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"Les fils de Yaakov étaient douze" (Vayichla'h 35,22)

-> Selon Rachi : Nos maîtres ont expliqué que le texte vient nous enseigner qu’ils étaient tous égaux et qu’ils étaient tous des justes (tsadikim), Réouven n’ayant pas péché.

=> Comment le fait d'être inscrit avec ses frères prouve qu'il est égal à eux et qu'il n'a pas fauté?
Peut-être qu'il a fait téchouva, et qu'après il soit devenu aussi égal à eux?

-> Le Adérét répond que si Réouven avait fauté, il aurait été bien plus grand que ses frères, car d'après nos Sages (guémara Béra'hot 34b) : "A l’endroit où se tiennent les baalé téchouva, même les tsadikim parfaits ne peuvent se tenir".
Ainsi, Réouven n'a pas fauté, et il n'a pas non plus fait téchouva.

=> Nous ne devons jamais rechercher à transgresser la volonté d'Hachem, mais si nous sommes tombés dans la faute, alors nous devons faire téchouva, et nous deviendrons plus grand par cela.
Nous pouvons alors atteindre un niveau plus important que si n'avions pas fauté.

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-> "Or, tandis qu'Israël résidait dans cette contrée, Réouven alla et cohabita avec Bilha, la concubine de son père, et Israël [l'] entendit" (Vayichla'h 35,22)

-> Après la mort de Ra'hél, Yaakov fixe sa résidence principale dans la tente de Bilha, la servante de Rachel. Réouven y voit un affront pour Léa, sa mère, et déclare : "Si Rachel, la sœur de ma mère, a été sa rivale, la servante de la soeur de ma mère sera-t-elle la rivale de ma mère?" Pour défendre l'honneur de sa mère, Réouven décide alors de déplacer le lit de Yaakov et de le porter dans la tente de Léa.
La Torah décrit sa conduite en termes très durs, comme si Réouven avait commis une faute très grave. Cela correspond à l'affirmation de nos Sages selon laquelle les grands hommes sont jugés avec une très grande gravité, même pour des transgressions mineures, car leur conduite est évaluée selon des critères infiniment plus élevés que les nôtres.

Selon le Maharcha, c'est pour honorer la mémoire de Ra'hél que Yaakov a installé sa couche dans la tente de Bilha. En effet, il avait travaillé 14 ans pour pouvoir épouser Rachel et elle était le pilier de sa maison. Pour lui rendre hommage, il a honoré sa fidèle servante qui, après être devenue elle-même l'épouse de Yaakov, avait fidèlement continué à servir Ra'hel.
Il se peut aussi que Yaakov se soit installé chez Bilha parce que c'est elle qui élevait Yossef, âgé de 8 ans à peine, ainsi que le nouveau-né, Binyamin, qui n'étaient pas seulement ses enfants les plus jeunes, mais aussi les seuls souvenirs vivants de son épouse bien-aimée. ['Houmach Artscroll]

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-> Le Arizal (Likouté Torah - Vayé'hi) explique :
"Réouven tu es mon premier-né" (Vayé'hi 49,3). Yaakov savait déjà parfaitement que Réouven était la réincarnation de Caïn et c'est la raison pour laquelle il fut nommé Réouven = ראו בן (réou bén) qui signifie "regarde le premier fils de l'humanité qui versa le sang dans le monde".
Réouven répara sa faute lorsque ses frères souhaitèrent tuer Yossef et qu'il s'y opposa en souhaitant le ramener à son père. Néanmoins, Réouven ne répara pas la faute qu'il commit avec la sœur jumelle d'Hével lors de son guilgoul (réincarnation) précédent.
Et c'est le sens des paroles : "Réouven tu es mon premier-né" = Te reviennent naturellement la prêtrise, le droit d'aînesse et la royauté, mais que puis-Je faire ? Tu as profané le lit de ton père!

