+ Les démons, esprits maléfiques et fantômes (1ere partie) :
-> Dans le texte biblique, les sages talmudiques et toute la tradition rabbinique, on trouve d'innombrables références à des puissances malveillantes identifiées comme des démons. Ces démons ou esprits maléfiques sont des influences non humaines qui peuvent manipuler les gens de diverses manières.
En discutant de la vision historique générale de ces forces, le rabbi Ménaché ben Israël, un sage du 17e siècle, a écrit : "L'opinion de toutes les autorités juives est que les références bibliques aux esprits doivent être prises au pied de la lettre". [Nichmat 'Haïm 3:12,13,14 - les points de vue dissidents possibles seront abordés ultérieurement ; néanmoins, il semble que cela reste l’opinion générale.]
De plus, le rabbi Tsvi Hirsch Chajes, mieux connu sous le nom de Maharatz Chajes, l'un des plus éminents sages galiciens du 19e siècle, affirme que de nombreuses déclarations talmudiques peuvent être interprétées de manière allégorique, mais que ce n'est pas le cas des démons.
Le nombre impressionnant de références talmudiques à ces forces démontre que nous avons affaire à des phénomènes réels. [Maharatz Chajes - dans son introduction aux Aggadot - imprimé au début du Ein Yakov]
En effet, les démons faisaient souvent l'objet de discussions dans le monde antique.
Les Babyloniens étaient réputés pour leur magie et leur démonologie, à l'instar de l'Égypte à l'époque de Moché, qui était alors connue comme le centre mondial des magiciens (Ména'hot 85a ; midrach rabba Chémot 9).
<--->
+ Terminologie au sujet des démons :
-> Plusieurs termes sont utilisés dans la littérature juive pour décrire ces forces, bien qu'elles soient toutes regroupées sous le terme général de "démons".
Le terme le plus fréquemment utilisé est le mot : mazik, qui signifie littéralement "endommager" ou "détruire".
Un autre terme courant est : shéd, qui est exclusivement associé aux démons. (au pluriel : shédim, comme dans Haazinou 32,17 ; Téhilim 106,37.
Ce mot (shéd) est apparenté au mot hébreu signifiant "désolé". Les démons sont appelés ainsi parce qu'ils occupent généralement des zones désolées ; voir Ramban dans A'haré Mot17,7).
Le Ramban (A'haré Mot 16,8) commente que "les shédim étaient appelés mazikin dans le langage des rabbanim, et sé'irim dans le texte biblique".
Le dernier terme principal couramment utilisé est : roua'h raa, qui signifie littéralement "esprit maléfique" et semble avoir un spectre plus large de ce qu'il décrit.
Outre la terminologie générale, il existe des noms spécifiques désignant soit des démons individuels, soit des classes de démons. Le texte biblique, par exemple, mentionne Réchef et Déver, qui signifient littéralement "plaie" et "peste", mais qui seraient également des noms de forces démoniaques. ('Habakouk 3,5)
Il existe ensuite des démons ou d'autres forces malveillantes qui sont mentionnés à de nombreux endroits dans la littérature juive :
1°/ Achmédaï :
Rachi (Chmouël II 7,14) affirme que le mot "plaie" (nig'é - נִגְעֵי) dans un verset fait référence au démon Achmédaï, qui a été expulsé du ciel après s'être rebellé contre Hachem.
La guémara (Pessa'him 110a) le considère comme le "roi des démons" (malka dé'chédé).
Achmédaï semble être le nom générique du roi des démons, tout comme Pharaon était le nom (le titre) du roi d'Égypte.
[comme l'affirme le Ben Ich 'Haï (Ben Yéhoyada - Guittin 68a) dans sa discussion de l'incident entre Salomon et Achmédaï]. Il est intéressant de noter que le nom Achmédaï et le mot Pharaon ont la même valeur numérologique. ]
Ailleurs, la guémara (Guittin 68a) rapporte comment le roi Salomon demanda à Achmédaï où trouver le ver appelé "shamir" afin de construire le Temple.
[le Maharal a un avis dissident, en affirmant que cette section du Talmud ne peut être prise au pied de la lettre. ]
Plus tard, Achmédaï se fit passer pour le roi Salomon et le chassa du trône. [Guittin 68a ; Maharcha - du Targoum Kohélet 1,12]
Salomon fut projeté à une distance de 40 jours de voyage, et Achmédaï s'assit sur le trône.
