+++ La magie (1ere partie) :
-> D'un point de vue juif, il existe des forces de sainteté et des forces d'impureté.
Hachem a créé un monde dans lequel le côté de la sainteté et le côté de l'impureté sont toujours sur un pied d'égalité (Kohélet 7,14).
[par exemple, il existe 50 niveaux d'impureté, et en parallèle 50 niveaux de pureté. ]
C'est ainsi que la prophétie et l'inspiration Divine, dans le domaine de la sainteté, sont mises en parallèle, dans le domaine de l'impureté, avec divers pouvoirs magiques ou divinatoires.
Le mystique juif et le magicien païen peuvent accomplir des exploits similaires et sembler avoir des pouvoirs similaires, mais les sources de ces pouvoirs sont totalement opposées.
-> Le principal point de distinction entre la magie et la mystique est la perspective. La magie subordonne les besoins d'un monde passif aux caprices personnels du magicien, alors que la mystique juive met l'accent sur notre subordination à une puissance supérieure (Hachem).
-> La michna déclare qu'une personne "qui utilise la couronne périra" (voir Pirké Avot 1,13).
Rabbi Ovadia de Barténoura dit que "la couronne" se réfère à quelqu'un qui utilise le Nom ineffable de D. pour son bénéfice matériel.
Hachem dit : "De même que Je crée les mondes et que Je les détruis, de même Mon Nom crée et détruit les mondes" (Pessikta Rabbati 21). D. a donné du pouvoir à Ses Noms afin que les pieux et les prophètes puissent accomplir des actes par leur intermédiaire et qu'ils démontrent ainsi la "grandeur et la puissance" de D. [voir Sach - Yoré Déa 246:70]
Ces pouvoirs ne peuvent être utilisés que par des personnes ayant un niveau de sainteté et de pureté exceptionnellement élevé, ce qui n'existe pratiquement pas dans notre génération actuelle.
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+ La racine de la sorcellerie :
-> La littérature juive est confrontée à la distinction entre la magie noire et la magie blanche, pouvoirs interdits et pouvoirs potentiellement autorisés.
Le terme "sorcier" (mé'hassef - מְכַשֵׁף) est une contraction des mots hébreux signifiant "affaiblir les agents célestes de D." (ma'hich pamalya chel mala'h).
Il existe un ordre métaphysique des anges et des pouvoirs mis en place par D. qui facilite l'ordre naturel du monde. Toute tentative de modifier cet ordre est considérée comme de la sorcellerie et est interdite.
Ces anges et ces puissances ne sont que des intermédiaires qui transmettent l'effusion Divine dans les domaines physiques.
Le sorcier s'efforce de forcer les forces spirituelles à faire ce qu'il veut.
L'erreur de la magie est de penser que les forces surnaturelles peuvent être indépendantes de D., ou que le magicien est mieux équipé que D. pour répartir cette influence Divine.
Rabbi Yéhoudah haLévi (Kouzari 1:79) écrit que la différence entre la magie païenne et les actes de mystique juif est comparable à celle qui existe entre le médecin sage et le fou qui dispense des médicaments au hasard.
-> La croyance en de nombreuses forces et puissances contredit l'unicité de Dieu et constitue une forme d'idolâtrie. C'est pour cette raison que les interdictions contre la magie dans la Torah sont regroupées avec l'idolâtrie. [voir Rambam - Moré Névou'him 3,37]
La pratique de la sorcellerie affaiblit également la confiance en D., car la personne en vient à se fier à la manipulation magique plutôt qu'à la souveraineté de D. [selon le Yessod Yossef - chap.25]
De plus, lorsqu'on cherche à obtenir quelque chose par des moyens magiques, on se place sous la providence de l'impureté au lieu de s'adresser directement au Divin.
-> Le judaïsme est totalement opposé à la sorcellerie. La Torah interdit explicitement toute forme de sorcellerie, de magie pratique et de pratiques occultes.
[voir Chémot 22,17 ; Vayikra 20,27 ; Dévarim 18,9-13]
Le Rambam (intro Hilkhot Avodat Ko'havim) énumère 11 commandements négatifs relatifs à la sorcellerie. Les détails de ces interdictions sont énumérés dans la guémara (Sanhedrin 65a-b) et dans Rambam (Hilkhot Avodat Kochavim - ch.11).
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-> Est-ce réel?
Il existe 2 approches :
Selon le Rambam (Hilkhot Avodat Kochavim 11,16), les pouvoirs que les sorciers prétendent détenir n'existent même pas. Tous les prodiges qu'ils accomplissent impliquent une forme de tromperie. Selon lui, il est interdit de s'adonner à la magie, car elle n'est que stupidité.
