+ Le mois d'Adar - un mois dissimulé :
-> L'année juive commence avec Nissan, un mois de miracles merveilleux (en Egypte et ensuite) démontrant la présence, la puissance et l'amour d'Hachem.
La lumière éclatante de Nissan illumine dans l'année, ainsi que le mois que suit : Iyar, puis Sivan, ... Mais au fur et à mesure que la lumière s'éloigne de sa source (Nissan), elle devient de plus en plus faible.
Enfin, nous arrivons à Adar, qui est le dernier mois. Adar (אדר) est similaire au mot אדרת (adéret), qui signifie un manteau. Lorsque la lumière de Nissan atteint Adar, elle est pratiquement invisible, imperceptible. Par conséquent, il n'y a pas de miracles révélés. Hachem est caché, dissimulé et invisible sous le voile de la nature.
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-> Lorsque Haman voulait détruire la nation juive, il tira au sort le moment le plus propice. Il commença par les jours, mais ceux-ci protestèrent. Le dimanche dit : "Hachem, tu as créé les cieux et la terre le premier jour. Israël respecte l'alliance qui permet aux [cieux et à la terre] d'exister. Si vous voulez déraciner Israël, déracinez d'abord le ciel et la terre!"
De la même manière, chaque jour protestait contre la destruction du peuple juif.
Lorsque Haman vit qu'aucun des jours de la semaine n'était propice à la destruction du peuple juif, il se concentra sur les mois. Mais Nissan avait le mérite de Pessa'h, Iyar celui de Pessa'h Shéni, et Sivan celui du don Torah. Tamouz et Av ont protesté en disant que Israël avait déjà enduré suffisamment de souffrances au cours de ces mois. Elloul eut le mérite d'achever le mur autour de Jérusalem à l'époque de Né'hémia ; Tichri, celui du shofar, de Yom Kippour et de Souccot ; 'Hechvan, celui de Sarah, qui mourut alors ; Kislev, celui de Hanoucca ; Tévet, celui de la séparation d'avec les épouses non juives à l'époque d'Esdras ; en Shevat, le peuple juif se rassembla pour prendre des mesures concernant la pilguech dans l'idole de Giva et Mikha (voir Shoftim chap.17-21). [certains événements se produiront après Pourim]
Puis vint Adar. En Adar, Haman n'a pu discerner aucun mérite.
De plus, Haman a parcouru tous les mazalot des mois et s'est rendu compte que chacun d'entre eux comportait des mérites pour le peuple juif. Cependant, le mazal d'Adar, le poisson, n'avait aucun mérite. De plus, Moshé est mort en Adar, et Haman ne savait pas que Moché était également né en Adar.
[d'après le midrach rabba Esther 7,11]
-> Il est logique que la naissance de Moché ait été oubliée et inconnue, car le mois d'Adar, sombre et lointain, est un mois d'oubli. En fait, avec la mort de Moché, la Torah a commencé à être oubliée. Immédiatement après sa mort, 3 000 halakhot ont été oubliées" (Témoura 16a).
Adar est une période où Tsion s'inquiète : "Hachem m'a abandonné et Hachem m'a oublié" (Yéchayahou 49,14).
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-> S'il y a une période qui se trouve au bas de l'année, oubliée et dans l'obscurité (Adar), il y a aussi des gens qui se trouvent au bas de l'échelle, oubliés et dans l'obscurité. Ce sont les âmes les plus basses qui fonctionnent à peine spirituellement, voire pas du tout.
Et dans le grand cycle du temps qu'est l'histoire, ces âmes les plus basses naissent à la fin, pendant la période de ikvéta dé'méchi'ha (talon du machia'h, période juste avant la guéoula).
À l'instar de l'anatomie humaine, le peuple juif débute par la génération de la tête, qui a reçu la Torah au mont Sinaï, descend à la génération du cœur, qui a construit le Temple, et se déplace continuellement vers l'extérieur et vers le bas jusqu'aux autres organes du corps.
Tout en bas de l'échelle se trouvent les âmes situées sur la plante des pieds, les talons.
Les dernières générations avant machia'h vivent dans un contexte de hester panim (dissimulation de la face d'Hachem) extraordinaire. C'est pourquoi la plupart des juifs d'aujourd'hui ne savent même pas qu'il y a un D., et encore moins qu'ils perçoivent Sa présence.
Les juifs de l'histoire de Pourim se trouvaient également dans une sorte d'ikvéta dé'méchi'ha.
Eux aussi se trouvaient à la fin d'un exil (celui de Bavel), et ils étaient confrontés aux résultats dévastateurs de la face cachée d'Hachem, car le peuple avait commencé à s'assimiler et à se marier entre lui et les autres.