Salomon cria qu'il était bien le roi Salomon, mais tout le monde le traita de fou. Il finit par plaider sa cause devant le Sanhédrin, qui prouva qu'il était bien celui qu'il prétendait être et chassa Achmédaï. [Méam Loez - Kohélet 1,12 ]
<--->
2°/ Azazel :
Azazel est mentionné dans la Torah en relation avec le rituel du Yom Kippour. [A'haré Mot 16,8&10&26 ]
En ce jour, Aharon le Cohen Gadol, tire au sort deux boucs, et celui "pour Azazel" est présenté vivant devant Hachem, puis relâché dans le désert. Les versions latines comprennent Azazel comme "le bouc qui s'en va", d'où le terme "bouc émissaire". [un bouc était l'Hachem (offert au Temple), et un autre la Azazel (jetait dans le désert au haut d'une falaise., en cadeau forces du mal - Satan)]
[selon le Pirké déRabbi Eliezer 46, il est clairement fait référence à Azazel dans la Torah : "Pourtant, Azazel persista obstinément dans sa faute qui consistait à égarer l'humanité ... C'est pourquoi deux boucs étaient sacrifiés le jour de Kippour, l'un pour Hachem, afin qu'Il pardonne les fautes d'Israël, l'autre pour Azazel, afin qu'il porte (prennent avec lui) les fautes d'Israël, et c'est là Azazel de la Torah." ]
Certains commentateurs disent que Azazel est le nom de l'endroit où le bouc est conduit.
La guémara (Yoma 67b) enseigne que le sacrifice d'Azazel expie la débauche et l'immoralité, encouragées par les anges déchus, dont Azazel tire son nom.
Le Ramban cite le rabbi Eliezer Hagadol, qui associe Azazel aux démons surnaturels du désert et à l'esprit maléfique identifié ailleurs comme Samaël.
Azazel est identifié au Satan, le grand tentateur. Azazel, en tant que Satan, incite les peuples du monde à fauter et c'est pour cette raison que le bouc émissaire lui était "offert" le jour de Kippour.
Azazel est également mentionné comme un démon dans les manuscrits de la mer Morte.
<--->
3°/ Kétev Mériri :
Cette entité est décrite comme ayant de nombreux yeux, et comme ayant ses yeux dans son cœur. [midrach Bamidbar rabba 12,3 ; midrach Téhilim 91,3 ]
Le midrash enseigne que kétev mériri, ou "destruction amère", une sorte d'esprit dangereux mentionné dans le chant de Haazinou (v.32,24 - קֶטֶב מְרִירִי), prévaut en particulier du 17 Tamouz jusqu'au 9 Av. [midrach Shocher Tov - sur Téhilim 91]
La littérature de la Torah parle de deux esprits "kétev", dont l'un domine du premier au seizième jour de Tamouz, et le second pendant les trois semaines. [Pessa'him 111b ; Yalkout Chimoni - Haazinou ]
Cette force spirituelle domine quotidiennement pendant cette période, de la quatrième heure de chaque jour jusqu'à la neuvième heure. [midrach Bamidbar rabba 12,3 ; Eikha rabba 1,29]
Cette énergie négative a en fait des ramifications dans la loi juive. En raison du danger potentiel, le Choulkhan Aroukh (Ora'h 'Haïm 551:18) stipule qu'il ne faut pas se promener seul pendant cette période.
[certains disent de la fin de la quatrième heure jusqu'à la fin de la neuvième heure de la journée juive (Moéd léKol 'Haï 9,19)], et qu'il faut être prudent même pendant les seize premiers jours de Tamouz. [Biour Halakha sur Choulkhan Aroukh précédant]
Le séfer 'Hassidim rapporte l'histoire d'un groupe d'enfants qui, un midi, alors qu'ils se rendaient à l'école, ont été confrontés à ce démon. Tous sont morts sauf deux, et même ceux-ci n'ont échappé à la mort qu'après une longue maladie.
<--->
4°/ Lilith :
Il n'y a qu'un seul endroit où le nom "Lilith" (לִּילִית) apparaît dans le texte biblique (Yéchayahou 34,14).
Dans le livre de Yéchayahou, qui décrit la désolation d'Edom, ce nom figure dans une liste de 8 animaux impurs, dont certains peuvent avoir des associations démoniaques. [le Radak écrit qu'il s'agit d'un oiseau ou d'un animal nocturne, mais Rachi dit qu'il s'agit d'un démon. ]
Certains commentaires sur ce verset indiquent que Lilith est la mère des démons (ex: le Métsoudat Tsion sur ce verset, et le Radak enseigne que cette créature crie comme un oiseau nocturne), et elle est également décrite comme telle dans le Zohar (Pékoudé 276b).
Lilith est également mentionnée dans les manuscrits de la mer Morte.
Le guémara, qui fait plusieurs références à Lilith, la décrit comme un démon avec un visage humain et des ailes (Nidah 24b ; Rachi-Sahnédrin 109a), et ailleurs comme une femme aux cheveux longs (Erouvin 100b).
