+ Torah & Hachem souffre beaucoup plus que nous de nos propres souffrances :
-> Parfois, une personne peut avoir l'impression que son existence ne sert à rien. Sa vie est une souffrance. Sa journée consiste à gérer sa douleur. Son observance des mitsvot s'en trouve gravement compromise.
À la fin de sa journée, la seule chose qu'elle a l'impression d'avoir accomplie, c'est d'avoir réussi à passer le cap de la journée. Au bout d'un certain temps, inévitablement, la perception que l'on a de soi-même peut devenir très négative.
On peut avoir l'impression d'exister pour rien, de ne rien accomplir et de ne rien apporter au monde.
Comment une telle personne est-elle censée réagir face à de tels sentiments?
Le midrach (Eikha rabba- Pesichata 24) raconte que lorsque Hachem a détruit le Temple, il s'est mis à pleurer (voir aussi Béra'hot 59a).
L'ange Matat a supplié Hachem d'arrêter de pleurer, disant qu'il était honteux pour le Roi de pleurer devant ses serviteurs.
Matat proposa alors de pleurer pour Hachem, car cela serait moins déshonorant.
Hachem répondit qu'il voulait pleurer, et que si Matat ne le lui permettait pas, Il se cacherait dans un endroit où Matat ne pourrait pas entrer et continuerait à pleurer seul.
Quelle est la profondeur de ce midrach? Quelle honte y a-t-il à ce qu'Hachem pleure, et que signifie le fait que Matat ait proposé de pleurer pour lui et qu'Hachem se soit caché?
Hachem ressent la douleur de chaque juif. Lorsqu'un juif souffre, Hachem souffre avec lui et ressent sa douleur, littéralement.
Si cela est vrai, comment se fait-il que la souffrance d'un juif demeure? On pourrait imaginer que si quelque chose blessait le roi, il le détruirait (Hachem peut tout faire!). Comment notre douleur peut-elle continuer à nous blesser si elle blesse également le Roi?
L'idée est qu'Hachem ne se contente pas de souffrir avec nous, mais qu'Il souffre plus que nous.
Quelle que soit l'intensité de notre souffrance, nous sommes limités, et donc notre douleur l'est aussi.
Hachem est infini et, par conséquent, Sa souffrance est également infinie.
Nos capacités limitées ne nous permettent pas de comprendre l'étendue de la douleur d'Hachem lorsque nous souffrons. Chaque fois qu'un juif souffre, Hachem souffre infiniment puisque Sa douleur, comme Lui, est sans limite.
Cela étant, Sa douleur est tout simplement trop grande pour ce monde fini.
Hachem pleure, mais ses larmes ne peuvent entrer. Il pleure, mais Son cri infini n'a aucun effet sur ce monde fini.
C'est ce que l'ange Matat a exclamé comme étant honteux. Comment le Roi peut-il pleurer de douleur et pourtant Sa souffrance continue? Il est honteux que le Créateur du monde soit blessé, et continue d'être blessé, par le monde même qu'Il a créé.
Matat a proposé de pleurer à la place d'Hachem. Le travail d'un ange est de faciliter l'entrée de l'influence infinie d'Hachem dans ce monde fini. Matat a proposé de le faire et d'éradiquer ainsi la source de la souffrance d'Hachem.
Mais Hachem n'a pas voulu cela. Si Matat avait pleuré pour Hachem, les larmes d'Hachem auraient effectivement pénétré dans le monde et détruit la source de la douleur.
Mais il n'était pas temps de mettre fin à la souffrance du peuple juif. Hachem était prêt à souffrir, infiniment, pour notre bien.
Hachem dit à Matat qu'il se cacherait dans une chambre intérieure où personne ne pourrait le voir, et qu'il pleurerait dans la solitude. De cette façon, ses pleurs ne seraient pas honteux.
Et aujourd'hui, Hachem réside dans cette chambre intérieure, pleurant sur le Temple détruit et sur la douleur de chaque juif.