Sans prophète pour les guider, les juifs se sentaient perdus face à la menace de l'anéantissement.
La guémara ('Houlin 139b) voit une allusion au nom Esther dans la prédiction selon laquelle Hachem doublerait la dissimulation de Sa face à la fin des temps : "véano'hi aster astir" (Vayélé'h 31,18).
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-> Qu'est-il arrivé à Pourim?
"Vénaafo'h ou" (Esther 9,1) = "Il a été transformé" d'un jour où les ennemis des juifs devaient les dominer, les anéantir, en un jour où les juifs ont dominé leurs ennemis.
De même, "le mois [Adar] a été transformé" (véha'hodech acher nééfa'h - Esther 9,22). Tout a été mis sens dessus dessous. Ce qui est toujours en bas est en haut à Adar.
La plante des pieds est toujours au ras du sol, en bas et dans l'obscurité. Mais que se passe-t-il si une personne se tient à l'envers?
Que se passe-t-il si la génération de précédent la venue du machia'h [ikvéta dé'méchi'ha = talons du machia'h = à la fois parce qu'on entend les pas du machia'h qui arrive, mais aussi parce qu'on sera une génération qui sera basse spirituellement comparée aux précédente, comme aux talons/bas des juifs de l'Histoire) devient la génération qui va vivre la guéoula qui construira le 3e Temple, comme la génération de l'histoire de Pourim qui a construit du 2e Temple (avec fin de l'exil de Bavel)?
Dans l'émerveillement de la transformation de Adar (אדר), nous réalisons que א' דר (aléf dar), Hachem, l'Unique (alouf aolam - Maître du monde), veut résider parmi nous.
En Adar, on passe de l'occultation de la présence d'Hachem et de l'oubli à : "le souvenir et l'éblouissement" (nizkarim vénaassim - Méguila 9,28).
C'est ainsi que : "Lorsque Adar arrive, nous augmentons notre joie" (guémara Taanit 29a).
"Vénaafo'h ou" (Esther 9,1) = "Il a été transformé" = en un instant tout peut être modifier au que si on est au talon (plus bas que bas, tout semble perdu), et bien on devenir à la tête (être la génération qui va permettre la venue du machia'h, qui va faire que Hachem se dévoilera complétement.)
[on est tellement convaincu de cela, qu'on est déjà dans un état où la joie est grande (on voit déjà le machia'h et ce que ça implique)! ]
[ cela est valable collectivement comme individuellement. On doit réaliser que derrière le masque de la naturalité de ce monde, se cache Hachem (rien ne peut se passer sans un décret de sa part), et à tout moment "vénaafo'h ou", tout peut être bouleversé. ]
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+ Adar = un mois de bénédiction :
-> Adar est passé du statut de dernier mois de l'année juive, le plus bas (le talon) et le plus sombre, à celui de mois lumineux et plein de bénédictions.
Son mazal de poissons, qui augmente de façon exponentielle, exprime la nature bénie de ce mois.
Le Mégalé Amoukot (Vaét'hanan - ofen 44) enseigne que chaque mois a un ange, et le nom de celui d'Adar est Avarchiel, de la racine de béra'ha (bénédiction).
Cet ange a 25 autres anges sous lui, tous chargés de la bénédiction, ce qui correspond aux 26 fois où l'on récite hodou l'Hachem ki tov le Shabbath matin.
Au cours du mois d'Adar, Moché a commencé à bénir le peuple juif juste avant sa mort.
C'est en raison de la nature bénie de ce mois que nos Sages conseillent d'investir dans des opportunités financières pendant Adar ('Hatam Sofer [7 Adar 5591] ; Bné Yissa'har [maamaré Kislev 4,83]) et de programmer d'enventuels procès contre des non-juifs pendant ce mois (guémara Taanit 29b).
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-> "Lorsque commence le mois de Av nous diminuons notre joie, de même lorsque commence le mois d'Adar, nous augmentons notre joie" (guémara Taanit 29a)
-> En tant que mois de bénédiction (béra'ha) et de délivrance (yéchoua), Adar est synonyme de joie. Et cette joie n'est pas statique, elle ne cesse de croître.
La guémara compare l'augmentation de la joie d'Adar à la diminution de la joie en Av.
En Av, la joie diminue par étapes : d'abord les neuf jours avec leurs restrictions sur les activités joyeuses, puis le 7 Av avec plus de restrictions, puis la veille du 9 Av, et enfin le 9 Av lui-même, où nous n'avons même pas le droit d'étudier la Torah (sauf rares exceptions).
De même, la joie d'Adar devient de plus en plus forte, atteignant son point culminant avec Pourim, qui nous transporte ensuite vers Nissan et Pessa'h.
C'est pourquoi nous nous demandons comment nous pouvons profiter de la joie d'Adar.