À un autre endroit de la guémara (Shabbath 151b), il est recommandé de ne pas dormir seul, de peur de se retrouver entre ses griffes. En effet, selon le Zohar (19b), elle serait une séductrice qui erre toute la nuit, incitant des hommes innocents à se souiller. [certains laissent une légère source de lumière lorsqu'ils dorment seuls, pour se prémunir de cela]
Lilith est aussi parfois associée à d'autres "mères démones" ou "reines démones", à savoir Agrat (אָגְרַת
- Pessa'him 112b), sa mère Ma'halat (מָחֲלַת) [Agrat et Ma'halat représentent des forces qui incitent les gens à adopter des comportements immoraux - Chlah - Ki Tétsé - Torah Ohr], et Naama (Zohar I:55a ; III:76b-77a).
Toutes sont considérées comme les épouses de Samaël, l'ange gardien d'Essav. [Rabbénou Bé'hayé - Béréchit 4,22]
Certains considèrent également la reine de Saba comme une sorte de créature surnaturelle à moitié démoniaque.
Dans certaines sources de la tradition juive, Lilith est présentée comme la première épouse d'Adam.
Lilith a été créée à partir de la terre, tout comme Adam, et les deux n'ont pas réussi à trouver un équilibre entre eux. Une série d'événements s'est produite, et Lilith s'est rebellée et s'est transformée en démon, semant le chaos et se vengeant sur l'humanité, en particulier sur les enfants. [Torah Chéléma - Béréchit 2,256]
<--->
5°/ Samaël :
L'agent (ange) de la mort est appelé "mala'h ha'mavét" en hébreu. Il est parfois associé à Satan ou à Samaël. Certains disent que cet agent a été créé le premier jour de la Création, en même temps que les ténèbres, tandis que d'autres affirment qu'il n'est apparu qu'après la première faute d'Adam et 'Hava (Pirké déRabbi Eliézer 13 ; Avoda Zara 22b).
Chacune des 70 nations énumérées dans la Torah aurait un ange qui symbolise son caractère essentiel. De même, la nation sur terre est une manifestation des traits de caractère de son ange (au Ciel). Samaël est appelé l'ange d'Essav (Rachi - Soucca 29a & Sotah 10b).
Le midrach rabba dit que Samaël est décrit comme le chef Satan, ou ange Accusateur, et comme l'ange de la mort. [Daat Zékénim - sur Lé'h Lé'ha 14,3 ]
Il est intéressant de noter que le Zohar (I:35b) décrit le serpent primordial du gan Eden comme étant synonyme du yétser ara et de l'ange de la mort.
Cela n'a rien de surprenant, étant donné qu'ailleurs, les actions du serpent étaient orchestrées par Samaël. [Pirké déRabbi Eliézer - chap.13 ; Yalkout Chimoni - Béréchit 2,25]
En réalité, Éssav et le serpent originel sont donc les manifestations terrestres de Samaël, le Satan, la force qui défie l'humanité. Dans l'ensemble, il semble que l'ange de la mort, Satan et Samaël soient une seule et même force.
<--->
6°/ Sé'irim :
Ce mot dans le Tanakh signifie "boucs" (chèvres), mais il est également mentionné comme un euphémisme pour "démons" par la plupart des traducteurs et commentateurs. [mentionné par exemple : A'haré Mot 17,7 (שְּׂעִירִם) ; Yéchayahou 13,21 ; 34,14 ]
La corrélation entre ces types de démons et les boucs est qu'ils sautillent et dansent comme des boucs (chèvres) [Rachi - A'haré Mot 17,7], ou peut-être qu'ils ressemblent à des boucs [Radak et Rambam].
Le terme peut également être lié à séar, qui signifie "poil" ou "terreur", ainsi nommé parce que ces créatures étaient poilues ou effrayaient les gens. [Na'houm 1,3 - Ibn Ezra]
D'autres sont mentionnés par leur nom, notamment :
- Hormin (הוּרְמִין), le fils de Lilith (Baba Batra 73a. D'autres l'appelent : "Hormiz" (הוֹרְמִיז) - Sanhédrin 39a, Tossafot, Rachbam),
- 'Hamat (Sanhédrin 101a - Rachi. D'autres suggèrent qu'il s'agit du nom d'un sorcier),
- Shinadon (midrach Béréchit rabba 36,3),
- Ben Temalion (Méilah 17b - בֶּן תְּמַלְיוֹן),
- et Yossef le démon (Yossef chéda - יוֹסֵף שֵׁידָא - qui a profané le Shabbath - Erouvin 43a. Mais qui a également parlé à Rav Yossef et Rav Papa - Pessa'him 110a).
Ceux-ci et d'autres sont des exemples de noms qui se distinguent parmi une myriade d'esprits non identifiés.