- "Si tu prêtes de l'argent à quelqu'un de mon peuple, au pauvre qui est avec toi, ne sois pas pour lui comme un créancier, ne lui imposez pas d'intérêt" (Michpatim 22,24).
Il est intéressant d'avoir la vision du Or ha'Haïm sur ce verset.
«Si tu prêtes de l’argent à quelqu'un de mon peuple» signifie : si tu vois que tu as de l’argent en surplus de tes besoins personnels, et que tu le prêtes à Mon peuple, sache que ce n’est pas ta part, mais celle du pauvre que D. a déposée chez toi pour te donner l’occasion de pratiquer la mitsva de donner.
C’est pourquoi tu dois lui donner ce qui est à lui, et ne pas être envers lui comme un créancier, car il t’est interdit de te sentir supérieur à lui. En effet, c’est ce qui est à lui que tu lui donnes.
Il est à noter que Rashi explique :
- "A quelqu'un de Mon peuple" par : "Ne te conduis pas envers lui avec mépris quand tu lui prêtes car il est de Mon peuple!".
- "Au pauvre qui est avec toi" par : "considère toi toi-même comme si toi, tu étais le pauvre".
Le Sabba de Kelm expliquait à ce sujet qu'avoir pitié ne suffit pas, la Thora nous demande de ressentir ce que l’autre ressent, lui qui est dans le besoin, à tel point que l’on puisse « s’observer » dans cette situation délicate.
- "Ne sois pas pour lui comme un créancier" par : "ne lui réclame pas ce qu'il te doit avec violence. Si tu sais qu'il n'a pas de quoi te rembourser ne sois pas envers lui comme si tu lui avais prêté mais plutôt comme si tu ne lui avais pas prêté, c'est-à-dire ne lui fais pas honte".
+ Quelques biscuits pour Shabbath :
1°/ La paracha commence en traitant le cas du voleur qui n'est pas en mesure de rembourser ce qu'il a dérobé. Il est alors vendu par le Beit Din afin de dédommager la victime de son crime, grâce au prix de la vente.
Bien que la Torah le désigne du nom d'esclave, il est interdit à son maître d'employer ce terme pour marquer du mépris. Il a le devoir de le considérer comme un frère.
Voici quelques lois de la Torah qui s'appliquent à l'esclave hébreu :
- il est interdit de lui assigner des tâches dégradantes, telles que de laver les pieds de son maître ou de lui lacer les chaussures (Mekhilta);
- le maître doit partager avec son esclave sa propre nourriture. S'il boit du vin, il ne peut lui donner de l'eau seulement. S'il jouit d'une bonne literie, il ne doit pas laisser son esclave dormir sur de la paille (Kiddouchin 22a);
- si le maître dispose d'un seul bon pain ou d'une unique coupe de bon vin, il a l'obligation de les donner à son esclave. Et s'il n'a qu'un seul oreiller, le maître doit le lui donner et dormir à même le sol (Yerouchalmi Kiddouchin 22);
- A l'issue de 6 ans de servitude, l'esclave devient automatiquement libre. Si au cours de cette période, il est tombé malade, et que son maître a dû engager de grands frais en sa faveur, il ne lui devra rien au moment de le quitter (Rambam Hilhot Avadim 2,12);
- Si l'esclave est marié lorsqu'il est entré à son service, le maître doit également assumer la charge de son épouse et de ses enfants (Kiddouchin 22a).
-> Rabbi Eliyahou Lopian fait remarquer que si quelqu'un vient dormir dans une maison et qu'il y voit 2 personnes en train de dormir : une sur un lit et une autre par terre, il pourrait penser que le maître est celui sur le lit et son esclave par terre, mais selon la Torah c'est l'exact opposé!
-> La guémara (Nida 47a) rapporte que : "Chmouël vérifia [certains signes de puberté] chez sa servante, puis lui donna 4 zouz pour le prix de la honte infligée, car ... les esclaves sont soumis pour être asservis mais non humiliés."
2°/ Réparations dues en cas de vol :
1- Cas général :
- Si 2 témoins constatent qu'un homme a volé un objet, le voleur devra rendre l'objet à son propriétaire et y ajouter l'argent équivalent à sa valeur. S'il n'est plus possible de rendre l'objet volé, il doit rembourser une somme équivalente au double de sa valeur (Mekhilta).
