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"Noa’h, homme de la terre, s’avilit et planta une vigne. Il but de son vin et s’enivra, et il se mit à nu au milieu de sa tente" (Noa'h 9,20-21)

-> À la fin du déluge, quand Noa’h rejoignit la terre ferme, il dut entreprendre une tâche décourageante, celle de reconstruire le monde. Il commença par planter une vigne.
Rachi explique : Lorsqu’il était entré dans l’arche, il avait emporté des rameaux de vigne et de figuier.
Certains commentateurs disent que le problème du vin est qu’il peut être très néfaste s’il est mal utilisé, comme ce fut le cas lors de cet incident. Par conséquent, ils estiment que Noa’h aurait dû planter quelque chose qui provoque moins de dégâts que le vin.
De plus, certes Le vin peut grandement réjouir l’individu et l’aider à se sentir plus proche d’Hachem, mais Noa’h aurait dû commencer par quelque chose de plus nécessaire à la reconstruction du monde.

Cependant n’oublions pas que Noa’h était un grand tsadik, on ne peut donc pas interpréter son erreur de manière superficielle.
=> Comment comprendre son attitude?

-> Le Yalkout Chimoni (Noa'h 9,20) explique que lorsque Noa’h but du vin, il ressentit une grande joie.

Le rav Méir Rubman (Zikhron Méir) précise que quand Noa’h regagna la terre ferme, il fit face à une destruction absolue, le monde dans lequel il avait vécu était complètement anéanti et tout être vivant avait disparu.
Il se sentit accablé et découragé par cet horrible spectacle. Il savait que de tels sentiments ne l’aideraient pas à redonner au monde un aspect spirituel, parce que la Présence Divine ne réside que lorsque l’on est joyeux d’accomplir la volonté d’Hachem (selon la guémara Shabbat 30a).

Sachant que le vin avait la capacité de réjouir les gens, il décida de planter une vigne et d’en utiliser le fruit pour faire descendre la Présence Divine sur terre.
Cette explication pose néanmoins une difficulté : si ses intentions étaient louables, pourquoi ses actions provoquèrent-elles tant de dégâts?

-> Le rav Sim’ha Wasserman explique qu’il avait d’autres motifs, moins nobles, qui l’incitèrent à commencer à reconstruire le monde par la plantation de vigne.
Devant une telle désolation, Noa’h éprouva le besoin de s’égayer et de sortir de l’horrible situation à laquelle il était alors confronté. Par conséquent, il choisit de planter une vigne, et son vin lui permettrait d’échapper au terrible malheur qu’il vivait.
Ce choix fut considéré comme un échec pour quelqu’un du gabarit de Noa’h et il eut donc des conséquences négatives. Nos Sages ('hazal) le critiquent et affirment qu’il aurait dû chercher à reconstruire plutôt qu’à fuir.
Rav Wasserman note que nos Sages ne disent pas que Noa’h a commis une grave faute, mais qu’il fit quelque chose de "‘hol" (de la racine "vaya’hel", terme employé pour évoquer l’erreur de Noa’h), un manque de pureté et de grandeur.

[le verset (v.9,20) commence par : "vaya'hel (וַיָּחֶל) Noa'h", que Rachi commente : Vaya'hèl ("commença") [à rapprocher de ‘houlin ("œuvre profane")] veut dire qu’il s’est profané lui-même, car il aurait dû commencer par planter autre chose. ]

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-> Noa’h, homme de la terre se dégrada ; il planta un vignoble" (Noa'h 9,20)

-> Le midrach (Béréchit Raba 36,3) rapporte que Rav Bera’hia dit : "Moché est plus apprécié que Noa’h ; Noa’h passa de l’appellation "Ich Tsadik" à celle de "Ich Adama", tandis que Moché passa de "Ich Mitsri" à "Ich Élokim"."

-> La Torah nous raconte qu’en sortant de l’arche, Noa’h planta une vigne. Elle le décrit alors comme un "Ich Adama" (un homme de la terre). Nos Sages expliquent qu’après avoir planté cette vigne, il s’enivra en en buvant le vin, ce qui provoqua les événements tragiques menant à la malédiction de son fils ’Ham.
=> Comment se fait-il que Noa’h subit une chute spirituelle si rapide et passa du "Ich Tsadik" au "Ich Adama"?

-> Le Messé'h 'Hochma fait remarquer d'un côté qu'il faut faire attention que notre temps et énergie consacrés à autrui ne viennent pas nuire à notre croissance et à notre développement personnel.
Mais d'un autre côté, il rapporte un midrach (Béréchit rabba 36,3) qui dit qu'au début Noa'h était vu comme un juste parfait (Noa'h 6,9 - "ich tsadik"), mais le fait de focaliser sa vie que sur lui-même (ex: se concentrant que sur sa propre spiritualité, sans selon le Sforno chercher à faire connaître Hachem et Ses voies à ses contemporains) va le transformer en un homme de la terre (Noa'h 9,20 - "ich aadama").
A l'inverse Moché est décrit au début comme un égyptien en exile (Chémot 2,19 - "ich mitsri"), mais ses efforts pour le peuple juif vont l'élever au sommet de la perfection, lui faisant mériter le titre de : homme de D. (Dévarim 33,1 - "ich aElo'im").
=> Cela nous apprend que l'on ne perd jamais à faire du 'hessed à autrui.

