+ Ben haMétsarim (période entre le 17 tamouz et le 9 Av) :
-> La guémara (Shabbath 31) dit que lorsqu'un personne est niftar (décédée), l'une des premières questions que le ciel lui posera est : "tsipita lichoua" = As-tu espéré dans la venue imminente du machia'h?
-> Rabbi Yaakov Emden (Siddour Beit Yaakov, Ticha béAv 6,16) écrit :
"Si notre seul péché était de ne pas pleurer Jérusalem [et la reconstruction du Temple], cela seulement suffirait à prolonger notre exil.
À mon avis, c'est la cause première de toutes les terribles destructions, qui dépassent l'entendement, qui nous arrivent pendant l'exil. Nous sommes poursuivis et nous n'avons pas la paix ... Tout cela parce que le deuil a quitté nos cœurs. "
-> Le Magan Avraham (551,45) écrit : "Le Arizal a enseigné que l'on doit se lamenter pendant ces jours [des 3 semaines] après midi et pleurer pendant environ une demi-heure".
[ainsi, dans la yéchiva du 'Hatam Sofer, il récitait le tikoun 'hatsot, tous ensemble, et prenaient le deuil de la destruction du Temple l'après-midi des 3 semaines. ]
[d'une certaine façon, nous ne pleurons pas spontanément de tout notre coeur la destruction de Jérusalem, parce que nous ne le ressentons pas (pris dans nos problèmes du quotidien), mais en réalité c'est justement par qu'au début nous nous en forçons, parce que nous développons notre sensibilité et notre connaissance du manque occasionné par cette perte du Temple, par le fait que Hachem et Son honneur sont en exil, que nous pourrons alors prendre le deuil au fond de nous même. ]
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-> Pendant les 3 semaines, un certain tsadik rendit visite au Sfat Emet.
"Qu'est-ce qui vous amène ici? Vous vivez très loin d'ici!" demanda le Sfat Emet.
Le tsadik expliqua : "La tradition de ma famille est de voyager pendant les 3 semaines. Hachem est, si l'on peut dire, en galous, et c'est donc notre coutume d'aller en galous aussi, pendant cette période".
Le Sfat Emet répondit : "L'essentiel est de se rappeler que nous ne sommes pas chez nous".
Le Sfat Emet voyageait rarement, mais il se rappelait souvent qu'il n'était pas chez lui.
Nous ne sommes pas là où nous devrions être. Cette réalité ne devrait jamais notre conscience. [Hachem exil confortable]
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+ Une période de proximité particulière avec Hachem :
-> "Ses persécuteurs/poursuivants, tous ensemble, l'ont atteint entre les étroites barrières" (kol rodféa ichigoua ben amétsarim - Eikha 1,3).
-> Le Maguid de Koznitz (Avodat Yisrael - Pirké Avot 2,14) écrit :
"kol rodféa" (כל רודפיה) signifie כל רודף י"ה = tout celui qui poursuit Hachem
ichigoua (השיגוה) = peut atteindre un lien avec Hachem,
"ben amétsarim" (המצרים בין) = pendant la période de bein hamétsarim, car durant ces jours, il est plus facile pour une personne de se rapprocher d'Hachem que le reste de l'année.
Il est intéressant de noter que ce n'est pas ce que nous supposons. Nous pensons que pendant ces jours de deuil, nous sommes éloignés d'Hachem, alors qu'en réalité, c'est pendant cette période de l'année que nous avons le plus de chances, de facilité de nous rapprocher d'Hachem.
Le Maguid de Koznitz nous donne un indice à ce sujet dans le verset : éhéyé acher éhéyé" (אהי"ה אשר אהי"ה - Je serai qui Je serai - Chémot 3,14), la guématria de אהי"ה est égale à 21.
Ainsi, le verset peut être traduit : אהי "ה = Hachem dit : "Je serai avec la nation juive, אהיה אשר, pendant les 21 jours de bein hamétsarim".