- Lorsqu'un voleur agit au vu et au su de tous (non secrètement comme précédemment), il doit uniquement rendre l'objet volé.
Pourquoi cette différence de traitement? Le 1er cas (voler secrètement) est plus grave que le 2e car en agissant ainsi, le voleur a prouvé qu'il ne craignait que les hommes et non le regard de D. auquel rien n'est caché (Baba Batra 79b).
2- Cas particulier : le vol d'un bœuf et le vol d'un mouton
= puni plus sévèrement par la Torah car ceux-ci constituent pour le paysan un bien d'importance vitale, sans lequel ses moyens d'existence sont en péril (Torah Temima).
- si un homme a volé un bœuf, puis l'a égorgé et vendu, il doit rendre la valeur de 5 bœufs;
- s'il agit de même avec un agneau, il doit en rendre 4 (Cf. verset 21,37 de la paracha).
Pourquoi cette différence? Rashi en donne la réponse en citant la guémara Baba Kama 79 :
- Des 2 animaux, le bœuf est celui dont la valeur est la plus importante, car il travaille pour son maître, ce qui n'est pas le cas de l'agneau ;
- D. nous apprend qu'il faut se préoccuper de l'honneur de tout être humain, fut-il un voleur. En effet, pour voler un agneau, il a dû s'abaisser à le porter sur ses épaules. En revanche, on conduit facilement un bœuf dehors.
D. considère la honte subie par le voleur, et diminue son remboursement.
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-> "Si un homme vole un bœuf ou un agneau ... il paiera 5 pièces de gros bétail à la place du bœuf et 4 pièces de menu bétail à la place du mouton" (Michpatim 21,37)
Rabbi Yéhouda dit que les Bné Israël ont dit à Hachem : "Parce que nous avons volé un bœuf Yossef et fabriqué un Veau, nous avons payé 5 fois : 5 de nos Pères sont morts dans le désert (Moché, Aharon, Myriam, Nadav et Avihou) ; "4 fois pour un petit bétail" correspond aux quatre royaumes qui nous ont dominés (Babylonie, Médie, Grèce et Rome) ; et parce que nous avons volé Yossef, nous avons été asservis en Egypte pendant quatre cents ans."
(midrach Chémot Rabba)
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+ Qu'est-ce qui dissuade les voleurs de dérober selon la Torah?
-> Le rav Yosef Shalom Eliachiv souligne la singularité que présente le traitement réservé au juif ayant transgressé l’interdit du vol.
Dans tous les pays du monde où le système judiciaire a été établi par des non-juifs, de lourdes sanctions ont été prévues pour les voleurs. Souvent, ils ne sont jugés qu’à partir de simples estimations ou suite au témoignage d’un seul témoin, qui peut être un proche parent ou une personne ayant un intérêt personnel à témoigner. La facilité avec laquelle la sanction est appliquée trouve sa source dans la logique élémentaire selon laquelle, en l’absence d’une telle sévérité, "les hommes se dévoreraient vivants".
Pourtant, la Torah a une tout autre approche du sujet. Le voleur ne doit rembourser l’objet de son larcin que si deux individus l’ayant surpris en flagrant délit viennent le témoigner. Mais, s’il les précède en avouant lui-même son forfait, il est exempt de la pénalité. En outre, même dans le cas où il a été accusé et doit rembourser ce qu’il a volé, s’il n’en a pas les moyens, il sera vendu comme esclave. Le cas échéant, non seulement il est ainsi acquitté de ce remboursement, mais, en plus, il a droit à un certain confort : son maître doit lui donner la même nourriture que lui, des vêtements de la même qualité que les siens, tandis qu’il est soustrait au joug du gagne-pain.
=> Une question évidente apparaît : dans de telles conditions, qu’est-ce qui va réfréner la tendance au vol? Comment assurer l’ordre et la justice dans le monde? De nombreuses personnes déroberont sciemment, afin d’être vendues comme esclaves et de jouir de ce statut privilégié.
