"Et tu viendras ... chez le juge en fonction à ton époque" (Choftim 17,9)
-> Rachi d'expliquer : "Même s'il n'est pas à la hauteur de ses prédécesseurs, tu dois l'écouter!
Tu ne dois pas considérer que le juge qui t'est contemporain"
-> "Bien qu'une 'génération s'en aille et qu'une génération lui succède' (Kohélet 1,4), ne dis pas : 'Si Rabbi Akiva était vivant, je me serais assis pour étudier avec lui' "
[midrach Kohélet rabba 1,4]
A chaque génération, il n'y a pas mieux, pour chacun de nous, que l'influence des rabbanim de notre génération.
Nous allons b"h développer cette notion importante.
-> "Pourquoi les noms des 70 anciens [d'Israël - qui composaient le grand Sanhédrin à l'époque de Moché] n'ont-ils pas été révélés?
Pour ne pas susciter chez les gens des réflexions [à propos des membres du beit din de leur époque) telles que : 'Untel ressemble t-il à Moché ou Aharon [pour que je l'écoute]?
Untel ressemble t-il à Nadav et Avihou?' "
[guémara Roch Hachana 25a]
-> "Après avoir été nommé chef de communauté, même le plus insignifiant doit être respecté et écouté comme s'il était le plus éminent"
[guémara Roch Hachana 25a]
-> Au sujet du verset ci-dessus (Choftim 17,9), il est également écrit :
"Peut-il venir à ton esprit qu'un homme puisse aller auprès d'un juge qui ne vit pas à son époque?
Donc (c'est pour te dire) qu'il n'y a pas mieux pour toi que les juges de ta génération."
[guémara Roch Hachana 25b]
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-> "Et Yéoyada était le supérieur d'Aharon" (Divré haYamim I 12,27)
Le midrach (Kohélet rabba 1,4) de commenter :
"Est-ce que Yéoyada était le supérieur d'Aharon?
C'est en fait, pour nous dire que si Aharon était demeuré vivant à l'époque de Yéoyada, ce dernier aurait été plus grand qu'Aharon à cet instant.
[...]
Si Aharon et ses fils vivaient à la même époque que Tsadok, ce dernier aurait été supérieur à eux, à son époque."
=> Ainsi, Aharon, qui a un niveau très supérieur à celui de Yéoyada, s'il venait à vivre à cette génération, il ne lui aurait pas été supérieur car ce n'est pas la sienne.
Des propos du type : "J'aurai été prêt à étudier avec les rabanim des générations antérieurs, mais avec ceux de ma génération, de niveau plus bas, je ne suis pas prêt!", proviennent du yétser ara.
Au contraire, à chaque génération, on doit apprécier et s’imprégner de nos Sages, car il n'y a pas mieux qu'eux pour nous.
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+ L'impact du rav :
-> Quand Rabbi Eliézer est tombé malade, ses plus éminents élèves sont venus lui rendre visite, et se sont exprimés de la façon suivante :
"Rabbi Tarfon lui dit : Tu es plus précieux pour Israël que les gouttes de pluie ...
Rabbi Yéhochoua lui dit : Tu es plus précieux pour Israël que le disque solaire ...
Rabbi El'azar ben Azaria lui dit : Tu es plus précieux pour Israël que père et mère ..."
[guémara Sanhédrin 10a]
Rabbi 'Haïm Chmoulévitch (Si'ha 82) de commenter le fait qu'il est comparé :
-> à la pluie : les graines et les noyaux enfouis dans la terre ont besoin de l'influence de la pluie pour se développer et donner des fruits mûrs ; de même, notre âme enfouis dans notre corps a besoin de l'influence du rav pour se développer et révéler ses qualités supérieurs.
-> au soleil : il assure par son rayonnement la croissance des végétaux ; de même le rav, permet par son rayonnement de Torah le développement de ses élèves.
Le rav illumine aussi le chemin de ses élèves, leur épargnant tout écueil, leur retirant leurs doutes et les éclairant dans la loi (halakha) et la voie à suivre.
-> à un père et à une mère : sans la protection des parents et les sacrifices consentis pour leurs enfants, ces derniers auraient été malheureux, désorientés et sans force. De même, le rav doit se sacrifier pour ses élèves, doit être attentionné et faire preuve de patience avec ses élèves, qu'il se doit de supporter comme une maman avec son nourrisson.
[ A ce sujet, la guémara (Sanhédrin 8a) rapporte en effet :
"Il s'agit d'un avertissement aux juges (et au rav) afin qu'ils supportent la (charge de la) communauté. Jusqu'à quel point?
'Comme le nourricier porte le nourrisson' (Bamidbar 11, 12 - à propos de Moché). " ]
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+ L'attachement à son rav :
1°/ Par la vision :
-> "Rabbi dit : Si j'ai l'esprit plus pénétrant que mes compagnons d'étude, c'est que j'ai (souvent) vu Rabbi Méïr (mon maître) de dos ...
Et s'il m'avait été donné de voir Rabbi Méïr de face, mon esprit aurait été encore plus pénétrant!"
