+ La grandeur de faire téchouva par amour :
-> La guémara (Yoma 86a) nous enseigne qu'il existe 4 niveaux de fautes et comment faire téchouva pour chacune. Les conditions pour obtenir le pardon varient en fonction du type de faute commise.
1°/ Le premier et le plus bas niveau d'infraction est le fait de ne pas accomplir une mitsva assé, un commandement positif. La téchouva pour ce type de faute efface immédiatement la faute.
Yom Kippour n'est même pas requis pour atteindre ce but.
2°/ Le deuxième niveau de faute est la violation d'un interdit (ne pas faire quelque chose), comme porter du chaatnez ou consommer un aliment non-cacher. Si le fauteur fait ensuite téchouva avec tout ce que cela implique, il n'est toujours pas pardonné.
La téchouva suspend son châtiment jusqu'à ce qu'il atteigne Yom Kippour, qui le purifiera de sa faute.
Il est intéressant de noter que le Meïri (Yoma 86a) déclare que la nécessité de Yom Kippour dans ce cas n'est pas absolue. En effet, celui-ci constitue une aide permettant à la techouva d'un individu d'être totalement sincère et définitive. Toutefois, si le fauteur parvient à atteindre ce niveau de techouva par lui-même, il sera en fait capable d'obtenir le pardon sans avoir besoin de l'aide de Yom Kippour.
3°/ Violer un 'hiyouv karet (une faute dont la punition est la mort (karé [spirituelle])) constitue le 3e niveau de faute.
La téchouva et Yom Kippour ne suffisent pas ensemble pour atteindre l'expiation. Pour ce type de faute, la téchouva, accompagnée de Yom Kippour, suspend la punition, mais le fauteur doit également faire l'expérience de souffrances, afin d'être totalement pardonné.
4°/ Le 4e niveau de faute est le 'hilloul Hachem. La téchouva, Yom Kippour et les souffrances réunis ne suffisent pas à expier ces fautes les plus graves. Pour un 'hilloul Hachem, la mort, est nécessaire pour recevoir le pardon.
-> Le 'Hida (Midbar Kedmot 8,18) enseigne que cette guémara fait référence à celui qui fait techouva par crainte (méyir'a). Il explique que lorsque l'on commet une faute et que l'on fait téchouva par crainte, la faute se transforme en choguég. (selon Rech Lakich (guémara Yoma 86b), une téchouva par crainte permet de transformer des fautes intentionnelles en fautes involontaires [choguég] ).
Ainsi, Yom Kippour est encore nécessaire pour éliminer les restes de la faute. Une téchouva par crainte n'a que la capacité de transformer la faute en involontaire, mais la faute, le 'hiyouv karet et le 'hilloul Hachem demeurent toutes, bien qu'en tant que involontaires.
Des conditions supplémentaires doivent être remplies pour éradiquer tout cela et obtenir le pardon.
En revanche, faire techouva par amour a le pouvoir d'éradiquer tout type de fautes, même le
'hilloul Hachem. (selon Rech Lakich (guémara Yoma 86b), une téchouva par amour permet de transformer des fautes intentionnelles en mérites)
La raison en est que dans le cadre d'une techouva par amour (mé'ahava), les fautes deviennent des mitsvot, et rien de plus que la techouva elle-même n'est nécessaire pour y parvenir.
Une fois ces fautes converties en mitsvot, Yom Kippour et les souffrances sont superflus, puisqu'il n'y a plus de faute à expier.
Etonnamment, le 'Hatam Sofer (drachot 1,19) affirme qu'une faute telle que manger une névéla (carcasse d'animal) est transformée par le biais d'une téchouva par amour en une mitsva telle que consommer le korban Pessa'h.
[l'idée est qu'une avéra de manger pas casher, devient alors une mitsva d'avoir mangé pas casher (d'une certaine façon on pourrait dire qu'elle nous est comptée pas Hachem comme étant réalisée à la perfection, ave toute les kavanot). ]
Le Min'hat 'Hinoukh (mitsva 364,35) déclare que même s'il existe des fautes pour lesquelles la téchouva seule ne suffit pas, c'est seulement lorsque la personne s'engage dans la techouva par crainte (d'Hachem), qu'il parle de techouva incomplète.