-> Le Rav Eliachiv en tire une lumineuse conclusion :
"La Torah nous enseigne, par ce biais, une leçon édifiante : nous ne devons pas penser que la multiplicité des sanctions constitue une menace efficace prévenant le vol. En effet, elle n’est pas à même d’empêcher les voleurs de poursuivre dans leur mauvaise voie. Ce qui les éloigne de leur tendance répréhensible est, au contraire, la bonne conduite qu’on adoptera envers eux, les égards et la finesse qu’on leur témoignera.
Un tel traitement, conjugué aux vertus qu’ils constateront dans la maison de leur maître, constitueront la base de leur fidélité aux voies de la Torah et de la foi en D., et seront les garants du maintien et du respect de l’ordre planétaire, avec la diminution du nombre de voleurs."
La conception de la Torah, s’opposant radicalement à l’opinion commune, prône pour une conduite vertueuse. Le statut de l’esclave hébreu en est la plus éloquente illustration.
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=> Pourquoi le voleur (ganav) manque-t-il de considération envers son Créateur, ce qui justifie la sévérité de la Torah à son égard?
-> Le Maharcha (guémara Baba Batra 79b) dit :
Le voleur en cachette, avec discrétion (ganav), en volant en cachette les gens, craint la sanction des tribunaux terrestres, mais ne croit pas à celle des Tribunaux célestes.
Ainsi, il nie la Providence Divine, et il nie la récompense et la sanction du Ciel.
Par contre, celui qui vole en public, au vu et au su de sa victime (gazlane), ni le principe de récompense et sanction, mais il considère à tort, que le gain réalisé par son vol est supérieur à la perte qu'il subirait par une sanction ici-bas et dans le Ciel.
-> Rachi (guémara Baba Batra 79b) écrit :
Le voleur en cachette (ganav) craint les gens, et c'est pourquoi, il ne veut pas être vu par eux lorsqu'il vole, alors qu'il ne craint pas d'être vu par le Créateur qu'il déconsidère donc.
-> Le Ben Ich 'Haï rapporte :
- Le ganav peut être amené à jurer si la victime le soupçonne de ce vol, et il pourrait faire un faux serment pour ne pas avoir honte.
Ce faux serment est un manque de respect pour son Créateur.
Par contre, le gazlane, qui a volé au su et au vu de la victime, ne sera pas amené à jurer s'il nie, car alors 2 témoins qui auraient assisté à ce vol (guézel) viendront le confondre. C'est pourquoi la Torah a été plus sévère avec le ganav.
- Le ganav peut récidiver plusieurs fois, car il a agi en secret et nul ne le sait, tandis que le gazlane qui a agi en public ne pourra pas commettre son méfait de nombreuses fois, car il sera repéré par ses victimes et la chose se saura.
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=> Comment comprendre que le ganav (voleur en cachette) ait agi comme si le Créateur ne voyait pas et n'entendait pas?
-> Le Ben Ich 'Haï explique :
Le Créateur voit tout et entend tout. Cependant le ganav ne craint pas cela : il vole à l'insu de sa victime, comme si "l'œil d'en haut" du Créateur ne le voyait pas.
De plus, la victime de ce vol, opprimée, va adresser une plainte à Hachem qui va "l'entendre" et la venger, selon ce verset : "S'il élève sa plainte vers Moi, J'entendrai sa plainte" (Michpatim 22,22).
Le ganav ne tient pas compte non plus de la plainte que la victime du vol élève vers Hachem, comme si "l'Oreille d'en haut" n'entendait pas les plaintes de la victime.
Ainsi, le ganav renie "l'Oeil" et "l'Oreille" du Créateur.
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-> Bien que le ganav soit un racha et bien qu'il ait transgressé le commandement de la Torah : lo tignov (ne vole pas), la Torah a allégé la sanction du vol de l'agneau par rapport à celle du vol du bœuf parce qu'il a dû, malgré lui, le transporter sur ses épaules et a ainsi dédaigné sa respectabilité.
Ainsi, ce rabaissement de sa dignité est pris en compte dans la sanction de ce ganav, ce qui prouve l'importance qu'Hachem accorde au respect des gens.
[Malbim]