Pourquoi est-il plus facile de se rapprocher d'Hachem ces jours-ci ?
Le Maguid de Koznitz explique par un exemple (machal) : "Lorsqu'un roi est dans son palais, il est difficile pour les gens de l'atteindre. Des gardes entourent le roi et empêchent les gens de s'approcher.
[De plus, s'il obtient une audience avec le roi, ] il devra lui offrir un cadeau précieux.
Mais lorsque le roi est en voyage, il est facile de l'atteindre, et un petit présent sera aux yeux du roi comme un grand cadeau ... Le roi acceptera le cadeau avec une mine réjouie, et ce parce qu'il est en voyage".
[ainsi, en cette période symbolisant la destruction de la maison sur terre d'Hachem (le Temple), Il est comme sans domicile fixe, et Il nous est donc plus facilement accessible, pour peu que nous le cherchions, que nous Lui exprimions notre tristesse, regret, d'une telle situation tragique par notre comportement. ]
-> Le Magid de Mézréitch rapporte un exemple similaire :
"Lorsqu'un roi sort de son palais et traverse la place du marché et les rues, il est proche de tous ceux qui l'appellent, et il écoute les cris de ceux qui appellent son nom.
De même, nous devons savoir qu'en ce moment [pendant les 3 semaines], à un moment où il est comme un oiseau qui a quitté son nid [Hachem est en exil], chacun a la permission de s'approcher du Roi du monde, et Il répond à tous."
[ainsi, ben amétsarim est un moment propice pour que nos prières soient acceptées. ]
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-> Ailleurs, le Maguid de Koznitz (Avodat Israël - Massé) développe l'importance de l'étude de la Torah pendant ces jours de bein hamétsarim :
"Bien que nous devrions être tristes ces jours-là et pleurer la destruction du Temple, nous devons néanmoins être forts et purifier nos cœurs pour servir Hachem par la Torah et la prière avec joie, en particulier lorsque nous offrons des louanges à Hachem [telles que les pessouké dézimra et autres].
Ceci peut être expliqué par un exemple.
Un roi humain possède de très nombreuses choses qui peuvent le rendre heureux : des chanteurs, des tambours, des danses, des flûtes et des harpes, ...
Lorsque le roi est heureux, il n'a pas besoin des chanteurs et des musiciens. Il est heureux sans eux.
En revanche, lorsqu'il est triste, il fait appel à ses musiciens pour qu'ils chantent et jouent devant lui et le rendent heureux.
Si l'on peut dire, il en est de même avec Hachem. Les anges du ciel chantent et louent Hachem ; cependant, [chaque année] au moment du de la destruction du Temple ('hourban), il y a de la tristesse dans les chambres extérieures, et quelqu'un qui se soucie d'Hachem doit se renforcer et entrer dans les chambres intérieures pour se débarrasser de toute tristesse et rendre le roi heureux."
Ce sont donc des jours où l'on étudie la Torah et où l'on prie Hachem avec joie. C'est une période où nous devons Lui apporter de la joie.
[Hachem se réjouit énormément lorsqu'un juif (quelqu'il soit) étudie la Torah, se tourne vers Lui en prière, et ainsi en cette période difficile on doit être particulièrement vigilant à davantage étudier/prier, et à le faire dans la joie et l'amour d'Hachem. De cette façon, on exprime concrétement notre désir de Le réjouir, de provoquer la reconstruction de Sa maison et le retour d'une relation de grande proximité avec Lui. ]
-> Pendant la Shoa, les gens étaient stupéfaits de voir rabbi Pin'has d'Oustila (le gendre de rabbi Yissa'har Dov de Belz) apprendre la Torah avec une immense assiduité.
Comment pouvait-il mettre de côté toute la douleur et la dévastation [que devait lui provoquer les scènes horribles de la Shoa], et se plonger dans l'étude de la Torah?
