affronté une lutte de la même nature.
Le 'Hasam Sofer dit : "La vérité est que l'acceptation [de la souffrance] avec sérénité accomplit plus que de nombreuses prières".
Esther a compris ce principe et c'est pour cette raison qu'elle a invité Haman au festin, pour démontrer sa joie et sa confiance en Hachem que son salut était imminent.
C'est également la raison pour laquelle nos Sages ne se sont pas contentés d'exiger la lecture de la Méguila à Pourim, mais ont également institué la réjouissance avec un repas de fête.
Le joyeux festin de Pourim démontre que la prière et les supplications sont loin d'être aussi efficaces que le fait de se réjouir en Hachem et de compter avec confiance sur Sa rédemption.
[ainsi Pourim est un moment de l'année où l'on doit renforcer en nous l'idée que dans nos difficultés de la vie, la meilleure réaction est d'être dans la joie de la confiance en Hachem, car comme l'affirme le 'Hatam Sofer : "cela accomplit plus que de nombreuses prières". ]
-> Le Téhilim 22 regorge d'allusions prophétiques à Esther et à la rédemption qu'elle a opérée (guémara Méguila 15b ; Yoma 29a).
Le 'Hatam Sofer explique de nombreux versets de ce Téhilim en accord avec le thème susmentionné :
"Mon D., mon D., pourquoi m'as-tu abandonné? Tu es loin de me sauver, des paroles de mon rugissement" (v.2) = cela veut dire que tant que je rugis d'angoisse, Tu t'éloignes encore plus de me sauver.
"Ô mon D.! Je crie le jour, mais Tu ne réponds pas ; et la nuit, mais il n'y a pas de répit pour moi" (v.3) = c'était le trait de caractère de Yaakov lorsqu'il portait le cilice et ne respectait pas le dicton : "Je te remercie, Hachem, car tu m'as affligé", ne louant pas Hachem lorsque les épreuves s'abattaient sur lui.
Hachem ne souhaite pas cette approche, mais plutôt : "Et Tu es le Saint, trônant sur les louanges d'Israël" (v.4) = Hachem désire et attend qu'Israël Lui offre des louanges, même pendant ses périodes de difficultés.
Le résultat de cette approche est le suivant : "En toi nos pères se sont confiés, ils se sont confiés et tu les as délivrés" (v.5).
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8°/ Malédiction conditionnelle :
La guémara (Makot 11a) affirme que la malédiction d'un Sage, même si elle est sans fondement, c'est-à-dire basée sur une prémisse erronée, elle se réalise néanmoins et affecte l'objet de la malédiction.
=> Si tel est le cas, comment Esther a-t-elle été épargnée que ne prenne effet la malédiction de Mordé'haï : "Car si tu persistes à garder le silence dans un moment pareil, le secours et la délivrance viendront aux juifs d'un autre endroit, tandis que toi et la maison de ton père périront" (Esther 4,14)?
-> Le rav 'Haïm Kanievsky (Sia'h 'Hanouka ouPourim) commente que la malédiction d'un sage a le statut d'un décret (guézéra). Cependant, même un décret céleste peut être aboli par la prière.
Comme Esther a imploré Hachem pour que la malédiction de Mordé'haï ne se matérialise pas, ses prières ont été acceptées.
Nous devons donc conclure que dans les cas de Yéhouda et d'Eli haCohen, desquels nos Sages déduisent le principe selon lequel même la malédiction conditionnelle d'un sage est accomplie, les destinataires de la malédiction ont cru à tort qu'il était inutile de prier puisqu'ils avaient rempli les termes de la condition du sage.
-> Le rav 'Haïm Kanievsky y donne une autre explication :
Une malédiction conditionnelle ne prend effet que si elle a été dite avec sérieux. Mais si on a prononcé une malédiction avec l'intention spécifique qu'elle soit nulle et non avenue, la malédiction ne prend pas effet.