-> Rav Leib Helman (dans son 'Hikré Lev) parle de ce sujet. Pour comprendre les actions de Noa’h à sa sortie de l’arche, il convient de considérer l’immense difficulté de sa situation dans l’arche, durant toute la période du déluge.
Tout d’abord, le midrach Tan’houma raconte que Noa’h et ses fils étaient tenus de nourrir tous les animaux présents dans l’arche. Or, ces derniers mangent à des horaires différents ; certains mangent au milieu de la nuit, d’autres en journée. Donc, Noa’h devait constamment rester réveillé pour nourrir les animaux. L’unique fois où il arriva en retard pour donner au lion son repas, ce dernier le griffa, ce qui lui laissa une blessure à vie.
Noa’h ne pouvait espérer dormir que quelques minutes, par intermittence, durant une année entière. Nos Sages affirment d’ailleurs que les mots du Téhilim : "Fais-moi sortir de la geôle de mon âme" furent prononcés par Noa’h durant cette période éprouvante.

Rav Helman ajoute une 2e facette, moins apparente, à la souffrance de Noa’h. Rachi estime que Noa’h et sa famille ne savaient pas combien de temps ils allaient devoir rester dans l’arche et ils ne savaient même pas s’ils allaient survivre au déluge.
En effet la Torah affirme qu’"Élokim se souvint" (Noa'h 8,1). Rachi explique que l’attribut du Jugement divin (Élokim) se transforma en miséricorde grâce aux prières des tsadikim dans l’arche. Sans ces prières, ces derniers auraient péri.
De plus, avant le déluge, Hachem dit : "J’établirai Mon alliance avec toi. Tu entreras dans l’arche" (Noa'h 6,18). Le Ramban explique que cette alliance est une référence à la promesse que Noa’h et sa famille survivraient au déluge et sortiraient vivants de l’arche. Cependant, Rachi explique l’alliance de manière tout à fait différente : c’est une promesse que les fruits ne pourriraient pas et que les Réchaïm ne tueraient pas Noa’h.
Ainsi, selon Rachi, Noa’h et sa famille ne savaient absolument pas s’ils allaient survivre au déluge.

Cette interprétation intensifie exponentiellement les souffrances de Noa’h. Une épreuve est bien plus difficile à traverser si l’on ne connaît pas son dénouement. Quand l’individu est certain que son épreuve va prendre fin, elle devient beaucoup plus facile à supporter, même si elle doit durer longtemps.

Revenons à la question posée précédemment : pourquoi Noa’h planta-t-il une vigne dès qu’il regagna la terre ferme?
Il traversa une période pleine de difficultés, il vécut parmi des réchaïm qui se moquaient de lui sans pitié, puis il passa un an de véritable enfer, sans même savoir s’il allait s’en sortir. De plus, Noa’h pouvait se dire qu’il avait particulièrement bien rempli sa vie : il était le fondateur du monde, l’unique personne qui avait mérité la vie sauve.
Dans un pareil cas, il est compréhensible de penser qu’il est temps de profiter de ce monde. C’est ainsi que Noa’h planta une vigne et se mit à jouir de son vin.
Le rav Helman soulgine que toutefois, il commit une erreur, ce monde est un lieu de labeur et c’est dans le monde à venir que l’on profite de notre travail. Même à la fin de sa vie, l’homme n’a pas le droit de penser qu’il ne lui est plus nécessaire de fournir des efforts et de s’efforcer de grandir.

Rav Helman ajoute que selon lui, Noa’h inventa le concept de la "retraite", adopté ensuite par ses descendants (les Bné Noa’h), mais non par le peuple juif.
Rav Yissa'har Frand précise : "Il existe une pratique courante, presque universelle ; celle de prendre sa retraite une fois que l’on termine sa mission. C’est un concept inventé par les fils de Noa’h et qui débuta par Noa’h lui-même. Ce fut le cadeau de Noa’h dans ce monde : l’idée de la retraite. Ses descendants suivirent sa voie. Si vous êtes chanceux, vous pouvez vous mettre à la retraite à 62 ans et à 66 ans, vous pouvez bénéficier d’une retraite à taux plein. Si vous êtes millionnaire, vous pouvez prendre votre retraite dès 54 ans, et ainsi de suite. Quoi qu’il en soit, à un certain moment, vous prenez votre retraite. Et ensuite, que faites-vous? Aucune idée! Vous pouvez voyager à travers le pays, lire le journal, apprendre à jouer au bridge. Mais ce n’est pas ce que le Maître du monde attend de vous, ni d’aucun être humain. La retraite est un concept auquel le juif ne devrait jamais penser. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut jamais s’arrêter de travailler. Mais il ne faut pas adopter cette attitude et se dire : "Ça y est! J’ai terminé, je peux m’asseoir et me détendre, sans rien faire, à partir de maintenant"."

=> Noa’h nous enseigne qu’un juif, en dépit des défis qu’il rencontre au cours de sa vie ainsi que des succès qu’il accumule, ne doit jamais se dire : "Je peux prendre ma retraite". [tant qu'il y a de la vie, tant qu'on a des forces, on doit les employer à davantage se rapprocher de D. en faisant sa volonté.]

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