Il a répondu : "Les gens ont posé la même question à mon beau-père pendant la Première Guerre mondiale. Les gens ne comprenaient pas comment il pouvait avoir la tranquillité d'esprit nécessaire pour étudier la Torah à ce moment-là.
Il a expliqué que dans les moments difficiles, il est encore plus important d'étudier la Torah.
La Michna dit : "lorsqu'une personne souffre, la Chékhina (Hachem) dit : "J'ai mal à la tête, j'ai mal aux bras". [kalani mérochi kalani mzro'i - guémara Sanhédrin 46a]
J'ai mal aux bras" = ce qui signifie qu'Hachem souffre avec nous. Or, nous vivons à une époque où le peuple,juif est en détresse, et Hachem souffre certainement avec nous.
Il est de notre devoir de rendre Hachem heureux, et rien n'apporte plus de joie à Hachem qu'un juif qui étudie la Torah".
[ainsi, il ne suffit pas de s'attrister sur Jérusalem, mais il faut également rendre joyeux Hachem, particulièrement en cette période du 17 tamouz au 9 Av. ]
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-> Rabbi Aharon de Belz enseigne que lorsqu'un juif apprend la Torah, il n'est pas en exil. C'est la raison pour laquelle on peut manger de la viande et boire du vin lors d'un siyoum pendant les 9 jours (de roch 'hodech Av au 9 Av).
En effet, là où il y a de la Torah, il n'y a pas d'exil.
Le 'Hozé de Lublin dit : la halakha stipule que lors d'une brit mila pendant les neuf premiers jours du mois d'Av, seules 10 personnes peuvent prendre part à la viande et au vin du repas.
[précision : pour les Ashkénazes : dans la semaine du 9 Av, la consommation de viande est permise uniquement pour la famille proche et uniquement pour une dizaine d’autres personnes]
Mais lors d'un siyoum dans les 9 jours, plus de 10 personnes peuvent prendre de la viande et du vin au repas. Il n'y a pas de limite au nombre de participants.
Le 'Hozé explique que la destruction du Temple est apparu parce qu'ils n'étudiaient pas la Torah comme ils le devraient, comme il est dit : " Pourquoi le pays est-il ruiné (et) desséché comme un désert, sans que personne n'y passe? Hachem a dit : "C'est parce qu'ils ont abandonné Ma Torah" (Yirmiyahou 9,11-12).
Lorsque l'on termine une massechta (traité) et fait un siyoum, il répare la racine et la cause de la destruction du Temple ('hourban).
L'odeur de la géoula est dans l'air, et par conséquent, tous les participants peuvent prendre part au repas.
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+ Ben hamétsarim = avoir du deuil ou de la joie?
-> Le Shoulchan Aroukh (561:5) enseigne que "dans ce monde, on ne peut pas remplir sa bouche de rires".
Le Yessod véChorech HaAvodah enseigne que c'est particulièrement le cas pendant les 3 semaines (17 tamouz au 9 av). Cependant, cela ne signifie pas que nous devons être tristes. Un juif doit toujours servir Hachem avec joie.
=> Alors, comment un juif peut-il combiner le deuil avec la joie?
-> Rabbi Shmelke de Nikelsbourg répond par un machal :
Un roi fut contraint de s'enfuir de son palais. Il arriva dans un pays lointain et séjourna dans la maison d'un bon ami. Le roi remarqua que l'humeur de son hôte alternait entre la joie et la tristesse.
Déconcerté, le roi lui demanda : "Es-tu heureux ou triste? Si tu es heureux, pourquoi pleures-tu? Et si tu es triste, pourquoi parais-tu heureux?"
L'hôte répondit : "Je suis heureux et je suis triste. Je suis triste parce que le roi a dû quitter son palais pour venir ici. Et je suis joyeux parce que j'ai le privilège d'accueillir le roi dans ma maison".