En effet, le midrach (Béréchit rabba 22,7) nous explique qu'Hével naquit avec deux sœurs jumelles et que Caïn souhaita acquérir la deuxième jumelle d'Hével argumentant qu'il était le premier-né et qu'il avait légitimement droit à une double part.
Hével refusa prétextant qu'elle était née avec lui et que par conséquent, c'est à lui que revenait le droit de l'épouser, ce qui poussa Cain à le tuer.

Le Arizal (chaar apéssoukim Vayichla'h) explique que Bilha était la réincarnation de la deuxième sœur jumelle d'Hével.
Il explique ceci en s'appuyant sur le verset suivant : "Et ce fut alors qu'Israël séjournait dans ce pays, Réouven alla et cohabita avec Bilha, la concubine de son père. » (Vayichla'h 35,22).
Le Ari Zal nous fait remarquer que le nom de Bilha (בלהה) est composé des mêmes lettres que le nom Hével (הבל) avec la lettre hé (ה) en plus faisant allusion à la deuxième sœur jumelle de Hével.
En empêchant son père de s'unir à Bilha, il réitéra le dommage que Caïn avait causé en empêchant Hével de s'unir avec sa deuxième sœur jumelle.

-> Le rav Yonathan Eibshitz (Yaarot Dvach) s'appuie sur cet enseignement lorsqu'il écrit :
Réouven était la réincarnation de Caïn tandis que Yossef était la réincarnation d'Hébel. Réouven souhaitait réparer le dommage causé par Caïn qui avait assassiné son frère et c'est la raison pour laquelle il fit tout ce qui était en son pouvoir pour ramener Yossef à son père. Cependant, il échoua concernant la deuxième sœur jumelle qui était revenue en guilgoul dans Bilha et c'est ainsi que Yaakov dit à son sujet : "Impétueux comme l'eau, tu ne prendras pas davantage" (Vayé'hi 49,4).

Il est rapporté dans la guémara (Shabbath 55b) : "Tout celui qui dit que Réouven a fauté se trompe, comme il est écrit : "Les fils de Yaacov furent douze"."
Ceci vient nous enseigner que Réouven était un Juste parfait. Cependant, il n'a pas réussi à parachever la réparation de la néchama de Caïn car le temps n'était pas encore venu pour que la promesse d'Hachem à Rivka ne s'applique : « Et le grand servira le plus jeune" (Toldot 25,23).
Nos Sages (guémara Kétoubot 103a) nous ont enseigné au sujet du verset : "honore ton père et ta mère" (כַּבֵּד אֶת אָבִיךָ וְאֶת אִמֶּךָ - Yitro 20,11) que la lettre vav (ו) fut ajoutée pour nous apprendre que ce commandement inclut le respect du grand frère.
Si Réouven avait réussi à compléter la réparation de l'âme de Caïn, il aurait certainement réussi à user de son pouvoir de premier-né pour influencer tous ses autres frères et les obliger à faire la paix avec Yossef empêchant ainsi sa vente aux égyptiens. Cependant, après l'épisode de Bilha, il perdit son leadership de premier-né vis-à-vis de ses autres frères et ne réussit donc pas à les convaincre.

-> Le Zohar (Vayétsé 155b) explique que Yossef reçut le droit d'aînesse de façon tout à fait légitime.
En effet. lorsque Yaacov se maria avec Léa pensant s'unir à Ra'hel, les prémices de sa semence, qui provenaient de ses pensées, firent descendre la néchama de Yossef. Cependant, Hachem, selon Son plan divin, conserva cette première pensée qui devait engendrer Yossef pour ne la lui restituer qu'au moment précis où Ra'hel devait engendrer Yossef.
Dans l'absolu, Yossef est bel et bien le premier-né des douze tribus comme il es écrit : "Au premier-né son taureau, la splendeur est à lui" (Massé 33,17).