[guémara Erouvin 13b]
-> "Rabbi Yo'hanan et Rech Lakich disaient : Nous, nous n'avons bénéficié d'une bonne compréhension de la Torah que parce que nous observions le doigt (l'index) de Rabbi."
[Bétsa 5 - Halakha 2]
-> Rabbi 'Haïm Chmoulévitch (Si'ha 26) rapporte que par sa vision, l'âme de l'élève s'attache à celle de son maître et ce lien profond confère à ce dernier le pouvoir de mieux rayonner sur son élève et de lui transmettre le flux de spiritualité qu'il reçoit lui-même du Ciel.
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2°/ Par l'annulation, le respect et la crainte :
-> "Lorsque Moché (seul) parlait (aux peuple d'Israël), Aharon tendait son oreille pour écouter avec crainte, ... comme s'il avait entendu (le message) de D. lui-même"
[Yalkout Chimoni - 191]
Rabbi 'Haïm Chmoulévitch (Si'ha 26) commente que plus l'élève s'annule devant son rav, plus il pourra progresser et se rapprocher du niveau de Torah de son maître.
-> Rava déclare : "Qu’ils sont stupides ces hommes qui se lèvent devant un rouleau de la Torah, et non devant le disciple d’un Sage qui est un rouleau de la Torah vivant."
[guémara Makot 22b]
-> "Lorsque Rava quittait (son maître) Rav Yossef, il sortait à reculons, si bien que ses pieds heurtaient le seuil et du sang coulait.
On raconta à Rav Yossef (aveugle) comment se comportait son élève à son égard, et il le bénit : 'Plaise à D. que ta tête domine toute la ville' "
[guémara Yoma 53a et 53b]
-> "Même dans le monde à venir, D. rendra honneur à ses sages"
[midrach Vayikra rabba 11,8]
=> Si même D. rendra honneur aux sages dans le monde de vérité, alors pourquoi pas nous dès maintenant, dans le monde du libre arbitre?
-> "Que la crainte (ou la vénération) vis-à-vis de ton maître soit aussi grande que la crainte (ou la vénération) envers D." (Pirké Avot 4,12)
=> Plus un élève respectera son maître, plus il donnera du "poids" à ses paroles et donc à Hachem.
-> "Réchauffe-toi au feu des sages, mais fais attention à leur charbon ardent pour ne pas te brûler, car leur morsure est celle d'un renard, leur piqûre est celle d'un scorpion et leur sifflement est celui d'un dragon" (Pirké Avot 2,10)
De même qu'il est dangereux de s'approcher trop près d'un feu, au risque de se brûler, n'approche pas de trop près les sages au risque de leur manquer de respecter.
En effet, lorsque l'on a trop de proximité et de familiarité, on en vient à considérer notre maître comme un "pote", un bon ami, ce qui fait qu'on en oublie la crainte qu'on doit avoir avec lui.
A l'image de D., qui est à la fois : "avinou" (notre père) mais également "malkénou" (notre Roi).
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3°/ Par la fidélité à ses paroles :
-> Rabbi Eliézer témoigne : "Je n'ai jamais prononcé une parole (de Torah) que je n'ai pas entendue de la bouche de mon maître."
[guémara Soucca 28a]
-> Il est pourtant écrit : "Rabbi Eliézer étudiait et commentait des paroles de Torah qu'aucune oreille n'avait jamais entendues" (Avot déRabbi Nathan 6,3)
=> Comment comprendre cette contradiction apparente?
Rabbi 'Haïm Chmoulévitch (Si'ha 26) de répondre qu'il ne faisait aucun commentaire, ni ne tranchait aucune nouvelle loi, sans être convaincu après réflexion que son maître en aurait été d'accord.
Mais s'il avait le moindre doute, il se retenait de transmettre son nouvel enseignement.
Ainsi, un élève doit réfléchir et se demander : "Qu'aurait dit mon maître? Comment aurait-il agit? Comment l'aurait-il expliqué?"
Il faut se conformer à son maître dans sa réflexion et ses actions.
=> Le maître enseigne essentiellement à ses élèves un regard de vérité sur les paroles de nos sages et une conception juste du monde qui nous entoure, conforme à l'esprit de la Torah, transmise de maître à élève depuis Moché, sans interruption, ni déformation.
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4°/ Par la fréquentation :
-> "La fréquentation (du rav) est supérieure à l'étude de la Torah (qu'on reçoit de lui)"
[guémara Béra'hot 7b]
-> Rabbi 'Haïm Chmoulévitch (Si'ha 26) de dire magnifiquement :
"La seule voie qui mène au véritable développement spirituel de l'élève, c'est sa communication avec son rav et sa fréquentation qui produiront plus d'effets que les paroles de Torah entendues de la bouche de son maître.
Un élève doit être très attaché à son rav pour recevoir le rayonnement de Torah depuis le Ciel, par le canal du rav et pour intégrer et comprendre la façon d'étudier de son maître."
-> "Yéhochoua bin Noun, son jeune serviteur, ne quittait pas l'intérieur de sa tente (de Moché, son maître)" (Ki Tissa 33,11).