Comme Mordé'haï aimait tendrement Esther, son exhortation fortement formulée était conçue comme une exagération, et sa seule intention était de réussir à la persuader d'entreprendre la difficile mission de se présenter devant le roi à l'improviste.
-> La manière dont opère une malédiction est qu'elle suscite des accusateurs célestes qui exigent que le bénéficiaire de la malédiction soit jugé avec une stricte justice.
Le Alchikh haKadoch écrit que lorsqu'une personne accomplit une mitsva, le membre associé à cette mitsva particulière atteint la perfection. Lorsqu'une personne sert Hachem avec sacrifice total de soi (messirat néfech), son corps entier atteint la perfection.
Mordé'haï a réalisé qu'en raison de la messirat néfech d'Esther, qui s'est rendue à l'improviste chez le roi A'hachvéroch, elle atteindrait une telle perfection spirituelle qu'aucun mal ne lui arriverait.
['Hida - Dévarim A'hadim]
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9°/ 3 jours de jeûne :
=> D'où Esther a-t-elle eu l'idée de demander qu'elle et les juifs jeûnent pendant 3 jours afin de vaincre Haman?
1- Le Rokéa'h (Esther 4,16) écrit qu'Esther décida d'un jeûne de 3 jours afin de se repentir des 3 péchés capitaux que les juifs de Shoushan avaient transgressé :
- l'adoration des idoles = les juifs de Shushan ont transgressé le péché d'adoration des idoles en se prosternant devant Haman ;
- l'immoralité = A'hachvéroch a fait venir des prostituées au festin pour tenter les juifs de pécher, et beaucoup ont succombé. [Méguilat Setarim - Esther 8,16]
- le sang versé = Hasach (que les Sages identifient comme Daniel) était un courtisan du palais d'A'hachvéroch et il relayait les messages entre Mordé'haï et Esther concernant le décret d'Haman. Cela a éveillé les soupçons d'Haman qui a fait tuer Hasach. [Pirké déRabbi Eliézer - chap.49]
Le décret d'Haman étant le résultat des fautes des juifs, ceux-ci sont considérés comme partiellement responsables de la mort de Daniel.
Le Rokéa'h y commente également qu'Esther souhaitait jeûner pendant 3 jours afin d'expier 3 péchés qu'elle avait personnellement commis :
- L'immoralité = en raison de son mariage avec A'hachvéroch.
- L'effusion de sang = être indirectement responsable de la mort d'Hasach.
- Manger de la nourriture non cachère au palais d'A'hachvéroch (guémara Méguila 13a).
2- De son côté, le Panéa'h Raza (Ekev 8,3) commente qu'Esther a vu une allusion à la déclaration d'un jeûne de 3 jours dans le verset suivant : "Il vous a affligés et vous a laissés affamés, puis il vous a nourris de la manne" (Ekev 8,3). Le mot "manne" s'écrit הַמָּן, qui sont les mêmes lettres que "Haman".
"Il vous a affligé" fait allusion à un jour de jeûne, "et vous a laissés affamés" suggère un 2e jour de jeûne. Le troisième jour de jeûne, Hachem "nourrira Haman" entre tes mains.
[le rav Binyamin Wurzburger dit : on pourrait peut-être aussi comprendre cela à un niveau plus profond : Hachem a donné la faim aux juifs dans le désert afin qu'ils reconnaissent qu'Il les nourrit de manière miraculeuse (Hachem aurait pu faire qu'ils n'aient pas besoin de manger). De même, en reconnaissant qu'Hachem contrôle en fin de compte le destin d'Israël, ce qui est le résultat du jeûne et du repentir pendant les jours d'Haman, ils ont mérité de "consommer" Haman (les 2 mots s'écrivant : המן).]
3- Rabbi Tsvi Kahana explique qu'Esther ne voulait pas pouvoir attribuer le succès de sa mission à son charme, son intelligence ou sa beauté. Après avoir jeûné pendant 3 jours, elle n'était clairement pas en état d'être naturellement séduisante devant le roi, sauf par la grâce d'Hachem.