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-> Rabbi 'Helbo posa cette question à rabbi Chmouël bar Na'hmani : "Pourquoi Yaakov a-t-il retiré à Réouven son privilège d'aîné et l'a donné à Yossef?"
Rabbi répondit : Tu demandes pourquoi? C'est écrit : "Réouven ayant profané la couche de son père, son droit d'aînesse fut attribué aux fils de Yossef" (Divré haYamim I 5,1).
Rabbi 'Helbo reprit : "Ma question est : pourquoi est-ce Yossef (et non pas un autre fils de Yaakov) qui en a bénéficié?"
Rabbi Chmouël répondit par une parabole : "Un homme (Yossef) a élevé un orphelin (Yaakov) dans sa maison. Plus tard, cet orphelin s'enrichit et se dit : Je vais faire bénéficier mon bienfaiteur de ma richesse".

Rabbi Chmouël dit à rabbi 'Helbo : Si Réouven n'avait pas fauté, Yaakov n'aurait-il rien donné à Yossef? Ton maître rabbi Yo'hanan n'a-t-il pas dit que c'est Ra'hél qui devait donner naissance à l'aîné (de Yaakov), d'après le verset (Vayéchev 37,2) : "Voici les générations de Yaakov, Yossef", mais Léa l'a devancée par ses prières.
Cependant, en récompense de l'humilité de Ra'hel, Hachem restitua le droit d'aînesse à son fils (Yossef).
[guémara Baba Batra 123a]

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=> Le transfert du droit d'aînesse de Réouven à Yossef par Yaakov ne s'oppose-t-il pas au verset : "Il ne pourra pas traiter en aîné le fils de la femme préférée"?

-> Réouven, l'aîné de Léa, a manqué de respect à son père Yaakov en déplaçant sa couche pour marquer sa désapprobation au fait que son père avait gardé Bilha, servant de Ra'hel, après le décès de Ra'hel.
Réouven voulait, par ce geste symbolique, défendre de l'honneur de sa mère Léa. Malgré cette faute de Réouven, Yaakov avait-il la permission de transférer le droit d'aînesse de Réouven vers Yossef?
Pourtant le verset stipule : "Il ne pourra pas traiter en aîné le fils de la femme qu'il aime au détriment du fils de la femme qu'il aime moins et qui, lui, est l'aîné" (Ki Tétsé 21,16).

On peut citer 4 réponses qui justifient ce transfert par Yaakov :
1°/ Le Sforno (Ki Tétsé 21,16) explique :
L'interdit du transfert du droit d'aînesse est un cas général. Cependant, lorsque le véritable aîné ne se conduit pas convenablement, il est possible de lui retirer le droit d'aînesse au bénéfice d'un de ses frères.

2°/ Le Tour (Vayé'hi 49,3) écrit :
L'interdit de transfert des privilèges de l'aîné est absolu. Cependant, ici c'est "sur l'ordre de D." (al pi haDibour) que Yaakov a effectué ce transfert de Réouven à Yossef, exceptionnellement.

3°/ Le Ohr ha'Haïm haKadoch enseigne :
Nos Patriarches respectaient déjà la Torah, bien avant qu'elle soit donnée à tous les Bné Israël, parce qu'elle leur était chère. Cependant, du fait qu'elle ne leur était pas ordonnée, ils se sont permis de ne pas l'observer à la lettre dans certaines circonstances, comme par exemple le mariage de Yaakov avec 2 soeurs ou bien le transfert du droit d'aînesse de Réouven (fils de Léa sénoua : dédaignée) avec Yossef (fils de Ra'hel ahouva : aimée).

4°/ Le 'Hatam Sofer dit :
En fait, Yaakov n'a pas transgressé le verset (Ki Tétsé 21,16), car il n'a pas retiré à Réouven la part double de ses biens pour la céder à Yossef. C'est seulement dans le partage de la terre d'Israël que Yaakov va octroyer une part double Yossef, à travers ses 2 fils Ménaché et Efraïm, et une part simple à Réouven. En cela, Yaakov est en accord avec la Loi d'héritage de la Torah selon laquelle l'aîné (Réouven) n'a pas droit à la part double sur les biens (raouï), c'est-à-dire sur des biens à venir plus tard et qui ne sont pas dans le patrimoine du père à son décès. Or, la terre d'Israël conquise et partagée entre les 12 tribus d'Israël était un bien raouï car elle n'était que promise à Yaakov pour ses descendants.

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