Cependant, nos Sages (Shabbath 88a) révèlent qu'Hachem n'est pas seul dans sa chambre intérieure. La Torah est appelée " 'hemdaé génouza", un trésor caché. Où est-il caché?
Dans la chambre intérieure d'Hachem. Hachem est isolé avec la Torah dans sa chambre intérieure, pleurant seul.
La Torah est le moyen d'accéder aux larmes d'Hachem et de les canaliser dans notre monde fini. Plus nous nous efforçons d'observer la Torah, plus nous créons un pont, un canal, entre Sa chambre intérieure et notre monde, à travers lequel Ses larmes peuvent couler.
Le monde fini ne peut supporter Sa douleur et Ses larmes infinies. Comme le goutte-à-goutte d'un tube intraveineux, les larmes d'Hachem pénètrent dans ce monde par le canal, que nous créons et débarrassent le monde de la source de Sa souffrance, notre souffrance, puisqu'Il a mal parce que nous avons mal.
Celui qui s'efforce d'observer la Torah débarrasse le monde de la souffrance, et chaque tentative affecte le monde.
Même si quelqu'un n'a rien accompli d'autre dans sa journée, s'il a essayé d'avoir de la émouna, de faire des prières, d'être agréable aux autres, d'étudier la Torah (et d'accomplir les mitsvot), ... Il ne s'agit pas d'une existence inutile.
L'essentiel est d'essayer, d'essayer encore et de continuer à essayer. Plus on essaie de se rapprocher de la Torah, plus le canal de la chambre d'Hachem s'élargit, et plus la douleur dans ce monde s'atténue.
La guémara (Taanit 15a) dit que la coutume lors d'un jour de jeûne, était de sortir le Aron haKodech, l'Arche dans laquelle les rouleaux de la Torah sont conservés, de la synagogue dans la rue et de prier près de lui.
Le Zohar (vol.3,71a) écrit qu'en cas de calamité, ils allaient encore plus loin et sortaient la Torah de l'Aron pour prier à côté d'elle. La raison en est qu'en temps de calamité, la Torah est la clé de notre salut, de notre délivrance.
La Torah est avec Hachem dans Sa chambre cachée, et à travers la Torah, les larmes d'Hachem sont canalisées, et le monde souffre moins.
Apprendre à considérer ses tentatives de croissance comme des éléments constitutifs d'un monde meilleur peut aider à changer la perspective de l'existence, qui n'est plus inutile, mais profondément significative et pleine de sens.
Alors que la journée peut être remplie de souffrance et qu'il faut y faire face, les tentatives d'évoluer malgré cela changent littéralement le monde d'une manière très réelle, peut-être d'une manière que peu d'autres personnes peuvent faire. En effet, une telle vie est tout sauf inutile.
[rav Kalonymos Kalman Shapira - le rabbi de Piaseczno - Aish Kodech - Michpatim (Shékalim) 5702 (1942) ]
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-> Il peut être difficile de comprendre comment, d'une part, Hachem ressent et connaît la souffrance de chaque juif, mais d'autre part, Il souffre infiniment lorsqu'un juif souffre. S'Il souffre infiniment, Il ne ressent pas vraiment ce que nous ressentons, Il souffre infiniment alors que nous souffrons finiment.
Néanmoins, Il ressent notre douleur et sait exactement ce que nous traversons, malgré le fait que notre douleur soit finie. Comprendre comment cela fonctionne, c'est comme essayer de saisir n'importe quel détail d'Hachem et de l'infini, c'est totalement hors de portée.
-> Le rabbi de Piaseczno dit : "Lorsqu'un homme (juif) souffre, que dit la Chékhinah? Malheur à ma tête. Malheur à mon bras ... (guémara 'Haguiga 15b). Et dans les livres saints, il est dit que bien plus qu'un juif(ve) ne souffre, Hachem souffre, pour ainsi dire, de la souffrance que cette personne endure.