La techouva par amour (d'Hachem), en revanche, représente un niveau supérieur de techouva qui sert indépendamment à expier même les violations les plus graves. Avec une techouva par amour, les fautes sont converties rétroactivement en mitsvot.
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-> Cela nous aide à appréhender la pratique de chanter la confession de nos fautes (le Vidouï) à Yom Kippour avec une mélodie qui n'est pas mélancolique ; peut-être même pourrait-on la qualifier de joyeuse.
Le Tiféret Israël (Taanit 4,8) explique que le but du repentir est d'atteindre le niveau de techouva par amour. Parvenir à cet objectif à Yom Kippour transforme les fautes en mitsvot, et c'est pourquoi nous chantons pour célébrer toutes les nouvelles mitsvot que nous acquérons et ajoutons à notre acquis grâce à notre techouva par amour.
-> La guémara (Roch Hachana 16a-b) dit que nous sonnons 2 séries de tékiot (sonneries de Shofar), une avant et une pendant Moussaf. Nous soufflons deux fois pour plonger le Satan dans la confusion.
Tossefot explique que le Satan pense que la 1er série de tekiot est effectuée pour la mitsva du Sho-far et que la 2e série sonnée a pour objectif d'annoncer l'arrivée du machia'h.
Selon Rachi, lorsque celui-ci constate que nous aimons tellement les mitsvot que nous sonnons du chofar deux fois, il se retrouve réduit au silence et ses efforts contre nous sont contrecarrés.
Le rav Akiva Eiger explique que lorsque le Satan nous entend sonner du Shofar pour la première fois, il sait que nous faisons techouva. Il commence donc à établir la liste des fautes que nous avons commises au cours de l'année, et il se donne beaucoup de peine à nous poursuivre devant Hachem.
Puis, il nous entend sonner du Shofar encore une fois. Cette 2e fois témoigne du fait que nous aimons réaliser les mitsvot. Puisque ce faisant, nous montrons que nous aimons vraiment Hachem et Ses mitsvot, alors la téchouva que nous accomplissons est nécessairement par amour. Et ainsi, toutes nos fautes sont converties en mitsvot.
Chaque faute dans notre dossier d'accusation que le Satan, en tant que procureur, énumère à Hachem se retrouve transformée en mitsva. Conscient de ce phénomène, il est réduit au silence, car chaque faute mentionnée finit par jouer contre lui, augmentant les mérites de l'autre côté de la balance.
Telle est la raison, affirme le rav Akiva Eiger, pour laquelle la 2e série de tékiot (sonneries de Shofar) fait taire le Satan.
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+ Pourquoi le baal techouva est-il à un niveau supérieur à celui d'un tsadik gamour?
-> Nos Sages (guémara Béra'hot 26b) enseignent : "à l'endroit où se tiennent les baalé techouva, même les tsadikim complets ne peuvent pas se tenir".
Il est difficile de comprendre en quoi cette affirmation est exacte. Quelqu'un ayant vécu toute son existence dans la pureté et au service de Hachem ne devrait-il pas être à un niveau plus élevé que celui qui a commencé à suivre Hachem et Ses mitsvot bien plus tard dans sa vie?
Le baal techouva a apparemment perdu beaucoup de temps à compenser les nombreuses années pendant lesquelles le tsadik accomplissait des mitsvot et lui non. Pourquoi donc le baal techouva se trouve-t-il à un niveau supérieur?
Le 'Hida (Pné David - paracha Choftim) explique que celui qui a accompli des mitsvot toute sa vie peut certainement atteindre des niveaux élevés. Mais il n'a jamais eu l'occasion de convertir ses fautes en mitsvot.
En effectuant une téchouva par amour (mé'ahava), le baal téchouva, dont le panel de fautes contenait peut-être les plus graves des fautes, subit à présent une transformation par laquelle toutes ses fautes deviennent des mérites.