L'autre point de vue, qui est majoritaire, est que de tels pouvoirs magiques existent dans le monde, mais que la Torah interdit d'y participer. [Ramban - Dévarim 18,13 ; Drachot haRan n°4 ; Gaon de Vilna]
Selon toutes les autorités halakhiques, il est interdit de consulter des sorciers en raison du verset de la Torah qui dit : "Intègre tu seras avec Hachem" (tamim tiyé im Hachem - Choftim 18,13) , ce qui signifie qu'une personne doit s'en remettre à D. et ne pas essayer d'obtenir des informations en dehors des paramètres naturels autorisés.
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+ Transmission de la magie selon la Torah :
-> Origine et développement de la magie :
La Torah commence avec Adam et 'Hava dans le jardin d'Eden et parle de "l'Arbre de Vie" et de "l'Arbre de la Connaissance".
L'Arbre de Vie représente la communion avec Hachem, tandis que l'Arbre de la Connaissance représente l'expérience de la conscience de soi.
Hachem dit à Adam qu'il peut manger de tous les arbres du jardin, à l'exception de l'Arbre de la Connaissance (Béréchit 2,9 & ensuite).
D'un point de vue kabbalistique, tous les arbres du jardin d'Eden avaient le potentiel d'être des Arbres de Vie, une expérience du Divin, ou des Arbres de Connaissance, une conscience de soi. [rabbi Tsadok haCohen - Pri Tsadik Béréchit 8]
Les séquelles du choix d'Adam pour l'expérience égoïste de l'Arbre de la Connaissance ont ouvert la voie aux générations futures qui devaient choisir entre se connecter à D. ou utiliser les pouvoirs de l'occulte. [Ben Ich 'Haï - Ben Yéhoyada - Sanhédrin 67b]
-> Après avoir mangé de l'Arbre de la Connaissance, la Torah dit qu'Adam et 'Hava prirent conscience de leur nudité et se couvrirent de feuilles de figuier. (Béréchit 3,7)
Les kabbalistes juifs expliquent cet événement d'un point de vue ésotérique. L'acte de manger de l'arbre était un acte d'égoïsme qui a lancé les forces de l'impureté dans la réalité. Le monde n'était plus une pure extension d'une réalité spirituelle, mais une existence polluée par la grossièreté/impureté.
Adam et 'Hava ont reconnu que la présence de D. avait été retirée, et ils se sont sentis "nus" et vulnérables à ces forces impures. [voir Zohar]
-> Les fruits représentent la fonction première d'un arbre. Les feuilles représentent une partie plus externe et secondaire de l'arbre. Pour les kabbalistes, le fait de se couvrir de feuilles signifiait qu'ils essayaient de protéger leur moi spirituellement nu et vulnérable en utilisant des forces étrangères à la création. (voir Rékanti)
Le Zohar (Béréchit 36b & 53b) dit que se protéger des forces étrangères à la création signifiait apprendre les arts occultes, et qu'en conséquence, le niveau spirituel d'Adam, autrefois élevé, a été diminué.
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+ La génération du déluge :
-> Adam et 'Hava ont abandonné ces pratiques lorsqu'ils ont quitté le jardin d'Eden, mais plus tard, dans la génération d'Énoch et dans celle du Déluge (maboul), ces arts magiques se sont à nouveau répandus, au point que même les enfants les connaissaient.
L'une des raisons pour lesquelles la génération du déluge n'a pas écouté l'appel de Noa'h à changer ses habitudes est qu'elle pensait pouvoir utiliser sa sagesse occulte pour se protéger. [Zohar Béréchit 56a-b]
-> Lorsque la Torah décrit la génération d'Enoch, elle dit : "En ce temps-là, le nom de D. était invoqué de façon profane" - Béréchit 4,26. Les gens de cette époque utilisaient les noms divins pour manipuler la nature. (ainsi, Noa'h on n'a pas peur de ta prédiction de Déluge, car on pourra utiliser les noms Divin, la magie, pour contrecarrer cela.
Le Méam Loez (Noa'h 5,9-11) écrit : "Lors de la période d'Enoch, la magie noire et les sciences occultes se sont développées au point où même les jeunes enfants connaissaient de telles pratiques. Clamant qu'ils ne craignaient rien, les hommes prétendirent détenir des sortilèges avec lesquels ils contrôlaient même les anges préposées au feu et à l'eau, desquels ils couraient donc aucun danger. "
-> D'ailleurs, même le nom de Noa'h n'était qu'une façade pour le protéger, comme l'enseigne le Méam Loez (Béréchit 5,28-31) sur : "Lémé'h ... engendra un fils, il l'appela du nom de Noa'h" :
Mathusalem, dont la sagesse était immense, avertit Lémé'h de ne pas nommer son fils dès sa naissance.