Et peut-être [la raison pour laquelle Il souffre plus est] que puisqu'Il est infini ... par conséquent, Sa souffrancedue aux problèmes d'Israël est également infinie".
-> L'ange Matat, est une forme abrégée de son vrai nom, conformément à l'instruction du Arizal (chaar Hamitsvot - Chemot 11b) de ne pas se référer aux anges par leur nom complet, à l'exception de ceux dont les noms sont également des noms de personnes (voir Kav HaYachar 56).
Les anges sont les êtres qui permettent à l'influence infinie d'Hachem de pénétrer et d'affecter ce monde fini (voir Ram'hal - Adir Bamarom).
C'est exactement ce que Matat propose de faire.
-> Selon le rabbi de Piaseczno : "Puisque Sa douleur [à Hachem], pour ainsi dire, est infinie et plus grande que le monde, elle est par conséquent incapable d'entrer dans le monde [fini], et le monde n'en est pas ébranlé [c'est-à-dire Sa douleur]."
-> En ce sens, le rabbi de Piaseczno dit également :
"[Si les larmes d'Hachem entraient dans le monde,] le monde entendrait Ses cris et exploserait. L'étincelle de Sa douleur pénétrerait dans le monde et Ses ennemis seraient consumés.
... [on voit que malgré la souffrance d'Hachem sur notre grande souffrance dans l'exil actuel, le monde continue d'exister.] La raison en est que Sa douleur infinie est trop grande pour entrer dans ce monde fini. C'est pourquoi l'ange dit : "Je pleurerai pour Toi, et Tu n'auras plus besoin de pleurer" (l'ange serait le conduit pour canaliser les larmes d'Hachem dans ce monde fini, détruisant la douleur, la souffrance, qui cause Ses larmes, la douleur que nous traversons,] à ce moment-là, Hachem n'aurait plus besoin de pleurer."
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-> La guémara (Shabbath 88a) ne dit pas que la Torah est cachée dans la chambre intérieure d'Hachem, mais seulement qu'elle est une 'hemda génouza, un trésor caché.
Le rabbi de Piaseczno fait référence à ce qu'il a écrit dans la paracha précédente (dans son livre Aich Kodech - Yitro 5702), où il déduit l'emplacement de la Torah du fait que la guémara l'appelle un "trésor caché" plutôt que de dire qu'elle est cachée dans un beit guéniza, une "cachette".
La différence est que quelque chose appelé 'hemda guénouza est essentiellement caché, au-delà de ce monde par sa nature même, et non pas rangé dans un beit guéniza, qui ne fait que le dissimuler à l'œil.
Le midrach dit ici que l'endroit où Hachem "va" parce qu'Il est infini et au-delà de ce monde, essentiellement, c'est dans Sa chambre intérieure. Par conséquent, c'est là que doit se trouver la Torah, puisqu'elle est également cachée.
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-> "gam ki élé'h bégué tsalmavét" =même si je marche dans la vallée de l'ombre de la mort,
"lo ira ra = je n'ai pas peur du mal qui est ici.
Il y a cependant une chose qui est tout simplement trop difficile à supporter : "ki ata imadi" = que Toi, Hachem, Tu es avec moi dans cette déchéance, dans ma douleur, et que Tu es lié à moi dans ce exil humiliant ...
Que la Chékhina doive souffrir d'une telle indignité et d'une telle bassesse (par ma faute).
[rabbi Israël de Rouzhin - sur le Téhilim 23 ]
[à un niveau individuel comme collectif, notre principal souffrance vient du fait que nous entraînons Hachem à en souffrir également.
(de même lorsque nous fautons nous causons de la peine à Hachem qui voit les dégâts dans tous les mondes et les réparations nécessaires (en éloignement dans le monde à Venir et en souffrance par exemple, sauf téchouva). A l'inverse, lorsque nous faisons Sa volonté, nous Lui générons de la joie et de la fierté. ]