On rapporte également (Michpatim 24,13) qu'il a campé, tout seul, pendant 40 jours au pied de la montagne, à la limite qu'on ne pouvait franchir, afin de pouvoir accueillir son maître Moché au plus tôt, dès sa descente, et ne pas perdre une seconde en sa compagnie, lui permettant d'absorber le flux de Torah que lui déverser sa proximité avec son rav (Moché).
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-> "Même si un homme a lu la Torah et étudié la michna, mais n'a pas côtoyé les sages, c'est (néanmoins) un ignorant (am aarets)"
[guémara Béra'hot 47b - les élèves de Rabbi Méïr]
+ Bonus (b"h) :
Pour information, cette guémara pose la question : Comment définir un ignorant (am aarets)?
Voici les 6 réponses qui y sont rapportées :
-> celui qui ne lit pas chaque jour le Shéma Israël (selon Rabbi Eliézer) ;
-> celui qui ne met pas ses téfilin tous les jours (selon Rabbi Yéhochoua) ;
-> celui qui ne porte pas de franges (tsitsit) à son habit (selon Ben Azaï) ;
-> celui qui ne place pas de mézouza à ses portes (selon Rabbi Nathan) ;
-> celui qui ne fait pas étudier la Torah à ses enfants (selon Rabbi Nathan ben Yossef) ;
-> celui qui étudie seul, sans fréquenter les sages (selon les élèves de Rabbi Meïr).
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-> "La vie des sages et de ceux qui recherchent la sagesse, sans étude de la Torah, est considérée comme la mort."
[Rambam - Rotséa'h 7,1]
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+ Tsadikim & renouvellement du monde tous les 70 ans :
-> "Le secret du caroubier, le monde qui est détruit" ("sod ilan 'harouvin alma dé'harouva" - rabbi 'Haïm de Volozhin - Roua'h 'Haïm sur Pirké Avot 3,1)
Qu'est-ce que cela signifie?
b'h, Nous allons voir une réponse enrichissante du rav Israël Reisman.
Tous les 70 ans, qui est la durée de vie moyenne d'un caroubier (guémara Taanit 23a), Hachem fait changer fondamentalement le monde.
Cela est en allusion dans l'enseignement de la guémara (Ména'hot 44a) rapportant que le 'hilazon, une créature aquatique dont le sang était utilisé pour créer la couleur bleue du té'hélét (fils) des tsitsit, émergeait de la mer une fois tous les 70 ans.
La guémara (Ména'hot 43b) dit que le té'hélet de couleur bleue, a pour but de nous renvoyer à l'eau de la mer et au Ciel (bleus également), et cela a pour objectif de nous rappeler le Trône de Gloire de Hachem (kissé hakavod).
Par ailleurs, le rav Reisman enseigne que l'apparition du 'hilazon tous les 70 ans, a pour but de nous signifier que la perception et le service Divin sont modifiés fondamentalement toutes les 70 années.
La guémara (Taanit 23a) nous rapporte que 'Honi haMéagel a dormi pendant 70 années. A son réveil, il s'est rendu dans une maison d'étude (beit midrach), où il a entendu des Sages disant : "Ces halakhot sont aussi claires que celles pendant les années de 'Honi haMéagél, car lorsque ce dernier entrait dans un beit midrach, il résolvait aux Sages toutes les difficultés qu'ils pouvaient avoir."
'Honi leur a dit : "C'est moi 'Honi!", mais ils ne l'ont pas cru, et ils ne lui ont pas témoigné le respect dû, comme c'était le cas auparavant. 'Honi en a été bouleversé, et il en est mort.
Comment comprendre qu'il ne leur a pas prouvé son identité en partageant ses connaissances hors norme? Comment comprendre qu'il en soit mort?
En se basant sur l'enseignement du rav 'Haïm de Volozhin, le rav Reisman, dit que chaque génération à une approche et un lien unique avec la Torah, puisqu'adoptant le style qui correspond le mieux à la personnalité et aux forces du moment (D. modifiant fondamentalement le monde tous les 70 ans).
C'est pourquoi, lorsque 'Honi est revenu dans un bét midrach 70 années plus tard pour parler de Torah avec les rabbanim, il s'est rendu compte que le monde avait changé, et il était alors si bouleversé de constater à quel point il ne faisait pas partie de ce nouveau monde, qu'il en est finalement mort.
=> Ce divré Torah du rav Reisman vient bien illustrer l'idée que chaque génération ("La durée de notre vie est de 70 ans" - Téhilim 90,10) a une approche unique de la Torah, puisque Hachem fait changer fondamentalement le monde tous les 70 ans.
Il en découle que les maîtres de nos générations sont véritablement les plus appropriés, qu'il n'y a pas mieux pour nous.
[à l'image du géant en Torah : 'Honi haMéagel qui 70 ans plus tard, n'était plus en adéquation, ne se sentait plus pouvoir répondre aux besoins de la nouvelle réalité du moment que D. a pu mettre en place.]