En effet, en ce temps, les maîtres de la magie noire étaient nombreux, et Mathusalem craignait qu'ils usent de leurs pouvoirs contre l'enfant s'ils connaissaient sa destinée.
Son vrai nom fut tenu secret.
C'est ainsi, aux yeux de tous, ils l'appelèrent Noa'h, mais ses proches savaient que son véritable nom était : Ména'hem [signifiant : "celui qui soulage"], indiquant que si les hommes se repentaient, leur vie serait alors plus douce.
-> La génération de la tour de Bavél pensait neutraliser le Divin par leur magie et leur sorcellerie.
Selon Rabbénou Bé'hayé (Noa'h 11,4), ils pensaient que la tour leur permettrait d'atteindre les sphères supérieures, et l'immortalité des êtres célestes.
-> Par ailleurs,selon la guémara (Kidouchin 49b), 10 mesures de sorcellerie ont été données au monde, et 9 d'entre elles furent prises par l'Egypte
D'une certaine façon, lorsque Pharaon dira qu'il ne connait pas notre D., il voulait signifier que l'Egypte étant la capitale de la magie/sorcellerie, ils étaient tellement forts que D. était comme inexistant en comparaison. )
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+ A l'époque d'Avraham :
-> À l'époque d'Avraham, après le décès de sa femme Sarah, il donna naissance à des enfants avec Kétoura. La Torah ('Hayé Sarah 25,1-6) précise que les enfants qu'il a eus avec elle ont reçu des "cadeaux" et ont été envoyés en Orient.
La guémara (Sanhédrin 91a) enseigne que ces "cadeaux" qu'Avraham leur a offerts étaient des noms divins impurs.
En d'autres termes, il leur a donné des secrets spirituels qui ne nécessitaient pas de pureté rituelle et qui décrivaient la manipulation de l'énergie dans la nature.
Ces noms et secrets leur ont été donnés pour les défendre contre les attaques spirituelles nuisibles. (voir Maharal - Gour Aryé Béréchit 25,6)
Il existe également d'autres explications. Le Panéa'h Raza explique que l'objectif d'Avraham était d'éviter qu'ils ne succombent à l'interdiction beaucoup plus sévère de l'idolâtrie et de leur donner à la place une méthode beaucoup plus bénigne pour découvrir l'avenir.
D'autres soutiennent que l'instruction d'Abraham était purement éducative, qu'ils devaient savoir ce qu'il fallait éviter. (voir Maasé Hashem, haKtav véhaKabbala)
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-> Le Méam Loez ('Hayé Sarah 24,30) enseigne :
La lévitation s'accomplissant également par l'intermédiaire de la magie noire, Eliézer s'éleva au-dessus de l'eau [du puits] afin que Lavan ne pense pas qu'il était un sorcier. En effet, ceux qui pratiquent les sciences occultes voient leurs pouvoirs s'amoindrir au contact de l'eau.
[la guémara (Sanhédrin 67b) enseigne que les sorciers ne peuvent pas réaliser leur magie lorsqu’ils sont en contact avec l’eau (l’eau empêchant tout effet de la sorcellerie).]
-> Lavan savait comment utiliser ces idoles [pour obtenir des pouvoirs extrasensoriels]. Ra'hél les lui vola afin qu'il ne puisse découvrir leur destination. [Méam Loez - Vayétsé 31,19]
-> D'après une opinion (Zohar - Vayichla'h), Lavan ne poursuivit pas Yaakov (lorsqu'il le quitta) pour le combattre physiquement. Yaakov disposait de plus d'hommes que Lavan. Ce dernier désirait tuer Yaakov par des paroles : à l'aide d'incantations magiques ...
Lavan voulait "déraciner" Yaakov de ce monde en usant de la sorcellerie.
[Méam Loez - Vayétsé 31,24]
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-> Selon une opinion, lorsque Yossef vit que la femme de Potiphar essayait de le séduire, il réalisa un double de lui-même sous la forme d'un golem.
Il comptait laisser cet androïde dormir avec la femme de Potiphar, se débarrassant ainsi d'elle.
Sarah avait agi de même avec Pharaon, et Esther eut recours à ce subterfuge avec A'hachvéroch.
Cependant, la femme de Potiphar, elle, connaissait suffisamment la magie pour déjouer cette supercherie.
C'est pourquoi la Torah dit : "Elle le saisit par son vêtement" (Vayéchev 39,12). En hébreu, le mot "béguéd" désigne un vêtement, dont la racine "bagad" signifie : "tromper".
Ainsi, elle "saisit" la tromperie de Yossef, et comprit par quel moyen il tentait de l'abuser.
[Méam Loez - Vayéchev 39,11]