Rabbi Yé'hezkel Lévenstein apporte ici la preuve que l'obligation de hichtadlout n'existe que jusqu'à ce qu'une personne commence à attribuer le succès à ses propres efforts. Une fois qu'il a atteint ce point, il doit arrêter ses hichtadlout. ['Hazon Ich Haggada - où le 'Hazon Ich dit qu'il est d'accord avec ces paroles. ]
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10°/ Le jeûne & la matsa :
-> "Mordé'haï se retira (vayaavor - litt. transgressa) et exécuta exactement ce que lui avait ordonné Esther" (Esther 4,17)
Commentant ce verset, la guémara (Méguila 15a) rapporte que Mordé'haï a transgressé en faisant du premier jour de Pessah un jour de jeûne. [voir aussi Targoum (Esther 4,17) : "Et Mordé'haï transgressa [l'obligation de] célébrer joyeusement la fête de Pessa'h [en instituant le jeûne de 3 jours]."]
Rachi commente : le décret d'anéantissement a été émis contre le peuple juif le 13 Nissan ; et ils ont jeûné le 14, le 15 (qui était le premier jour de Pessah), et le 16.
=> Rabbi Yonathan Eibeshitz (Yaarot Dvach - vol.2) demande pourquoi les Sages se concentrent uniquement sur le décret de Mordé'haï qui a empêché les juifs de célébrer joyeusement Pessa'h en mangeant, et faisant une plus grande faute : s'abstenir de l'obligation de la Torah de manger de la matsa la première nuit de Pessa'h?
Les commentateurs suggèrent un certain nombre de résolutions à cette question :
-> Selon le midrach (Téhilim 22,5), les juifs ne jeûnaient que le jour et mangeaient la nuit.
Les juifs pouvaient donc s'acquitter de l'obligation de manger la matza la première nuit de Pessa'h. [ils ont donc pu faire le Séder la nuit du 15 Nissan]
[Arou'h laNer - Yébamot 121a]
-> Selon le Talmud, les juifs ont jeûné sans interruption pendant toute la durée des 3 jours.
Selon la définition du jeûne de la Torah (comme à Yom Kippour), si une personne mange moins que le volume d'une grosse datte, on considère quand même qu'elle a jeûné (puisqu'une quantité aussi infime n'est pas rassasiante).
Mordé'haï a institué le jeûne de 3 jours selon les critères de jeûne de la Torah. Les juifs pouvaient donc manger de la matsa le jour de Pessa'h et ne pas enfreindre le jeûne. Ceci est dû au fait qu'une personne remplit son obligation de manger de la matza en mangeant simplement la taille d'une olive (kazayit).
Puisqu'une olive est plus petite qu'une grosse datte, on considère que l'on a jeûné ce jour-là.
[Arou'h laNer - Yébamot 121a]
-> Le Pirké déRabbi Eliézer (chap.49) rapporte que lorsqu'Esther a demandé à Mordé'haï de rassembler les juifs et de déclarer un jeûne de 3 jours, il a d'abord hésité à exécuter la demande d'Esther.
Mordé'haï demanda à Esther : "Comment pouvons-nous instituer un jeûne de 3 jours en ce moment, puisque le jeûne entrera en conflit avec la fête de Pessa'h?". Esther répondit : " Tu es le principal sage d'Israël et un membre du Sanhédrin. Comment peux-tu poser une telle question? Pour qui sera la fête de Pessa'h, s'il n'y a pas d'Israël (de juifs) pour faire un Pessah ?" [s'ils sont tous exterminés par Haman]
Mordé'haï admit qu'Esther avait raison, et institua que personne ne devait manger ni boire le premier jour de Pessah.
Selon ce midrach, les juifs n'ont pas mangé de matsa à Pessa'h en raison du jeûne déclaré par Mordé'haï.