Un tsadik ne peut accomplir que les 248 commandements positifs de la Torah. Un baal techouva, en revanche, ayant peut-être commis de nombreuses fautes, y compris celles pour lesquelles il est passible de mita et de karet, compte parmi ses mérites ces fautes très sérieuses ayant été transformées en mitsvot, ce qui fait certainement défaut au tsadik complet (gamour).
-> Le 'Hida ('Homat Anakh - Chir haChirim 6,26) enseigne que cela nous aide à comprendre pourquoi l'allusion de Hodech Elloul, le mois consacré à la téchouva, est : Ani léDodi véDodi li.
Le roi Chlomo attire notre attention sur le fait que lorsque nous nous engageons dans le processus du repentir, nous ne devons pas nous contenter d'une téchouva moyenne, médiocre et ordinaire. Ce que nous recherchons, c'est la "téchouva haut de gamme", la téchouva de léDodi, celle de l'amour. [ani léDodi]
La téchouva par amour est le but à atteindre ; par conséquent, dans ce contexte, Hachem est désigné par nous comme notre Bien-aimé (dodi). Nous nous efforçons d'accomplir le genre de téchouva qui ne nous permet pas seulement d'échapper à la punition, mais qui transforme nos fautes en mérites.
Cet allusion nous encourage à poursuivre le type de téchouva qui nous hissera à un niveau plus élevé qu'au départ, avec beaucoup plus de mérites que précédemment.
C'est la raison pour laquelle la première paracha que nous lisons en Elloul contient la phrase très importante "Vous êtes les enfants d'Hachem, votre D." (Réé 14,1). C'est là toute la base du concept de téchouva, qui ne peut être efficace que parce que nous sommes les enfants bien-aimés de Hachem.
[à l'image d'un enfant, même si l'on peut faire des bêtises, nous restons toujours l'enfant adoré de ses parents (Hachem), et nous revenons vers Lui plein d'amour. ]
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+ Les mérites acquis par la téchouva par amour sont des mitsvot absolument parfaites :
-> Le Maguid de Doubno rapporte la parabole suivante :
Un couple était fiancé. Le 'hatan était issu d'une famille simple qui ne possédait pas beaucoup de biens matériels. La famille de la kalla, qui résidait dans une autre ville, était quant à elle très aisée. Lorsque les parents se rencontrèrent pour planifier le mariage, le père de la mariée affirma aux parents du marié qu'il couvrirait avec plaisir la totalité des frais du mariage. Ayant compris que la famille du 'hatan n'en avait pas les moyens, il proposa de payer pour toute la soirée. La seule chose qu'il demanda fut que le père du 'hatan lui achète son costume de mariage.
Avec difficulté, le père rassembla suffisamment d'argent pour acheter un costume bon marché que le marié porterait ensuite lors de son voyage pour aller se marier.
En chemin, il trébucha et tomba, déchirant son costume en plusieurs endroits. Il arriva au domicile de sa fiancée la veille du mariage dans une tenue déchirée et froissée, certainement pas appropriée pour se marier. Son beau-père jeta un coup d'œil à ses vêtements et emmena le 'hatan chez son tailleur pour acheter un costume sur mesure dans le meilleur tissu.
Le père de la kalla expliqua à son gendre : "Maintenant que c'est moi qui t'achète un costume, je ne vais pas acquérir le type de vêtements que tu achèterais pour toi-même. Je vais te choisir le genre de costume que je porterais : avec le meilleur tissu, magnifiquement coupé et parfaitement ajusté."
Le Maguid de Doubno explique : même les mitsvot accomplies par un tsadik comportent probablement des imperfections. Elles sont inévitablement impactées par les limitations humaines. Peut-être n'ont-elles pas été accomplies avec une kavanna parfaite lors de leur exécution, ou ont-elles été entachées par une petite mesure d'arrière-pensée. Peut-être que la mitsva manquait de l'empressement, de la sim'ha ou de la yirat Chamayim (crainte du Ciel) appropriés.
Bien que ce tsadik possède de nombreux mérites, ils ne sont pas parfaits ; ils sont limités par les défauts humains.