Rabbi Shmelke de Nikelsbourg explique que cela décrit nos émotions pendant les 3 semaines.
Nous pleurons amèrement et nous nous lamentons parce que la Chékhina (présence d'Hachem dans ce monde) est en exil.
Mais nous nous réjouissons également parce que la Chékhina est avec nous.
De plus, nous pouvons expliquer que que le deuil et la joie ne sont pas contradictions.
En fait, le deuil devient le fondement de notre bonheur. Cela est dû au fait que lorsque l'on pleure le Temple, on attire sur nous un élément [central] du Temple.
Le Temple était un lieu rempli de joie (comme nous le chantons dans un chant de Shabbath : "Retour au Temple et au Kodech Kadochim, un lieu où les âmes se réjouissent" - למקדשך תוב ולקדש קודשין אתר די ביה יחדון רוחין ונפשין), et par son deuil, on attire à nous cette joie immense.
Certaines personnes ont peur de pleurer parce qu'elles ne veulent pas être tristes, ne réalisant pas que le deuil entraîne la plus grande des joies.
[le rabbi de Nikelsbourg nous enseigne qu'en prenant le deuil de Jérusalem, on attire sur nous la joie incroyable qu'il y avait. (ex: si on avait des comptes à faire, on devait sortir de la ville, car à Ja)]
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-> Le Choul'han Aroukh (554:25) : "Celui qui pleure/s'endeuille sur Jérusalem mérite de la voir dans sa joie" (כל המתאבל על ירושלים זוכה ורואה בשמחתה).
זוכה ורואה (zo'hé our'é - mérite de la voir) est écrit au présent.
Rabbi Lévi Its'hak de Berditchev (Kédouchat Lévi) et d'autres expliquent que lorsque l'on pleure le Temple, on ressent immédiatement la joie de la guéoula.
Le Kédouchat Lévi (Eikha) écrit : "Lorsque l'on pense à la sainteté et que l'on pleure Jérusalem... on perçoit immédiatement un élément de la joie de Jérusalem, de ce qu'il en sera à l'avenir".
[d'une certaine façon, plus on s'attriste on détaillant tout ce qu'on a perdu à cause de sa destruction, plus on se réjouit que très bientôt on en profitera pour l'éternité. Ainsi, plus on s'en attriste, plus on s'en réjouit d'impatience, de la grandeur d'être juif, de la bonté d'Hachem à notre égard d'avoir une chose si grande que le Temple, qui arrivera avec le machia'h très rapidement. ]
-> Lors d'un mariage, nous cassons un verre sous la 'houppa, le 'hatan porte des cendres sur sa tête, ...
Ces coutumes nous aident à nous souvenir de Jérusalem et du Temple.
Le Sfat Emet (Ki Tavo 5653) explique que le but de ces coutumes n'est pas de nous faire pleurer lors d'un mariage, mais plutôt de parfaire la joie de la fête.
Nous voulons que la joie de la fête soit complète, mais comment un bonheur peut-il être complet dans l'exil? C'est pourquoi nous portons le deuil, et le deuil attire la lumière et la joie totale de l'épqoue du machia'h, et cela complète la joie du mariage.
Le Sfat Emet écrit :
"À chaque sim'ha (célébration), il faut se souvenir du Temple ...
Lorsque le Temple était érigé, la joie était totale. Aujourd'hui, nous méritons cette joie par le deuil et la nostalgie du Temple.
Comme il est dit : "Réjouissez-vous avec Jérusalem et soyez dans l'allégresse à cause d'elle, vous tous qui l'aimez! Prenez part à sa joie, vous tous qui êtes en deuil à son sujet!" (Yéchayahou 66,10).
Par notre deuil, nous mériterons la joie de Jérusalem."
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-> la grandeur particulière des Shabbath de ben hamétsarim : https://todahm.com/2023/08/20/la-grandeur-du-shabbath-en-exil