À la lumière de ce midrach, nous pouvons peut-être répondre à la question de Rabbi Yonathan Eibeshitz comme suit : les Sages se sont concentrés sur l'abolition générale de la fête de Pessa'h par Mordé'haï pour souligner que le but du jeûne était de transmettre ce message à Hachem : "Qui célébrera la fête de Pessa'h si Tes enfants sont tués?"
-> Il existe un principe halakhique selon lequel les Sages sont habilités à déraciner un commandement biblique positif de manière passive. (ex: nos Sages ont interdit de sonner du Shofar à Roch Hachana lorsque cela tombe Shabbath, pour empêcher les gens de transgresser par inadvertance l'interdiction de porter le Shofar dans le domaine public pendant Shabbath. )
Les rabbanim, cependant, n'ont pas l'autorité d'ordonner l'exécution d'un acte positif qui contrevient à la Torah.
Le fait que les juifs n'aient pas mangé de la matsa la nuit de Pessa'h n'est pas problématique, puisqu'ils se sont simplement abstenus passivement d'accomplir la mitsva.
Nous pouvons suggérer que le fait pour Mordé'haï de décréter un "jour de jeûne" à Pessa'h ne relevait pas de ses compétences rabbiniques. C'est parce qu'un jour de jeûne n'est pas seulement considéré comme un jour où l'on ne mange pas, mais plutôt comme un acte positif.
En tant que tel, Mordé'haï instituant un jour de jeûne à Pessa'h était considéré comme une annulation active de la mitsva d'être joyeux à Yom Tov.
[rav Binyamin Wurzburger]
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11°/ Absence d'acte de divorce :
-> "Et il [Mordé'haï] éleva (אֹמֵן - omèn) Hadassa" (Esther 2,7)
Le Yalkout Meam Loez explique que ce verset souhaite transmettre le grand amour et le dévouement avec lesquels Mordé'haï a élevé Esther, tant physiquement que spirituellement.
Le mot "élevé" est écrit sans la lettre "vav" (אמן), qui épelle le mot "Amen". Cela signifie que Mordé'haï a appris à Esther à dire Amen alors qu'elle n'était qu'un bébé.
La raison à cela est que si elle devait mourir dans son enfance, le mérite de dire Amen lui permettrait de se lever à la résurrection des morts.
[bien qu'à la tête du Sanhédrin, Mordé'haï s'est occupé de la jeune orpheline Esther avec toute la chaleur et l'amour d'une mère pour son enfant.]
La guémara (Méguila 13a) rapporte que Mordé'haï a épousé Esther lorsqu'elle a atteint l'âge adulte.
=> Si tel est le cas, pourquoi Mordé'haï n'a-t-il pas divorcé d'Esther avant qu'elle ne soit emmenée au palais d'A'hachvéroch afin qu'elle lui soit permise après son retour?
-> Tossafot (Méguila 15a) répond qu'étant donné qu'un acte de divorce (guét) nécessite des témoins, Mordé'haï avait peur que l'affaire ne devienne publique et ne soit connue d'A'hachvéroch.
[On peut supposer qu'il partageait la même inquiétude que celle d'Avraham concernant sa femme, Sarah. Si le monarque avait été au courant de leur relation conjugale, il n'aurait eu aucun scrupule à tuer le mari afin de justifier le fait de prendre sa femme. ]
De plus, selon rabbi Yossef Shalom Eliyachiv (Achré haIch - Ora'h 'Haïm fin chap.43), un acte de divorce qui est donné avec l'intention de se remarier est invalide.
La Torah indique clairement que la défaveur et la haine sont les conditions préalables nécessaires à un divorce dans la loi juive, comme il est écrit : "Si un homme épouse une femme et qu'il se trouve qu'elle ne trouve pas grâce à ses yeux ... et qu'il lui rédige un acte de divorce" (Ki Tétsé 24,3).