Un baal techouva, en revanche, a l'avantage que Hachem transforme ses fautes en mitsvot. Et de quelle manière cela se fait-il?
Elles deviennent les meilleures mitsvot possibles, exécutées de la manière idéale dont Il aimerait que chacune d'elles soit accomplie. Ainsi, les mitsvot nouvellement générées du baal techouva sont parfaites et belles, sans aucun défaut.
Ses mitsvot sont générées par Hachem, et elles sont donc l'essence de la perfection. Hachem affirme : "Maintenant que Je te donne cette mitsva, ce ne sera pas le type de celles que tu pourrais faire toi-même. Je vais te conférer le genre de mitsva que Je voudrais : exécutée parfaitement avec toutes les bonnes kavanot."
C'est pourquoi, enseigne le Magguid de Doubno : ""à l'endroit où se tiennent les baalé techouva, même les tsadikim complets ne peuvent pas se tenir" (guémara Béra'hot 26b)
Un tsadik possède beaucoup de mitsvot et de mérites, mais ils sont tous de nature mortelle exécutés au niveau d'un être humain. Tandis que lorsque le baal techouva accomplit une techouva par amour, il acquiert des mitsvot de nature Divine beaucoup plus élevée.
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+ Comment atteint-on le niveau de techouva par amour (mé'ahava)?
-> L'amour d'Hachem se situe à un degré très élevé, et Rabbénou Bé'hayé ('Hovot haLévavot) en parle comme du niveau final et de la réalisation ultime de celui qui sert Hachem.
Néanmoins, le sentiment fondamental d'amour d'Hachem est déjà inhérent et programmé dans le cœur du juif et nous devons simplement travailler à l'exploiter et à le mettre au premier plan. Le Ram'hal (Messilat Yécharim - chap.19) enseigne que notre amour pour Hachem ne doit dépendre d'aucun facteur externe. Nous n'aimons pas notre Créateur à cause des bienfaits qu'Il nous accorde. Ce n'est pas notre argent, notre succès ou notre renommée qui explique pourquoi nous aimons Hachem. Notre amour envers Lui est celui d'un enfant envers son père.
[selon le Ram'hal, l'amour que nous éprouvons pour Hachem, notre Père, est un amour naturel (ahava tivit).]
Un enfant ressent un amour naturel pour son père, pas seulement en raison de ce que celui-ci fait ou achète pour lui. La nature humaine oblige un enfant à aimer ses parents.
De même, notre nature même de Juifs provoque cet amour inné envers Hachem. Il est écrit : "N'est-Il pas [Hachem] votre Père, votre Maître?" (alo ou avi'ha kané'haHaazinou 32,6)
=> Comment peut-on nous ordonner d'aimer?
-> Le rav Akiva Eiger explique : Hachem nous ordonne de L'aimer, mais comment peut-on nous ordonner d'aimer quelqu'un ou quelque chose? Si, par exemple, une personne n'en aime pas une autre, elle ne peut pas apprendre à l'aimer simplement parce qu'elle en reçoit l'ordre. Alors, comment Hachem peut-Il S'attendre à ce que nous L'aimions juste parce qu'on nous dit que nous devons le faire?
La réponse est : "Comme dans l'eau le visage répond au visage, ainsi chez les hommes les cœurs se répondent l'un à l'autre" (Michlé 27,19), signifiant que si quelqu'un vous aime, alors vous l'aimerez en retour. L'amour est reproduit en retour.
Le Shéma que nous récitons quotidiennement déclare : "Tu aimeras Hachem" (véahavta ét Hachem - Vaét'hanan 6,4). Toutefois, juste avant le Shéma se trouve la phrase : "Hachem nous a choisis avec amour" (abo'hét béamo Israël béahava).
Ainsi : une fois que nous reconnaissons que Hachem nous aime, alors nous pouvons facilement être amenés à L'aimer en retour, puisque telle est la nature même de l'amour.
-> Le rav Avigdor Miller enseigne qu'une personne ne devait pas laisser passer un seul jour sans affirmer, au moins une fois : "Je t'aime, Hachem".