Une personne plongée dans la matérialité est déprimée par son vide. On est constamment à la recherche du bonheur, sans vraiment le vivre.
Comment les juifs peuvent-ils profiter de la joie d'Adar?
Les juifs peuvent boire, danser et chanter, mais pas pour se réjouir. La fête de Pourim exprime une joie intérieure qui jaillit à cette époque de l'année dans le cœur de ceux qui sont plongés dans la Torah, la prière et le 'hessed.
[la Torah et les mitsvot sont des moyens de nous lier avec Hachem, or il n'y a pas de plus grande joie que le sentiment d'être proche de sa source de vie, de notre papa Hachem.
Alors oui, à pourim on se rend joyeux dans la matérialité, mais on réalise surtout que l'essentiel de la joie est ce sentiment où notre intériorité (âme) est en accord avec ce qu'on doit réellement faire de notre vie, avec la volonté de D. ]
[d'après le rav Moché Wolfson ]
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+ Le 2e mois d'Adar :
-> Nous avons expliqué comment Adar se situe aux confins de l'année, absorbant à peine la lumière émanant de Nissan.
Adar est un mois de hester panim, où Hachem est caché et où le peuple juif se sent oublié dans l'obscurité.
Mais il y a un mois qui est encore plus éloigné de Nissan que le 12e mois de l'année, c'est le 13e mois.
Même si un Adar ordinaire se trouve tout au bord, il fait toujours partie de la communauté des mois (il y a 12 noms différents). Chaque mois correspond à l'une des 12 tribus qui ont voyagé dans le désert dans l'étreinte sacrée des Nuées de Gloire. Chaque tribu et chaque mois portent un arrangement du nom d'Hachem (tsirouf - les 4 lettre יהוה peuvent être réarrangées en 12 tsiroufim différents).
Mais il n'y a pas de 13e arrangement du nom d'Hachem pour le 2e Adar, ni de tribu à laquelle il correspond.
Mais le 2e Adar (Adar Shéni) correspond aux juifs. À l'arrière de la procession dans le désert, se trouvait un groupe de juifs qui avaient été expulsés des Nuées de Gloire (anané hakavod).
La plupart de ces personnes étaient membres de la tribu de Dan et portaient avec elles une idolâtrie 'avoda zara) ou avaient commis d'autres fautes graves.
Lorsqu'Amalek a attaqué, il n'a pu accéder qu'en "se jetant sur (וַיְזַנֵּב - vayézanev) ces faibles qui traînaient derrière vous" (vayézanev bé'ha kol ané'héchalim a'haré'ha - Ki Tétsé 25,18).
[on note que וַיְזַנֵּב est similaire à זנב (zanav), puisqu'Amalek s'est attaqué à ceux situé à la queue du peuple juif, comme exclus du corps principal de l'entité juif.]
Dans les recoins les plus extrêmes du temps (13e mois après Nissan), privé d'un arrangement du nom d'Hachem, le 2e Adar correspond à ces juifs à la traîne qui rejettent La Royauté d'Hachem et ne veulent pas porter un tsirouf.
Mais dans la surprise du "Vénaafo'h ou" (Il a été transformé (la tristesse en joie, de l'anéantissement à la domination) - Esther 9,1) du mois d'Adar, c'est précisément là où Amalek attaque, que nous avons Pourim.
Dans la transformation qui s'opère, nous réalisons que si l'amour le plus grand d'Hachem est démontré aux juifs d'Adar, il est encore plus fortement souligné pour les juifs du 2e Adar.
Pour eux, Hachem Lui-même combine les douze tsiroufim (arrangements du Nom Divin) pour créer un tsirouf complet et devient leur Source et leur Protection.
Nous nous rendons compte que cet ajout supplémentaire d'un mois est ce qui ramène réellement les juifs à Hachem. Un 2e Adar est ajouté pour aider la lune, qui symbolise les juifs, à rattraper le soleil, qui symbolise Hachem. Même les âmes les plus rejetées et les plus rebelles feront téchouva.
C'est pourquoi, lorsqu'il y a un 2e Adar, nous appelons son Pourim : Pourim Gadol, le grand Pourim, par opposition au Purim Katan, le petit Purim, du premier Adar.
Mais le Pourim d'un 2e Adar est plus important que le Pourim d'une année normale.
Car si Pourim consiste à tout renverser ("vénaafo'h ou"), ce qui était bas devient haut, le mois d'Adar inférieur est encore plus élevé que le mois d'Adar d'une année normale.
En fait, la guémara (Yérouchalmi Méguila 1:5) affirme que le miracle de Pourim a eu lieu pendant un 2e Adar. Du plus bas niveau, nous sommes hissés vers les plus hauts sommets.
[d'après le rav Moché Wolfson ]